Deux louveteaux de la meute du Marchairuz, installée dans le Massif du Jura entre Franche-Comté et Jura suisse, risquent d'être abattus après une décision des autorités suisses répondant à plusieurs attaques. Cette décision est vivement dénoncée par les défenseurs de la faune sauvage. Explications.
"Je suis révolté ! J'apprends à l'instant que la Confédération helvétique vient tout juste de donner son feu vert au tir de deux jeunes loups de la meute jurassienne dite du Marchairuz" s'est indigné Alain Prêtre sur les réseaux sociaux. Le journaliste et photographe animalier, grand défenseur de la faune sauvage, ne décolère pas. "Cette autorisation risque de compromettre l'avenir de cette meute fraîchement établie dans le massif jurassien et d'hypothéquer la perspective de son implantation durable" poursuit-il, appelant à la révolte les amoureux de la nature et réclamant la démission de la Conseillère d'Etat vaudoise et pourtant écologiste Béatrice Métraux, à l'origine de la demande de tirs de loup.
Joint par nos soins, ce dernier entend bien mener la lutte contre une décision qu'il juge totalement contre-productive et sidérante. "Ils doivent abattre deux subadultes (ndlr, se dit d'un animal ayant dépassé le stade juvénile, mais ne présentant pas encore toutes les caractéristiques de l'adulte) de 2020. Il est impossible de visu de distinguer des subadultes des adultes. S'ils se trompent et qu'ils tuent le chef de meute, les animaux vont se disperser et donc se déployer sur un territoire plus grand ! Ils vont alors chasser seuls, et c'est beaucoup plus difficile d'attaquer un cerf tout seul. Donc ils vont faire quoi chacun dans leur coin ? Ben attaquer des veaux !" explique-t-il. "Autant s'abstenir plutôt qu'aller dans un processus qui sera totalement contre-productif !". Selon lui, une centaine de veaux du Jura vaudois sont morts cet été à cause du froid et de l'humidité, sur 1 500 têtes.
L’Office Fédéral de l’Environnement (OFEV) de Suisse a approuvé les demandes de régulation déposées par les cantons de Vaud et du Valais en Suisse, contre des loups qui ont fait des dégâts dans des troupeaux de bovins et de moutons (voir le communiqué). Les tirs concernent effectivement deux jeunes loups.
L'OFEV préconise de tuer les louveteaux devant leurs parents pour que "les loups redeviennent craintifs". Les cantons pourront réaliser ces tirs jusqu’à fin mars.
Pour garantir l’effet escompté, l’OFEV recommande aux cantons, dans ses prises de position, de tirer si possible les jeunes animaux lorsqu’ils se trouvent dans un groupe de plusieurs individus et à proximité d’habitations ou de troupeaux d’animaux de rente.
Les nouvelles dispositions, entrées en vigueur le 15 juillet 2021 chez nos voisins, autorisent les autorités cantonales suisses à ordonner un tir à partir de dix ovins ou caprins tués sur une période de quatre mois sur des alpages protégés ou non protégeables. Auparavant, cette limite était fixée à quinze ovins ou caprins. C'est la première fois que le canton de Vaud est autorisé à effectuer de tels tirs sur des loups.
"La théorie du renforcement négatif"
"Ce tir est mis en place pour pousser les loups à « craindre » l’homme et se détourner des attaques sur les moutons. En effet, on s’appuie sur la théorie du renforcement négatif, très connu dans le milieu canin, pour ceux et celles ayant des chiens" détaille le Groupe Loup Suisse, pour l'étude et la protection du loup et du monde pastoral en Suisse.
Et de préciser, craignant comme Alain Prêtre l'inefficacité du procédé : "Dans le cas présent, cela signifie que les louveteaux devront donc être tirés devant leurs parents, sur les lieux d’une attaque (passée même si, plus justement, il faudrait plutôt que ce soit une attaque en train de se faire...) et en présence OBLIGATOIRE des moutons et des moyens de protection officiels. Or, les louveteaux ne chasseront pas avec leurs parents avant octobre, ce qui pourrait signifier que les troupeaux, suivant la météo, pourraient probablement déjà être redescendus en plaine. Le tir perdra alors une grande partie de sa pseudo efficacité, si ce n’est toute !"
Il faut avoir à l’esprit qu’on est confronté à des animaux sauvages, primitifs et que, même s’ils sont intelligents, ils ne céderont pas, pour la plupart, au travers d’une seule expérience négative…
La meute de "Marche avec les loups"
Cette meute est bien connue du vidéaste animalier Jean-Michel Bertrand, qui l'a fait connaître aux amoureux de la nature, à travers le magnifique documentaire "Marche avec les loups", sorti au cinéma en janvier 2020.
En août 2021, Patrick Muriset a diffusé sur la toile une vidéo de la meute dont font partie les loups qui doivent être abattus.
Mercredi 8 septembre, un rassemblement a eu lieu devant la Chambre d’Agriculture de Bourgogne-Franche-Comté pour protester contre l'abattage des loups. Une trentaine de personnes étaient présentes. "L’accueil fut pour le moins très froid et la direction a voulu nous empêcher de filmer" a constaté notre journaliste présent sur place.