Blocus au lycée agricole de Château-Chinon, où des enseignants attendent leurs salaires depuis septembre

Ce 21 décembre, des élèves organisent un blocus du lycée technique et agricole de Château-Chinon, en soutien à leurs professeurs. Une dizaine d'enseignants n'est pas payé à hauteur des heures qu'ils réalisent, et ce depuis plusieurs mois.

► MISE À JOUR 22/12/2023 : ajout de la réponse du ministère de l'Agriculture

Cette année, Noël sera morose pour une poignée d'enseignants du lycée agricole de Château-Chinon, dans le Morvan nivernais. "Le pire des cas, c'est celui d'un tout nouvel enseignant qui ne touche que 700 euros par mois pour un temps plein", résume Olivier Ribaillier, professeur, représentant du personnel et syndiqué Force Ouvrière. 

"Certains profs ne sont pas payés ou ne perçoivent pas toutes leurs heures"

Ce jeudi 21 décembre, les lycéens, en solidarité avec leurs profs, organisent un blocus du Legta (lycée d'enseignement général et technologique agricole) pour protester contre cette situation qui dure depuis la rentrée de septembre 2023. "Certains profs ne sont pas payés ou ne perçoivent pas toutes leurs heures, donc plein de matières ne sont pas assurées, ça met en péril nos enseignements", explique Killian Guyollot, représentant des élèves du lycée et actuellement en BTS "développement et animation des territoires ruraux". 

Que se passe-t-il exactement ? "On a visiblement des dysfonctionnements importants au niveau des ressources humaines, à la fois en région et au national, qui font que les services ne sont pas à même de suivre correctement les dossiers des salariés", explique Olivier Ribaillier. Lui-même n'est pas concerné : "J'ai la chance d'être vieux et titulaire", ironise-t-il, expliquant que le problème touche majoritairement les professeurs contractuels (en CDD). 

"À Château-Chinon, neuf personnels y compris notre directeur adjoint n'ont pas été payés pendant quasiment deux mois", développe le syndicaliste FO. Et de citer plusieurs exemples : 

  • L'enseignant mentionné plus haut qui ne touche que 700 euros mensuels : "Il devait être embauché à mi-temps, mais en réalité on avait besoin d'un temps plein. Il a donc été recruté à 50 % mais on lui a demandé de faire 100 % en promettant une régularisation et une rémunération adéquate. Or, depuis aujourd'hui, il n'a reçu que des avances à hauteur de 80 % de son salaire à 50 %... Soit 700 euros par mois."
  • Une titulaire à 80 %, à qui il a été demandé de passer à 100 % pour ouvrir une classe, mais qui n'est payée qu'à 80 % depuis le début de l'année. "Il semble qu'elle ne sera régularisée que fin janvier."
  • Une enseignante en contrat à mi-temps, mais qui réalise en réalité un 80 %
  • Une enseignante qui cumule 14 ans d'ancienneté dans d'autres établissements, à qui "on a proposé un début de contrat avec un indice zéro d'ancienneté". Le dossier ira au tribunal administratif.
  • Le directeur adjoint lui-même a été payé "tardivement", selon Olivier Ribaillier.

Le syndicaliste explique que deux enseignantes et une infirmière, souffrant de ces salaires amputés, ont bénéficié d'une quête organisée "en interne", les autres personnels s'étant cotisés pour leur prêter de l'argent. "Une enseignante, maman, a dû enlever ses enfants de la crèche et les faire garder par ses parents", explique encore Olivier Ribaillier. Autre problème concernant des ex-enseignants de Château-Chinon qui n'ont pas été reconduits : "Ils n'ont reçu aucune lettre de radiation, ce qui les empêche de toucher Pôle Emploi." Et ce... depuis les dernières vacances, en juillet 2023.

300 à 400 cas similaires en France ?

À Château-Chinon, cinq de ces dossiers se sont débloqués ces derniers jours, mais il reste "quatre cas non solutionnés". Selon les informations du syndicaliste FO, "il y a 300 à 400 cas similaires en France, et une quinzaine de problèmes qui subsistent en Bourgogne-Franche-Comté". 

