Maltraitances, enquête de l'ARS : que se passe-t-il à la Ferme du Sillon, une structure pour autistes dans le Jura ?

De nombreuses pratiques dangereuses et actes susceptibles d'être de maltraitance ont été révélés par un rapport de l'Agence Régionale de Santé à la Ferme du Sillon, le seul établissement d'accueil d'adultes autistes du Jura. Basé à Chaux-de-Crotenay, il accueille une trentaine de résidents.

La Ferme du Sillon accueille 31 adultes autistes. Un public fragile, touché par une forme d'autisme lourd, ces résidents sont pour la plupart privés du langage. 

Pour les encadrer et les accompagner, 47 salariés travaillent dans cet établissement. Depuis 10 ans, les directeurs se succèdent dans l'établissement. Les départs de salariés aussi sous forme de démissions ou ruptures conventionnelles.


Des pratiques dangereuses et des dysfonctionnements graves dans le circuit des médicaments 


En août 2019, à la suite d'une enquête menée par des inspecteurs de santé de l'ARS Bourgogne Franche-Comté, des dysfonctionnements majeurs ont été constatés dans le circuit du médicament ainsi que des pratiques dangereuses.

Le rapport de l'ARS rapporte que la directrice adjointe de la structure effectuait "régulièrement des actes relevant de l'exercice illégal de la médecine, susceptibles de faire courir un danger aux patients concernés". 

Le rapport précise que cette dernière opérait "en donnant l'ordre d'administrer, prescrivant et/ou administrant des médicaments psychotropes et sédatifs (du Valium principalement) à des résidents sans que ces derniers disposent d'une prescription médicale. 

Dans ce même rapport il est également mentionné "la mise à l'isolement de plusieurs patients (enfermement à clé dans un local exigu sans rafraichissement en été, de surcroît pendant l'alerte canicule)". De plus, il est précisé que cette cadre n'intervenait pas "de manière effective [...] pour faire cesser des agissements susceptibles de constituer des actes de maltraitance et de mise en danger des patients".


Pubis rasés sans prescription médicale, sédations injustifiées


Parmi ces agissements figurent "des rasages de pubis de résidentes sans justification médicale". Eric Dole, aide-soignant les a signalés immédiatement. Il regrette que sa hiérarchie n'ait pas réagi sur le moment. Pour avoir dénoncé ces agissements, lui et plusieurs de ses collègues auraient subi des pressions. Il a été mis à pied durant trois semaines, sans raisons valables selon lui. 

L'aide soignant dit avoir constaté des sédations injustifiées selon lui. Il a alerté le responsable des ressources humaines puis le CHSCT.  Ses signalements sont restés lettre morte. Il a fini par les faire remonter directement au Procureur de la République.
 


L'infirmière, directrice adjointe mise en cause par le rapport d'enquête de l'ARS a été suspendue par l'orde des infirmiers. Une note interne (que nous avons pu consulter), du gestionnaire actuel OVE  adressée à l'ensemble des salariés la "remercie chaleureusement pour l'important travail accompli au service de l'établissement". Elle aurait quitté la structure début octobre.


Un administrateur provisoire nommé pour six mois

Suite à l'enquête de l'Agence Régionale de Santé, des injonctions ont été notifiées à l'organisme gestionnaire, la Fondation OVE qui a repris les rênes de l'établissement depuis juillet 2018.

"Les réponses à la lettre d’injonction de la part de la Fondation OVE étant jugées insatisfaisantes pour garantir notamment une administration sécurisée des médicaments, l’ARS a désigné un administrateur provisoire à compter du 3 octobre. Les fonctions de l’administrateur provisoire, dont le mandat est de 6 mois, renouvelable une fois, consistent à accomplir au nom de l'Agence Régionale de Santé et pour le compte de l’établissement, les actes d'administration urgents et/ou nécessaires pour définir des mesures adaptées et mettre en œuvre un plan d’action de nature à répondre aux différentes injonctions découlant du rapport d’inspection. L’ensemble des locaux et du personnel, ainsi que les fonds de l’établissement, sont mis à sa disposition. Depuis plus d’un mois maintenant, les premières actions de l’administrateur se sont attachées à restaurer des conditions normales de fonctionnement en lien avec une implication accrue du personnel médical de l’établissement et le recrutement de nouveaux personnels soignants" nous indique l'Agence Régionale de Santé.   

 

Créé en 2006, l'histoire de la Ferme du Sillon est complexe et tourmentée


Serge Fotia, encore récemment secrétaire départemental adjoint CFDT santé sociaux a suivi le personnel de l'établissement depuis 2016. Il explique que la Ferme du Sillon souffre d'un turn-over très important de personnels. L'établissement a connu de nombreux départs volontaires, des démissions. "Travaillant dans des conditions difficiles, le personnel souffre d'un manque de reconnaissance" explique-t-il. Il relève plusieurs manquements : "Le document unique d'évaluation des risques, pourtant obligatoire, n'existe pas. Le projet d'établissement qui permet de formaliser un projet commun pédagogique n'a pas été actualisé depuis un long moment, tout ceci contribue à créer des pertes de repères au sein de l'équipe en place" affirme le syndicaliste. De plus, il y aurait parfois des pics d'intérimaires de 70 à 80 % pour remédier au manque d'effectif. "C'est regrettable car cela provoque beaucoup d'instabilité dans les équipes alors même que les adultes autistes sont fragiles et perturbés par les changements" explique Serge Fotia. Plusieurs familles auraient porté plainte.


10 directeurs en 10 ans dans cette structure pour autistes


La Fondation OVE qui a repris les rênes de l'établissement depuis juillet 2018 est spécialisée dans l'accueil de personnes en situation de handicap. Elle gère une centaine d'établissements en France, dont 15 spécialisés dans l'autisme. Sa direction explique avoir agi notamment sur la question de la distribution des médicaments. Elle rappelle également le contexte "cet établissement connaissait des difficultés depuis plus de 10 ans...en 10 ans, 10 directeurs se sont succédés". "L'ARS avait déjà relevé des dysfonctionnements avant 2018, et établi un rapport faisant état de 18 injonctions graves" explique Christian Berthuy, directeur général de la Fondation OVE.

Soucieux du bien être de son personnel, le gestionnaire indique avoir réorganisé le travail avec des périodes de repos de deux à trois jours consécutifs notamment. Il ajoute avoir recruté des éducateurs récemment pour remettre en place des ateliers précédemment supprimés. 

 
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité