"Le blabla, ça commence à bien faire": dans les hôpitaux, l'amertume des soignants après les annonces d'Emmanuel Macron

Face à la nouvelle flambée de l'épidémie de covid-19, le président de la République Emmanuel Macron a annoncé ce mercredi un reconfinement partiel de l'ensemble de la France métropolitaine. Dans les hôpitaux de Franche-Comté, les soignants attendent désormais des actes forts.

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"On a largement prouvé qu’on pouvait compter sur nous, on n'a pas le sentiment qu’on puisse compter sur lui".

C'est peu de dire que Nathalie Depoire a été déçue par l'allocution d'Emmanuel Macron ce mercredi soir. Infirmière à l'hôpital Nord Franche-Comté (HNFC) de Trévenans, dans le Territoire de Belfort, elle travaille au sein de l'un des premiers établissements de France touchés par la crise sanitaire au printemps 2020. Le foyer épidémique de Mulhouse, lié à un rassemblement évangélique, n'est qu'à quelques dizaines de kilomètres de son hôpital.

Ça fait un an que les soignants sont sur le pont et qu’ils rament. On veut des lits pérennes, et donc du personnel.

Nathalie Depoire, présidente du syndicat CNI à l'Hôpital Nord-Franche-Comté

"Le blabla ça commence à bien faire. Maintenant, on voudrait des actes, assène la présidente locale du syndicat CNI (Coordination Nationale Interprofessionnelle de Santé / Coordination Nationale Infirmière). Ça fait un an que les soignants sont sur le pont et qu’ils rament. On veut des lits pérennes, et donc du personnel. Il y a une vraie inquiétude sur nos ressources humaines."

Et la Belfortaine de dénoncer une sorte de mépris, alors que le décret suspendant le jour de carence pour les personnels hospitaliers en cas d'arrêt maladie covid prend fin... le 31 mars ! "Faites encore des efforts mais si vous êtes malades, vous avez un jour de carence", peste Nathalie Depoire.

De Belfort à Saint-Claude, en passant par Besançon, partout la même "fatigue"

"Les moyens ? on n’en a pas". A l'autre bout de la Franche-Comté, le discours est le même. Farid Lagha, secrétaire CGT à l'hôpital de Saint-Claude, dans le Haut-Jura, évoque la "supercherie" présidentielle.

"On aurait dû arrêter de fermer les lits comme c’est le cas chez nous, dénonce le Haut-Jurassien. On ferme des services par manque de personnels. Tout ça était prévisible. Il nous faut des moyens, en personnels, et des ouvertures de lits".

Il y a énormément de com, mais dans la réalité, c’est une catastrophe

Farid Lagha, secrétaire CGT de l'Hôpital de Saint-Claude (Jura)

Le syndicaliste sanclaudien considère les promesses d'Emmanuel Macron comme "du virtuel": "On nous avait promis des choses déjà lors des deux premières vagues, et on n’a pas vu une seule personne de plus dans nos services."

A Besançon, dans le plus gros hôpital de Franche-Comté, Laurence Mathioly, secrétaire départementale Sud-Santé sociaux du Doubs, fait le même constat: "On n'a pas plus de lits, au contraire... Depuis un an, on n’a pas vu de changement, si ce n’est que les personnels sont de plus en plus fatigués. Et on n'a pas de perspective."

Son collègue de la CFDT, Marc Puyraveau, pointe le "taux d’absentéisme", important au CHRU Jean-Minjoz. On a des difficultés à mettre des humains au bout des lits. C'est le frein majeur".

Bientôt 10.000 lits de réanimation ? Peu de soignants y croient

Parmi les annonces du président de la République hier, l'objectif d'ouvrir au moins 10.000 lits de réanimation, contre un peu plus de 7600 aujourd'hui.

Des quatre soignants que nous avons interrogés, peu y croient. "Ca aurait dû être fait depuis longtemps quand même" soupire Laurence Mathioly (Sud-Santé sociaux - Doubs), qui s'attend à ce que son hôpital ait recours au système D: "Comme les hopitaux ont du mal à recruter, à cause des conditions de travail, on va piocher dans les autres services."

M. Macron est très satisfait de ce qu’il a fait. Nous, on a un sentiment d'amertume.

Laurence Mathioly, secrétaire départementale Sud-Santé sociaux du Doubs

Au-delà du nombre de lits de réanimation, c'est bien le nombre de personnels à mobiliser pour s'en occuper qui préoccupe nos soignants: "Faire appel aux retraités, aux étudiants, c'est bien, mais ça restera des étudiants et des retraités, assène Farid Lagha, de la CGT à Saint-Claude. Compter sur le bon vouloir, sur le bénévolat, ce n’est pas ce qu’on attend. On veut pérenniser les emplois, les personnels. C’est de l’argent qu’il nous faut."

"On va créer des lits de réa éphémères en déprogrammant des interventions au détriment d’autres patients,  abonde Nathalie Depoire, l'infirmière du Territoire de Belfort (CNI). Cette situation, on ne la vit pas bien en tant que soignants. On est déjà plus que fatigués. On est des humains, on a nos limites aussi".

Et Marc Puyraveau, le méthodologiste statisticien de la CFDT au CHRU Jean-Minjoz de Besançon, de rappeler une évidence: "On va absorber cette évolution de la 2e vague avec des personnels fatigués et des lits déjà pleins. Il faut que tout le monde en ait conscience: pour soulager l’hôpital, le mieux reste de pas y rentrer".

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