Loup : la Chambre d'agriculture régionale demande de pouvoir abattre loups et lynx pour défendre les troupeaux

Jamais la chambre régionale de Bourgogne - Franche-Comté n’avait été aussi ferme : elle demande aux autorités de pouvoir abattre loups et lynx qui attaquent de plus en plus souvent les troupeaux. Les associations de protection de la nature, comme Athénas, s'indignent.

Les attaques de loup se sont multipliées ces dernières années contre les troupeaux de chèvres, de jeunes bovins mais surtout contre des moutons et des brebis.

Un loup solitaire avait été vu dans le Massif du Jura, il y a quelques années, maintenant c’est une meute qui s’est installée sur le secteur des Rousses – Bois d’Amont dans le Haut-Jura. Les animaux sont vus ou malheureusement signalés, notamment suite à des accidents avec des voitures ou suite à des affaires de braconnage. Ils se manifestent aussi par les dégâts qu’ils causent sur les troupeaux.

Voici les chiffres depuis 2015 :

2015    Haute-Saône : 1 attaque  6 moutons tués

            Yonne :              1               3

2016    Yonne :              1                3

            Haute-Saône :    3                9

            Jura :                   1               1 

2017    Yonne :              21               21

            Côte d'Or :         2                18

            Haute-Saône :    1                  6           

            Jura :                  1                  1

2018   Côte d'Or :           2                 5

           Yonne :                7                30

          Jura :                     7                51

2019  Côte d'Or :            3                  7

           Doubs :                2                12

           Haute-Saône :      2                16

          Yonne :                27                66

          Jura :                      3               15

2020   Yonne :                 4                24

          Côte d'Or :             6                 61

          Doubs :                  7                 17

          Haute-Saône :         13              27

          Yonne :                   17               24  

          Jura :                         6               22 

Au total, sur les 6 dernières années : en 2015, 2 attaques ont fait 9 victimes ; en 2016, 5 attaques, 13 victimes ; en 2017, 6 attaques, 46 victimes ; en 2018, 16 attaques, 86 victimes ; en 2019, 12 attaques, 116 victimes et en 2020, 53 attaques, 175 victimes. (Chiffres DREAL, Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement)

Des attaques ont eu lieu pratiquement dans tous les départements de la région, avec quelques secteurs plus touchés que d’autres. Exemples en Haute-Saône encore en début janvier 2021 à Gevigney, Ormoy, Arbecey, Fleurey-les-Faverney, à Saint Agnan dans la Nièvre, en décembre 2020, ou encore à Chatelblanc dans le Doubs le 12 juillet dernier. Les éleveurs ont manifesté, défilé, déposé des carcasses d’ovins tués devant la préfecture de Dijon (13 mars 2021). 

La chambre d’agriculture hausse le ton

Réunie en bureau la semaine dernière, la Chambre d'agriculture se prononce avec fermeté contre le loup et, dans une moindre mesure, contre le lynx. Dans un communiqué, intitulé « Attaques de loups, stop aux traumatismes infligés ! » (A lire in extenso en fin d’article), les agriculteurs remettent en cause les bénéfices pour la biodiversité de la réintroduction du loup et rappellent qu’il est difficile voire impossible de protéger tous les espaces. Ils insistent : « L’activité d’élevage déjà fragilisée dans notre région n’est pas compatible avec la présence du loup et du lynx. »

Ils demandent « formellement aux pouvoirs publics de prendre toutes les mesures nécessaires pour stopper le retour du loup et l’abattage systématique de celui-ci dès les premiers signes de présence à proximité de nos élevages. Il doit en être de même pour les lynx aux comportements déviants. »

(Les lynx aux comportements déviants, ce sont des lynx qui se sont « spécialisés » dans les attaques de troupeaux, beaucoup plus faciles pour eux que de chasser des biches ou des campagnols.)

Ils se plaignent également des indemnités prévues, souvent moindre que leurs pertes réelles et de la lenteur de la procédure.

Pierre-Henri Pagnier, éleveur à Chaux-Neuve, dans le Doubs, est membre de la chambre départementale et aussi régionale. Il s'explique : « Oui, permettre des tirs de défense ou d’abattre des animaux, rapidement, en allégeant les procédures administratives, ferait diminuer les risques d’attaques. Nous ne voulons pas éradiquer une espèce. Le lynx, par exemple, il faut l’éduquer pour ne pas qu’il se serve dans nos troupeaux pour faire ses courses.»  
 

Réactions à cette demande de la chambre régionale nombreuses et virulentes
 

Sur sa page Facebook, le Centre Athénas (qui récupère, soigne et relâche quand c’est possible les animaux sauvages, comme les oiseaux ou les lynx) s’insurge contre cette demande des agriculteurs de la région et parle de « provocation » : « Quelle indécence ! Nous étions habitués aux prises de position caricaturales et rétrogrades des Chambres d’Agriculture. Mais là, la limite est franchie. » Et poursuit : «… subventionnés pour produire, subventionnés pour protéger leurs troupeaux, indemnisés pour les éventuels dégâts de grands prédateurs, ils ne peuvent dans le même temps inciter implicitement par ces déclarations de guerre, leurs adhérents à s’affranchir de la réglementation et se faire justice ou pire, anticiper des dégâts et tirer à vue sur les prédateurs. » (voir le communiqué en fin d'article)

Sur cette même page Facebook, les internautes s’indignent de cette demande des agriculteurs et apportent leurs soutiens à Athénas, pour la plupart d’entre eux.

Gilles Moyne est le directeur du Centre Athénas. Il veut dénoncer l'attitude des agriculteurs : "Ils ont des positions antagonistes. D'un côté, ils participent au Plan National d'Action sur les grands prédateurs et, de l'autre, ils prennent ce genre de position. C'est de nature à provoquer des excès, des passages à l'acte, même des tirs a priori sur des animaux. Ce serait scandaleux. Regardons dans d'autres pays comment agriculteurs et loups cohabitent. C'est possible."

