Le président de la République a annoncé qu'un statut de "Mort pour le service de la République" serait créé pour les soignants décédés de la Covid-19. Pour les familles de Patricia Boulak, aide-soignante en Ehpad, et Eric Loupiac, médecin à l'hôpital de Lons-le-Saunier,la mesure arrive trop tard.
L'annonce du président de la République, Emmanuel Macron, ce vendredi 21 mai, est loin d'apaiser la douleur des familles des soignants francs-comtois morts du Covid-19 alors qu'ils prenaient en charge des personnes touchées par le coronavirus. Ce statut de "Mort pour le service de la République" devrait être créé pour les agents publics décédés "dans des circonstances exceptionnelles", notamment les soignants pendant la pandémie de Covid-19, à l'image de celui existant pour les forces de l'ordre ou les militaires.
« Morts pour la France. »
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) May 21, 2021
« Morts pour le service de la Nation. »
« Morts pour le service de la République. »
Notre République tiendra ses engagements envers celles et ceux qui se sont engagés pour elle. C’est un acte de justice et de fraternité. pic.twitter.com/HHkhcbGdD1
Ce statut concernera par exemple ceux qui "en pleine pandémie (de Covid) prennent soin de la vie des autres", a expliqué le chef de l'Etat, pour lequel sa création est "un acte de justice, de fraternité".
Eric Loupiac, médecin urgentiste est mort à 60 ans
Pour Claire Loupiac, cette annonce n'atténue ni sa tristesse ni sa colère. Son mari Eric Loupiac était médecin urgentiste à l'hôpital de Lons-le-Saunier dans le Jura. Le 23 avril 2020, Eric Loupiac décédait du Covid. Son épouse et ses enfants ont déposé plainte contre X, pour homicide involontaire. Un an plus tard, Claire Loupiac attend toujours des explications et continue le combat de son mari.
Claire Loupiac est affirmative, cette annonce arrive trop tard. "Mon mari n'est pas parti au front pendant sa garde du 8 mars, explique-t-elle. Il n'a pas travaillé pour la République, il a simplement soigné des malades, souvent très graves, avec un manque de moyens et il le savait. Ses messages d'alertes n'avaient pas été pris en considération". Quant au soutien des enfants par la République française, Claire Loupiac réplique que son fils de 21 ans n'attend pas sur l'Etat pour trouver un emploi.
Cette reconnaissance, mon mari l'aurait voulu de son vivant; lorsqu'il enchaînait les gardes de 24 h avec un sous-effectif de personnel. En se désolant de voir des brancards accumulés dans les couloirs de l'hôpital faute de place dans les services hospitaliers.
Aide-soignante dans le Territoire de Belfort, Laurence Boulak n'avait que 53 ans
Laurence Boulak a perdu sa soeur Patricia, aide-soignante à l'Ehpad La Rosemontoise à Valdoie dans le Territoire-deBelfort. La soignante est décédée le 24 avril 2020. Une disparition qui comme celle du Docteur Loupiac a particulièrement bouleversé les soignants des deux établissements.
Sa famille a déposé plainte pour homicide invonlontaire, mise en danger de la vie d'autrui et non assistance à personne en danger au tribunal de Belfort. Le parquet a décidé d'ouvrir une information judiciaire pour "homicide involontaire".
Dans cet Ehpad, une trentaine de résidents sont décédés du Covid-19. Placé en avril 2020 sous administration provisoire par l'Agence Régionale de Santé (ARS) et le conseil départemental du Territoire de Belfort en raison de dysfonctionnements dans la mise en place des mesures de protection sanitaires, l'établissement est désormais géré par l'association « Les Bons Enfants ».
Patricia Boulak étant célibataire, cela ne changera rien pour sa famille. Laurence Boulak attend beaucoup de la Justice.
Les salariés de La Rosemontoise auraient du être protégés. Il aurait fallu agir en amont, et ma soeur serait encore là.
Laurence Boulak rappelle que la direction de l'Ehpad avait interdit aux soignants de mettre des masques, même si ils les avaient apportés personnellement. Pour Laurence Boulak, ce statut de "Mort pour le service de la République" est la "moindre des choses pour les familles concernées" en ce qui concerne la prise en charge des enfants des personnes décédées .
Morts pour le service de la République, morts pour le service de la Nation, à qui s'appliquera ce statut ?
Ce statut concernera également, les "situations récurrentes de décès en service dans des circonstances échappant aux dispositions normales du droit du travail (décès lors d'opérations de sauvetage ou de secours, accidents à l'entraînement pour les militaires...)", précise l'Elysée.
Une décision qui fait suite au vote d'une résolution des députés LREM. Elle va être traduite dans un amendement dans la proposition de loi sur le modèle de sécurité civile et le volontariat des sapeurs-pompiers au menu de l'Assemblée nationale cette semaine. La mention "Mort pour le service de la République" complètera la mention "Mort pour la France", dédiée essentiellement aux décès des militaires morts au combat, et la mention "Mort pour le service de la Nation", conçue pour reconnaître l'engagement des personnels assurant des missions de sécurité et "victimes d'une agression reconnue comme étant une agression contre la France, contre la Nation toute entière", rappelle l'Elysée.