Un nouveau "forfait patients urgences" est entré en vigueur depuis le 1er janvier. 19,61€ seront à la charge des usagers lorsqu'il n'y a pas d'hospitalisation, pris en charge par la complémentaire santé. Pour certains élus ruraux, dont le maire de Varzy (Nièvre), cela se traduira par une dégradation des conditions d'accès aux soins pour les personnes les plus isolées.
"C'est la première fois en France que les urgences vont être facturées à l'entrée !" Gilles Noël, le maire (PS) de Varzy, dans la Nièvre, ne décolère pas contre le nouveau décret, entré en application le 1er janvier, qui réglemente la tarification des passages aux urgences hospitalières.
Ce "forfait patient urgences" est fixé à 19,61 euros en cas de consultation sans hospitalisation, quels que soient les soins reçus et les actes pratiqués. Intégralement remboursable par les complémentaires santé, il remplace le "ticket modérateur", calculé en additionnant 20% des montants de l'admission aux urgences et des différents actes médicaux.
"C'est remboursable, nous l'entendons bien, précise l'élu nivernais, président de la Commission Santé de l'Association des maires ruraux de France. Mais il ne faut pas oublier qu'il y a des millions de Français sans complémentaire santé [4% de la population selon le ministère de la Santé, ndlr] et que ceux-là seront facturés. Or, dans les zones rurales où les médecins manquent, les services d'urgences de proximité sont parfois la seule possibilité d'accès, 24 heures sur 24, à des soins dignes de ce nom. Il y a là une inéquité territoriale doublée d'une dégradation des conditions d'accès aux soins."
Ce mardi, l'association a donc adressé un courrier au ministre de la Santé, Olivier Véran, pour demander l'exonération totale de ce forfait pour les patients dépourvus de médecin référent. "Sans cela, ajoute Gilles Noël, je crains que certains n'aillent ni chez le médecin, ni aux urgences lorsqu'ils en auraient besoin, pour ne pas avoir à payer. C'est une punition supplémentaire pour les zones rurales, qui s'ajouterait à une situation déjà pénible."
Quelles conséquences pour les urgences de Clamecy ?
Un possible renoncement aux soins pourrait aussi avoir des conséquences pour les petites structures hospitalières. L'élu se bat depuis quelques années pour conserver le service d'urgences dans la ville voisine de Clamecy, un temps menacé en raison d'une fréquentation estimée trop faible par l'Agence régionale de Santé. Si le nombre de passages devait diminuer, il craint que le maintien du service ne soit de nouveau remis en cause.
Car même si Clamecy vient d'obtenir le label d'"hôpital de proximité" accordé par l'ARS, Gilles Noël dénonce l'"opacité qu'il y a derrière". "Ce label, c'est l'arbre qui cache la forêt. On sait qu'il doit y avoir cette année une certification du service des urgences, obligatoire tous les 5 ans. Or il n'y a aucun chantier de modernisation annoncé, tous les travaux nécessaires sont à l'arrêt. Il ne faut pas se faire d'illusions, c'est un leurre de nous dire qu'avec ce label le centre hospitalier est sauvé."
D'autant que l'établissement est confronté, comme de nombreuses autres structures, à un manque récurrent de personnel. La pénurie a conduit à la fermeture temporaires des urgences à trois reprises l'été dernier, puis de nouveau deux jours en novembre.
"On sait que cela risque de se reproduire, concède Gilles Noël. On sait qu'il y a une fragilité. La seule solution, c'est de s'organiser et de moderniser pour au moins être attractif."
Une nécessité faute de voir le fossé se creuser avec les métropoles. D'après une étude rendue publique cet automne par l'Association des maires ruraux de France, la différence d'espérance de vie entre ruraux et urbains s'élève à 2,2 ans pour les hommes et 0,9 ans pour les femmes, en faveur des habitants des zones urbaines.