Ouvert depuis 2020 dans le petit village d'Arleuf (Nièvre), le Cornemuse s'est déclaré "en péril" jeudi 11 juillet, avec 40 000 euros à trouver pour espérer continuer son activité. En conflit avec la municipalité d'Arleuf, le propriétaire lance une cagnotte en ligne pendant 72 heures pour tenter de "sauver la machine".
"On ne veut pas se retrouver enterrés ici !" C'est le cri d'alerte de Nicolas Petiot, le cogérant du bar à concerts "le Cornemuse" situé dans la petite commune d'Arleuf, dans le Morvan nivernais. Ouvert en 2020 en pleine pandémie de Covid-19, ce "tiers-lieu" atypique propose une à deux fois par semaine des concerts de musiques traditionnelles, qui permettent une mise en avant du folklore du Morvan. France 3 y a d'ailleurs consacré plusieurs reportages, dont ce sujet de 13 minutes réalisé en mai 2022.
Déjà 10 000 euros récoltés en moins de deux jours
Oui mais voilà : après 4 ans de festivités, la situation de l'établissement est bien plus complexe qu'il n'y paraît. Dans un communiqué publié ce jeudi 11 juillet, les propriétaires décrivent quatre ans de galères, entre les deux premières années perturbées par la crise sanitaire, l'inflation, et une "hostilité municipale" à leur égard.
Ils lancent donc un appel aux dons "express", durant 72 heures ce week-end, via une cagnotte en ligne publiée sur la plateforme Leetchi.
"L'objectif est de très vite mobiliser, car nous sommes dans l'urgence", justifie Nicolas Petiot sur le choix de ce délai très court pour la cagnotte, estimant être avant tout "un lieu de fête". Entre le lancement de la cagnotte ce jeudi et l'écriture de cet article vendredi soir, près de 10 000 euros ont été récoltés, soit un quart des 40 000 euros de dettes du "Cornemuse".
Les gérants "un petit peu responsables" de leur situation, selon la mairie
La situation de l'établissement n'a certes pas été facilitée par la crise sanitaire, l'explosion du prix du gaz et de l'électricité, ni par la météo capricieuse de ces derniers mois, mais dans leur communiqué, les gérants évoquent également "une volonté de déstabilisation permanente par quelqu'un dans le village" ainsi qu'une "hostilité municipale".
Contacté, le maire d'Arleuf Jean-Luc Blandin garantit qu'il n'y a aucune hostilité, assurant "les défendre en tant que commerçants, comme tous ceux de la commune" et qu'il n'a "pas plus de commentaires à faire sur eux", tout en rajoutant qu'ils sont "un petit peu responsables aussi" de leur situation. Le maire invite les gérants à venir lui exposer leurs problèmes en mairie s'ils le souhaitent.
"C'est un sympathique dialogue de sourds", répond Nicolas Petiot, qui constate qu'en quatre ans d'existence, les membres du conseil municipal de cette petite commune de 700 habitants n'ont jamais mis un pied au Cornemuse, "ce qui n'est pas un bon signe".
Le co-gérant ne demande pas d'argent, "on sait que c'est une petite commune et que la municipalité n'en a pas, on souhaite simplement qu'elle ne nous bloque pas dans nos projets."
L'affaire de la camionette-bélier
Ce soutien municipal qu'il qualifie d'"inexistant", Nicolas Petiot pense qu'il trouve ses origines dans certains débordements liés à la consommation d'alcool qui ont eu lieu dans le bar, et notamment le plus relayé d'entre eux. En avril 2022, un client saoul, exfiltré du bar car devenu ingérable, a foncé en camionnette sur la terrasse de l'établissement, sans faire de blessé, mais donnant un sérieux coup à l'image festive du lieu.
"C'est aussi une de nos erreurs d'être restés ouverts après ça, parce que nous n'étions pas du tout en état de le faire après un tel événement"
juge avec du recul le co-gérant.
Mais il l'assure : c'est à ce moment-là que les liens avec la mairie ont été totalement rompus, puisque la commune aurait considéré "ne pas être concernée" par l'événement, et n'a donc pas pris partie.
S'il éponge ses dettes, le Cornemuse prévoit de déménager
L'établissement rêve donc d'un avenir un peu plus joyeux que tous les événements traversés ces dernières années, à l'image du lieu, à condition que la cagnotte lancée se révèle être un succès.
Mais une chose est sûre pour Nicolas Petiot : cet hypothétique avenir ne s'écrira pas à Arleuf, puisqu'il estime que "l'avenir politique dans le village est quasiment impossible".
Alors en cas de sauvetage, le concept "et l'esprit du lieu" devront être déplacés "dans un endroit où il trouve un écho favorable", indique le Neversois d'origine, convaincu de la demande pour ce type d'endroits dans le Morvan ou ailleurs dans la Nièvre.
En attendant, les concerts continuent sur place, avec l'espoir de faire perdurer ce lieu de fête, de culture et de lien social, devenu une vitrine musicale de la région.