TOURISME. Comment éviter le surtourisme dans le Jura ?

Les beaux jours arrivent après une fin de mois de juillet et un début août plutôt automnal. Une météo qui redonne envie de sortir. Dans le Jura, la crainte de la surfréquentation des lieux incontournables est toujours là. Mais depuis quelques années, de nombreuses actions sont mises en œuvre pour limiter ce surtourisme.

Chaque année, des milliers de touristes affluent vers la cascade des Tufs, cet idyllique petit coin, niché au cœur du Jura, sur la commune des Planches-prés-Arbois. Après un mois de pluie, le spectacle ne sera que plus grandiose encore. Pour "réguler les phases de pointe", la communauté de communes avait investi dans l’achat d’un terrain, en amont du site, afin d’en faire un parking. S’ajoute à cela un aménagement contre le stationnement à l’intérieur du village des Planches-près-d’Arbois, pour éviter que le tourisme ne perturbe les habitants.

La pédagogie plutôt que l’interdiction

Dominique Bonnet, président de la communauté de commune Arbois Poligny Salins Cœur-du-Jura, indique "chercher une solution pour fluidifier l’afflux touristique lors de certaines journées de pointe et préserver cette cascade naturelle, avec un cabinet." Une solution "sans non plus tarir cette belle visibilité jurassienne. Le Jura est un département vaste et reste naturel, qui apporte beaucoup de satisfactions".

Pour lui, pas question d’être dans la répression ni dans l’interdiction pour réguler cet afflux touristique. "On agit avec pédagogie pour préserver ce site naturel patrimonial, que ce soit avec de l’affichage ou l’aménagement des parkings. On a des sites de visites comme la Saline, qui accueille beaucoup de visiteurs. Tout a été pensé pour accueillir le public. Alors qu’un site naturel n’a pas été prévu pour un accueil abondant de visiteurs", tient-il à souligner.  

"Avec des restrictions de déplacements, on entre dans une société de contrôle."

Rodolphe Christin, sociologue et auteur du Manuel de l'anti-tourisme

Rodolphe Christin, sociologue et auteur du Manuel de l’anti-tourisme, est du même avis concernant l’interdiction et la répression pour réguler la masse touristique. "Si on institutionnalise ce genre de pratiques, on accepte de restreindre l’accès à un espace public." Et pour le sociologue, on touche à une question d’éthique. "Avec des restrictions de déplacements, on entre dans une société de contrôle."

"Le surtourisme bouleverse les lieux de vies et les écosystèmes"

Dominique Bonnet, président de la communauté de commune Arbois Poligny Salins Cœur-du-Jura, souhaite un tourisme "citoyen, qui prenne soin du lieu sans le dénaturer et l’abîmer". Il évoque notamment les touristes qui "veulent prendre le cliché magique" sans penser au milieu naturel et qui en "oublient la préservation d’un site exceptionnel". Sans oublier que les jours de chaleur, les visiteurs se rafraîchissent souvent dans la cascade, abîmant la biodiversité du lieu classé Natura 2000.

C’est d’ailleurs ce que nous explique Rodolphe Christin. "Le surtourisme bouscule les lieux de vies, mais aussi les écosystèmes. Il y a une convergence entre un impact sociétale liée à une surpopulation et impact environnemental, avec des espaces naturels qui ne peuvent pas supporter la charge des visiteurs", explique le sociologue. D’ailleurs, pour lui, ce phénomène n’est pas nouveau : "depuis que le tourisme a une proportion industrielle, il y a des conflits entre les usagers et les pratiquants de l’espace".

Le cas de la cascade des Tufs et du village des Planches-prés-Arbois n’est pas le seul exemple de département, où l’afflux touristique perturbe à la fois les habitants et l’écosystème.

Éviter une concentration de visiteurs

À moins d’une cinquantaine de kilomètres, un autre site remarquable subit des fortes fréquentations durant la période estivale : les cascades du hérisson. Pour y faire face, Claire Lemonnier, la directrice de Terre d'Émeraude tourisme, a mis en place une campagne de communication pour "éviter une concentration de visiteurs sur une même période".

Mais Rodolphe Christin est plutôt en désaccord cette manière de faire. "Il faudrait procéder à un étalement dans le temps, avec certains lieux ouverts jours et nuits, pour que les touristes se répartissent dans la journée et ainsi éviter une concentration sur les mêmes plages horaires." Une idée pour autant qui lui parait "illusoire". Pour le sociologue, il s’agirait là "d’étendre le tourisme, avec du tourisme partout, tout le temps".

Pour autant, selon Claire Lemonnier, ça marche ! "On voit un étalement des visiteurs tout au long de la journée, et de l’année, même s’il y a un pic de fréquentation sur le mois d’août. Cela commence à porter ses fruits et je pense qu’on peut dire que le site n’est pas surfréquenté", souligne-t-elle.

Réduire la communication

Cette pédagogie s’inscrit dans la démarche Grand site de France. Une démarche portée par le ministère de l’Environnement dans laquelle les collectivités doivent gérer les sites avec un afflux de visiteurs et mettre en place des actions entre fréquentation et tourisme. "L’idée n’est pas de mettre un site sous cloche, mais de faire en sorte qu’il puisse vivre et accueillir les visiteurs, tout en les préservant".

Selon Rodolphe Christin, pour arriver à mieux répartir les flux, il faudrait "ne plus communiquer sur les lieux emblématiques". Ce surtourisme n’est que la conséquence d’une "forme de matraquage promotionnel qui est permanent, où la communication territoriale est un enjeu fort. Les professionnels qui vendent ça, mettent tout ça en musique. C’est un système bien rodé".

Pour réduire ce flux touristique, il pense que, "l’on pourrait dissuader avec les impacts sociaux et environnementaux du tourisme. Il faut arrêter de faire du tourisme une norme du comportement. La France dépend du tourisme, certes, mais je ne suis pas sûr que l’on puisse continuer comme ça. Ce n’est pas soutenable sur le plan environnemental et social lorsque les territoires touristiques subissent un embourgeoisement qui chasse les habitants des catégories populaires."

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