Un rapport de la Chambre régionale des comptes dévoilé mercredi 13 mars pointe une situation "très préoccupante" des forêts en Bourgogne-Franche-Comté. À cause du réchauffement climatique, le massif du Jura est en souffrance. Il changera de visage dans les prochaines décennies.
L’image d’Épinal des montagnes du Jura, couvertes de conifères, ne sera bientôt plus qu’un souvenir. D’après un rapport de la Chambre régionale des comptes de Bourgogne Franche-Comté, publié mercredi 13 mars, les forêts de la région sont menacées. Parmi les plus vulnérables : celles de moyenne montagne.
Un taux de mortalité qui a doublé
Dans le Jura, on s’inquiète depuis 2018. Une année cruciale pour les deux espèces majoritaires, le sapin et l’épicéa. "Cette année-là, on a constaté une forte augmentation de la mortalité de nos arbres", expose Florent Dubosclard, de l'Office national des forêts (ONF) du Jura. Ce taux de mortalité a doublé entre les périodes 2015-2019 et 2019-2023, passant de 10% à 20%, selon le rapport.
En cause : la sécheresse des étés, conséquence du réchauffement climatique. "Le sapin meurt tout simplement de soif. Il n’y a plus d’eau à puiser dans le sol. Et l’épicéa, lui, se fait tuer par les scolytes [un insecte qui se nourrit du bois sous l’écorce, NDLR]. Ces populations de scolytes, qui aiment la chaleur, ont explosé pour atteindre un stade épidémique." Aucune forêt du département n’a été épargnée. Plus encore, l’épidémie, initialement en basse altitude, s’est propagée jusque dans les hauteurs.
Un bilan plus qu’alarmant, qui se traduit par un chiffre : le volume de bois mort ramassé dans le département du Jura est passé de 20 000m3 avant 2018 à 350 000m3 en 2023. Soit quinze fois plus.
En première ligne, les communes forestières. Elles peinent à conserver leurs forêts face au réchauffement climatique. "Il y a une perte de recettes, et donc peu de ressources pour replanter des arbres", analyse Emmanuel Roux. Par exemple, la commune d’Andelot en Montagne (Jura), n’a pu replanter que la moitié des arbres touchés par les scolytes sur sa commune.
Moins de sapins et d'épicéas
Alors, quel visage pour les forêts jurassiennes de demain ? À la Chambre régionale des comptes, on est plutôt alarmiste : "Ce qu’on dit, c’est que si ça continue comme ça, la forêt de moyenne montagne va disparaître". L’ONF, bien que "très inquiète", tempère : "La nature n’aime pas le vide. Il n’y aura pas de zone "sans rien". Mais c’est sûr qu’une partie de nos forêts va devoir être reconsidérée."
En clair, le sapin et l’épicéa seront toujours présents, mais plus majoritaires. "À leur place, il y aura des essences [des espèces, NDLR] plus résistantes." C’est tout le travail de l’ONF : façonner la forêt de demain, en trouvant ces espèces qui pourront survivre à un climat plus rude. "Par exemple, on va donner un coup de pouce à l’érable ou au tilleul, peut-être plus adaptés à l’avenir."
"On peut aussi valoriser des essences qui ressemblent à nos arbres actuels, mais qui viennent d’ailleurs : du sapin du Sud-Ouest, voire de Turquie, plutôt que jurassien.”
Florent Dubosclard, ONF du Jura
Le problème : ces expérimentations prennent des dizaines d’années. D’ici là, le réchauffement climatique pourrait encore déformer les forêts. "Il y a une urgence, prévient la Chambre régionale des comptes. Il faut trouver les bonnes réponses au niveau politique, et rapidement. Mais si on continue à faire comme aujourd’hui pour régénérer les forêts, couper et replanter, ça ne fonctionnera pas."
Au niveau national, la Chambre estime que 2 à 3 millions d’hectares de forêts sont menacés. En Bourgogne-Franche-Comté, les enjeux sont colossaux. La région, qui compte 10% de la forêt métropolitaine sur son territoire, est la première productrice de bois d'œuvre de chêne. La filière emploie 25 000 personnes.