L'agriculteur de Chaux-Neuve Pierre-Henri Pagnier réagit : « C’est difficile de faire entendre raison aux défenseurs de la nature quand ils sont dogmatiques. Il s’agit d’un choix de société. Mais nous nous défendrons becs et ongles. C’est notre métier, notre gagne-pain. »

Il insiste sur un autre point : « Un éleveur qui a subi ce genre d’attaques, il est cassé, financièrement et psychologiquement. Je parle de suicides. Il y a eu des suicides. Ce n’est jamais qu’une seule cause, il y en a plusieurs, mais une attaque de loup, ça compte. »

 

Communiqué de presse de la chambre d'agriculture :

"Attaques de loups, stop aux traumatismes infligés !

L’élevage de notre région Bourgogne-Franche-Comté est désormais régulièrement touché par des attaques de prédateurs, en particulier de loups, espèce inexorablement de retour et désormais bien installée, comme ardemment souhaité par certains.

Les attaques meurtrières et destructrices de troupeaux s’enchaînent village après village et les dispositifs de protection démontrent les limites de leur efficacité.

Avons-nous la connaissance scientifique pour juger que la réintroduction du lynx ou la présence du loup constituerait un bienfait notoire pour la biodiversité ?

Allons-nous délibérément ruiner le métier d’hommes et de femmes passionnés par la conduite de leurs troupeaux, laisser détruire, impassible, leur savoir-faire, la valeur du patrimoine génétique de leurs troupeaux fruit du travail de plusieurs générations d’éleveurs et leur passion du métier et finalement admettre le recul de l’élevage local, véritable garant d’un aménagement durable de nos territoires, au bénéfice du loup et par ricochet au profit de l’importation ?

Étonnante conception de la reconquête de notre souveraineté alimentaire des circuits courts et de l’alimentation de proximité !

L’activité d’élevage déjà fragilisée dans notre région n’est pas compatible avec la présence du loup et du lynx. La conduite de nos élevages à proximité des villages, la présence de sentiers de randonnée, les difficultés de poser des filets électriques que ce soit dans les zones escarpées de montagnes ou à proximité de bocages et le manque de main d’oeuvre ne permettent pas un déploiement efficace des moyens de protection. La définition de zone non protégeable doit impérativement être adaptée à notre région afin de faciliter l’accès aux tirs de défense. Il faut éduquer les loups en les dissuadant d’attaquer et cela ne se fera qu’en leur rappelant de façon radicale que les troupeaux domestiques ne constituent pas leur garde-manger !

Tout comme le maître est responsable des actes de son chien, l’Etat français se doit d’être responsable des prédateurs dont il a fait le choix d’assurer le développement ! Les indemnisations des dommages faites aux troupeaux doivent être sans conditions, rapides et à hauteur des pertes réelles, car aujourd’hui, les seuils d’indemnisation des pertes directes et indirectes sont très largement sous-évalués. Ces indemnités doivent également prendre en compte le temps passé, le stress et la détresse des éleveurs impactés.

Nous demandons formellement aux pouvoirs publics de prendre toutes les mesures nécessaires pour stopper le retour du loup et demandons systématiquementl’abattage de celui-ci dès les premiers signes de présence à proximité de nos élevages. Il doit en être de même pour les lynx aux comportements déviants."

Communiqué du Centre Athénas :

"Provocation de la Chambre Régionale d'Agriculture, et incitation au délit (tir à vue des grands prédateurs), à l'heure de la mise en place du PNA lynx où ils sont pourtant représentés, et sont sensés oeuvrer (moyennant subventions) à l'acceptation du lynx.

Quelle indécence !!! Nous étions habitués aux prises de position caricaturales et rétrogrades des Chambres d’Agriculture. Mais là, la limite est franchie.

Ces gens-là n’ont rien compris, bloqués qu’ils sont dans un modèle d’agriculture productiviste dont l’échec est maintenant avéré. Pollution des rivières, uniformisation des paysages, épuisement et tassement des sols, érosion de la biodiversité ordinaire, disparition des pollinisateurs, émergence de pathologies liées à l’usage effréné des pesticides, antibiorésistance consécutive à la banalisation de l’usage alimentaire des antibiotiques dans l’élevage, surproduction organisée et subventionnée, dont les excédents sont jetés avant la DLMV par les magasins à qui ils bradent leurs troupeaux en pièces détachées.

Voici le modèle de ruralité qui veut voir disparaitre les grands prédateurs, la pluie, le vent, le gel et tout risque naturel, sans remettre en question les racines du mal : le mode de production lui-même.

Non, toute honte bue, ils veulent les subventions, les ventes, la peau du loup et celle du lynx. En fait, le beurre, l’argent du beurre et le C.. de la crémière.

Chercheraient-ils le boycott ? Déjà que la consommation de viande diminue, et c’est heureux, si les producteurs se mettent à afficher leur haine du vivant non domestique et non industriel, ils s’exposent à davantage de désamour de leurs contemporains.

En tout premier lieu, il serait a minima décent que l’Etat rappelle aux auteurs de cette éructation que, subventionnés pour produire, subventionnés pour protéger leurs troupeaux, indemnisés pour les éventuels dégâts de grands prédateurs, ils ne peuvent dans le même temps inciter implicitement par ces déclarations de guerre, leurs adhérents à s’affranchir de la réglementation et se faire justice ou pire, anticiper des dégâts et tirer à vue sur les prédateurs.

A moins que à la Chambre de l’Agriculture souhaite voir ses adhérents renoncer à toutes ces aides à la production ? "

 

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