Depuis qu'un élu de la République, étiqueté RN, s'en est pris à une femme voilée au Conseil Régional de Bourgogne-Franche-Comté, les débats sur le port du voile et la laïcité reviennent inlassablement comme un boomerang.
La France est souvent présentée comme "La patrie des droits de l'homme". C'est en tout cas ce que déclarent bon nombre d'élus à grand coup de discours politiques vantant les vertus d'accueil, d'égalité, de fraternité et de solidarité de la France.
Est-ce réellement le cas, et de manière égalitaire comme le stipule l'article 1 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? Si oui, pourquoi la présence d'une femme voilée au sein d'un Conseil Régional crée-t-elle une vague de réactions et de débats en cascade ? Après l'épisode du 11 octobre 2019, lors duquel un élu du parti d'extrême droite Rassemblement National, s'en est pris violemment à une femme portant un hijab alors qu'elle accompagnait un groupe d'enfants en sortie scolaire au Conseil Régional BFC, la question se pose.
Julien Odoul, l'élu au coeur de la polémique fait couler l'encre et est devenu en quelques jours l'un des hommes politiques les plus cités de France. Ce dernier a demandé à la présidente de la région Marie-Guite Dufay, de manière plus qu'incisive et "au nom de nos principes laïcs", le retrait du "voile islamique" de la jeune mère de famille sous peine d'être expulsé de la salle. La scène est évidemment glaçante, certains commentaires qui en découlent également. Ce jour-là, des dizaines d'élus interrompent leurs discussions pour aborder le cas d'une femme, silencieuse, qui ne perturbe en aucun cas "l'ordre public", ni le déroulement de la séance. Marie-Guite Dufay l'a pourtant rappelé quelques minutes après l'intervention de l'élu RN. "Notre règlement intérieur dit que nous pouvons interdire l'accès à une personne dont le comportement est susceptible de troubler le déroulement de la séance. Donc il n'y a aucune raison que cette personne sorte" a-t-elle martelé, qualifiant ces propos de lamentables. Pourtant, le mal est fait.
Menace pour la cohésion sociale
Oui l'accompagnatrice avait le droit de porter son voile. La loi française le stipule. Alors pourquoi a-t-elle été jetée en pâture publiquement, pointée du doigt et offerte sur un plateau aux médias de tout le pays ? La scène largement commentée a laissé place à de traditionnels propos clivants, à l'image du directeur adjoint de la rédaction du Figaro, Yves Thréard allant jusqu'à déclarer sur LCI : "Je déteste la religion musulmane (…) On a le droit de détester une religion, on a tout à fait le droit de le dire." L'islamophobie ne passe désormais pas par quatre chemins pour s'exprimer. En France, elle n'est pas punie par la loi du moment qu'elle ne dépasse pas le cadre de la liberté d'expression.
"Qu'elle se traduise par des actes quotidiens de racisme et de discrimination ou des manifestations plus violentes, I'islamophobie est une violation des droits de I'homme et une menace pour la cohésion sociale" prévenait pourtant le Conseil de l'Europe en 2005. La scène de cette mère de famille belfortaine, humiliée devant son enfant, fait cruellement écho à cette mise en garde du Conseil de l'Europe.
De l'opportunisme politique ?
Il apparaît également utile de rappeler que Julien Odoul n'a pas toujours eu à coeur de dénoncer aussi violemment les agissements "de la dictature islamique" de laquelle de "nombreuses femmes essaient de s'extirper", selon ses dires. Avant d'arriver au Rassemblement National, Julien Odoul s'est quelque peu "cherché" politiquement. Il est entré dans la vie politique en 2006 en intégrant le Parti socialiste. Ensuite, il opte pour l'UDI en 2011 avant de rejoindre le Front National devenu Rassemblement National fin 2014. Opportuniste Julien Odoul ? C'est en tout cas ce que reprochent nombre d'adversaires et observateurs politiques.
Au vu des éléments cités ci-dessus, on peut donc légitimement se demander si Julien Odoul n'a pas tout simplement vu une opportunité en or de faire parler de lui et ainsi occuper l'espace médiatique, sur l'un des sujets de prédilection de son camp : l'islamisation supposée de la France et la menace de l'intégrisme musulman. Les procédés sont à chaque fois identiques et font mouche à coup sûr. La victime reste toujours la même : le vivre ensemble.