Jocelyne Guérin, qui était cadre dans une banque, vient d’être réélue maire de Luzy, dans la Nièvre. Avec son équipe, elle a lancé des "boutiques à l'essai". Objectif : permettre à des porteurs de projet de tester leur activité pendant un an sans payer de loyer.
L'épidémie de coronavirus a tout changé
Le confinement a fait qu’il s’est passé plein de choses. On en a tiré des leçons.
"L’été arrivait. On s’est dit : "Il va y avoir des vacanciers. Il faut que la vie reprenne après une période compliquée", explique la maire de Luzy.
"On a senti qu’il se passait quelque chose, que les gens consommaient autrement, qu’ils étaient sensibles à la richesse d’avoir un centre-bourg avec une offre commerciale. Donc, on a bâti un plan de relance pour être en soutien du tissu commercial. Par exemple, on a inventé "la tournée morvandelle" pour aller livrer les courses des gens.
On s’est dit : "Ce qui s’est passé pendant le confinement, ça doit nous servir de leçon. Continuons, ne laissons pas retomber le soufflé."
Dès que le coup d’envoi du déconfinement a été donné, l’équipe municipale a donc décidé de passer à l'action pour en finir avec les vitrines vides, car "ça nuit à l’image d’un village".
A la mairie, c’est notre rôle d’accompagner et c’est ce qui est passionnant. Quand on nous dit : "Il faut faire ci, il faut faire ça" et puis qu’on entasse des dispositifs qui ne s’y prêtent pas toujours, ça ne marche pas. Nous, on invente tout. On invente ensemble, on pense, on conçoit, on teste et ça marche", dit Jocelyne Guérin.
Quelle est la recette pour en finir avec les vitrines vides dans un village ?
La commune de Luzy, qui compte environ 2 000 habitants, a donc lancé des "boutiques à l’essai". Pour cela, "trois ingrédients sont nécessaires", explique la maire.
Premièrement, "il faut un porteur de projet qui ait envie de s’installer à Luzy et qui apporte quelque chose qui n’existe pas ou qui complète une offre. C’est lui qui a l’idée, donc on doit l’accompagner".
Le deuxième partenaire, c’est le propriétaire d’un local vide. "On le sensibilise en lui disant : "Plutôt que d’avoir un espace vide, faites-nous confiance et aidez-nous. Au lieu de fixer un loyer qui peut être difficile à supporter quand on démarre une activité, acceptez un loyer au rabais qui permette à quelqu’un de créer une vraie activité".
Quant au troisième partenaire, il s’agit de la mairie qui prend en charge le loyer pendant un an.
"C’est un an d’essai, on fait un pari. Si au bout d’un an ça marche, tant mieux : le modèle économique est trouvé, le porteur de projet a pu développer son activité sans avoir de tracas administratifs et financiers, il développe son activité à Luzy. Et si ça ne marche pas, ce n’est pas grave, on aura testé, on n’aura rien à se reprocher", ajoute la maire.
Combien de commerçants ont dit "oui" à la commune de Luzy ?
Deux projets sont déjà concrétisés dans la petite commune qui fait partie du parc régional du Morvan : "un magasin de chaussures revient à Luzy, où il y avait un vrai besoin" et un atelier de couture, "là, on est dans l’esprit de recycler, de donner une deuxième vie à des vêtements, de créer des choses".Un troisième projet est en cours. Il est porté par Benoît Guenoun et l’association "Le petit atelier du vélo".
"Ce sera une activité d’entretien, réparation, location de vélos anciens ou récents", précise Benoît Guenoun. "Le monde du vélo est en plein boum aujourd’hui, mais la réparation en tant que telle est un parent pauvre du vélo. Du coup, le modèle économique n’est pas forcément viable. Mais, pourquoi pas tester d’autres types d’activités qui pourraient s’articuler autour du vélo, notamment la formation à la mécanique ou à l’utilisation de cycles pour mettre le pied à l’étrier à des personnes qui voudraient se remettre au vélo."
Un quatrième projet de "boutique à l’essai" est dans l'air, mais on n'en saura pas plus pour l'instant.
Je suis persuadée que ça va marcher car si les porteurs de projets font le pari de Luzy, c’est qu’ils y croient, qu’ils en ont envie. Ce n’est pas l’aide elle-même qui est le déclencheur, même si cela y contribue.
Les "boutiques à l'essai" font partie d'un vaste projet de redynamisation
Il faut dire que cela fait plusieurs années qu’à Luzy, on réfléchit à la redynamisation du commerce local. La commune fait partie des 50 villages et petites villes de France de moins de 10 000 habitants, qui ont été retenus par l’Etat dans le cadre de la revitalisation des centres-bourgs. A ce titre, Luzy bénéficie de 300 000 euros de dotations.
En 2016, les Luzycois ont été consultés pour donner leur avis sur divers projets d’aménagements dans le village et notamment sur les bâtiments inoccupés.
"C’est un projet global. On repense la vie économique, mais aussi l’environnement, on veut ramener de la nature dans la ville. On va relier le cœur de bourg avec les quartiers. Cette vie sociale, cette vie riche dans les campagnes, dans les villages comme les nôtres, c’est l’avenir. Nous, on a la chance d’avoir anticipé ça. Ça fait six ans qu’on bosse là-dessus et on a ce temps d’avance qui fait que tout prend, tout réussit.
Il faut que nos territoires se différencient avec de petites choses comme ça. On ne rêve pas d’entreprises qui vont arriver là. On veut garder toute notre petite offre commerciale, notre centre-ville, le pôle santé, la gare, nos associations qui font vivre le village", conclut Jocelyne Guérin.
C'est bénéfique pour un territoire dans une période difficile. Il faut montrer qu’on ne baisse pas les bras au contraire, qu’on invente des choses. Il y a des clés, c’est nous qui les avons. On est des hommes, des femmes, on n’aime pas qu’on nous impose des choses, mais quand on les invente ou qu’on les réinvente, qu’on trouve des réponses, je ne vois pas pourquoi ça ne marcherait pas.