Au-delà de ces cas individuels, cette gestion laisse perplexe les enseignants du monde agricole, qui ont la sensation d'un deux poids, deux mesures. "Il y a, à côté de ça, le nouveau programme d'orientation du ministère de l'Agriculture qui veut pallier le fait que 50 % des agriculteurs partiront à la retraite d'ici 2030. Or, ça nécessite un effort de la part de l'enseignement agricole, mais on constate actuellement une précarisation du personnel."

Pour les lycéens, "c'est notre avenir qui est en jeu"

Olivier Ribaillier assure avoir tout tenté, frappé à toutes les portes avec ses collègues : mairie, Département, Région, sous-préfecture, préfecture, un député, deux sénateurs... "C'est même remonté au directeur de cabinet du ministère de l'Agriculture, au dircab de l'Elysée... Sans que toutes ces influences n'aient permis de solutionner le problème. On se demande s’il y a une capacité, une volonté de le faire", s'interroge le syndicaliste.

Ça ne représente pas des miliards pour un État, mais toute une vie pour un salarié.

Olivier Ribaillier

professeur et représentant du personnel

Il évoque le cas de son jeune collègue qui ne touche pas plus de 700 euros par mois depuis la rentrée : "C'est compliqué financièrement mais surtout psychologiquement. Ça soulève des interrogations sur la gestion des personnels en tant qu'êtres humains."

Killian Guyollot, le représentant des lycéens, affirme être de tout coeur avec ses enseignants. "Les élèves soutiennent les profs. Le lycée forme les prochains qui vont gérer les territoires. C'est notre avenir qui est en jeu pour nos territoires."

Que répond le ministère ?

Contacté le 20 décembre, le ministère de l'Agriculture promettait de répondre "rapidement" à nos questions. C'est chose faite, dans un long courrier émis jeudi soir.

Le ministère se dit "très soucieux" des 4 000 contractuels dont il a la charge en France. Concernant Château-Chinon, il explique que les 24 professeurs titulaires, les 9 contractuels et les 11 personnels administratifs sont effectivement gérés "en administration centrale par le service des ressources humaines du ministère". 

"La procédure de rémunération requiert la plus grande anticipation par l’ensemble des acteurs concernés. Les règles interministérielles de liquidation de la paye fixées par le comptable public nécessitent en effet qu’un dossier soit à jour avant le 20 du mois N afin de pouvoir trouver une traduction en paye au mois N+2. Ainsi, le service des ressources humaines qui n’intervient qu’en fin de processus, doit impérativement disposer de toute information liée aux évolutions de la quotité de travail des agents, décidée localement après autorisation de la direction générale de l’enseignement et de la recherche du ministère", poursuit le ministère qui dit être intervenu "en urgence" récemment pour la situation de six agents. 

Il cite l'example de deux contractuels qui effectuent des heures supplémentaires non payées : "Cette demande n’a cependant été transmise que très récemment au service des ressources humaines et est intervenue trop tard pour une prise en charge sur la paye du mois de décembre. La correction et le rattrapage de salaire seront effectifs sur la paye de janvier avec un acompte de 90 % versé dès le 5 du mois."

Même chose pour deux autres professeurs à temps plein mais payés à temps partiel : selon le ministère, l'information est arrivée tard. La régularisation sera faite sur la paye de janvier avec un acompte le 5 du mois.

Deux autres situations ont été actualisées "sans incidence sur la paye des agents", indique le ministère. Le directeur adjoint a vu son contrat renouvelé pour un an, comme il le souhaitait. Quant à l'enseignante qui avait 14 ans d'ancienneté, "sa reprise d'ancienneté a été effectuée". 

"Enfin, le service des ressources humaines a été interrogé au sujet de la situation de deux agents en service civique. Il a été rappelé à l'établissement du Morvan que la gestion de ces contrats ne dépend pas de l'administration centrale mais du seul ressort de l'établissement. Ce dernier doit transmettre les pièces relatives à la prise en charge de ces agents directement au référent service civique régional pour prise en charge financière ensuite par l'Agence de services et de paiement."

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