Déraillement mortel d'un TGV en Alsace : quatre questions sur le procès qui s'ouvre ce lundi

Le 14 novembre 2015, un TGV déraillait sur la ligne à grande vitesse Paris-Strasbourg. L’accident a fait 11 morts, dont un cadre de la SNCF originaire de la Nièvre, Allain Rolland. Le procès s'ouvre ce lundi.

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Le drame a été largement occulté par les attentats du 13 novembre, la veille. Le 14 novembre 2015, un TGV déraillait sur la ligne à grande vitesse Paris-Strasbourg. L’accident a fait 11 morts, dont un cadre de la SNCF originaire de la Nièvre, Allain Rolland. L'avocat qui défend sa famille aux côtés d'une cinquantaine de parties civiles, Gérard Chemla, revient sur cet accident alors que le procès s'ouvre ce lundi.

Près de neuf ans après le drame, la SNCF, ses filiales Systra (commanditaire des essais) et SNCF Réseau (gestionnaire des voies) ainsi que le conducteur, un cadre de la SNCF chargé de lui donner les consignes de freinage et un ingénieur de Systra (chargé de renseigner le conducteur sur les particularités de la voie) sont sur le banc des prévenus. Ils sont poursuivis pour homicides et blessures involontaires par maladresse, imprudence, négligence ou manquement à une obligation de sécurité.

Que s'est-il passé le 14 novembre 2015 ?

Le 14 novembre 2015, 53 personnes, salariés du secteur ferroviaire et membres de leurs familles, dont quatre enfants, prennent place à bord de la rame pour l'ultime test du tronçon de la nouvelle Ligne à grande vitesse Est européenne (LGVEE) entre Baudrecourt (Moselle) et Vendenheim (Bas-Rhin).

À 15h04, au niveau d'Eckwersheim (Bas-Rhin), à 20 km de Strasbourg, le train aborde une courbe à 265 km/h, très largement au-dessus des 176 km/h prévus à cet endroit. Le train déraille 200 mètres plus loin à une vitesse de 243 km/h, avant de percuter un pont et de basculer dans le canal de la Marne au Rhin.

Onze personnes ont perdu la vie et 42 autres ont été blessées, dont une vingtaine gravement. Selon les experts du pôle "accidents collectifs" du tribunal judiciaire de Paris, "le déraillement a été causé par une vitesse excessive et un freinage tardif", rappelle Maître Chemla, l'avocat d'une cinquantaine de parties civiles. La rame accidentée était une rame d'essai, de type TGV classique. Au moment de l'accident, elle circulait en survitesse pour tester l'infrastructure de la voie en vue de son raccordement prochain au réseau ferré.

Pourquoi est-ce que la SNCF et ses filiales sont poursuivies ?

La SNCF, ses filiales Systra (commanditaire des essais) et SNCF Réseau (gestionnaire des voies) ainsi que le conducteur, un cadre de la SNCF chargé de lui donner les consignes de freinage et un ingénieur de Systra, chargé de renseigner le conducteur sur les particularités de la voie) sont sur le banc des prévenus. Ils sont poursuivis pour homicides et blessures involontaires par maladresse, imprudence, négligence ou manquement à une obligation de sécurité. Les trois personnes physiques encourent trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. Les trois sociétés risquent une amende de 225 000 euros.

Dans son ordonnance, le juge d'instruction a relevé plusieurs manquements de la part de la SNCF et de Systra: "préparation insuffisante" des essais de la rame en survitesse, "manque d'anticipation des risques de déraillement", "insuffisance de communication et de coordination" entre les équipes de Systra et celles de la SNCF, "lacunes dans la formation du personnel" chargé des essais.
Le choix de Systra de pousser la rame à la vitesse de 330 km/h sur la portion de la ligne où s'est déroulé l'accident était "dangereux, non nécessaire et contraire aux préconisations", a pointé le magistrat instructeur.

Quelle est la défense des prévenus ?

"Systra n'était pas en charge de la conduite", sous la responsabilité de la SNCF, a rappelé l'avocat de Systra, Me Philippe Goossens à l'AFP. Il demandera la relaxe de son client qui n'a, selon lui, "pas fait de faute". De même, l'avocat du cheminot, Philippe Sarda plaidera la relaxe de son client : "Il n'avait qu'un rôle d'exécutant devant respecter les consignes", a expliqué Me Sarda à l'AFP.

Dans ce dossier, la SNCF et ses filiales '"ne cessent de se renvoyer la balle", juge Maître Chemla. L'avocat interroge :"Comment a-t-on pu en arriver là, dans un train en parfait état, circulant sur une voie neuve ?"  Selon lui, "ce drame met en cause des sociétés qui ont envoyé des gens mal formés et qui ont pris des risques inutiles."

Surtout, la SNCF et ses filiales se sont "enfermés dans le déni", selon l'avocat : "Un peu à la manière du Titanic, il y a une confiance démesurée, absurde envers le TGV, considéré comme le train qui ne peut pas dérailler."

Qu'est-ce que les parties civiles attendent du procès ? 

Au total, 89 parties civiles ont été recensées avant le procès. Pour les victimes du drame, "l'objectif est surtout d'obtenir une décision pénale et la reconnaissance de la culpabilité de la SNCF et de ses filiales."

Le dossier est d'autant plus complexe "que toutes les victimes sont liées à la SNCF, étant salariées ou alors invitées lors du drame". De nombreuses victimes souffrent encore "du complexe du survivant", selon l'avocat : "La plupart d'entre elles connaissaient les personnes décédées lors de l'accident. Certaines se demandent encore pourquoi est-ce qu'elles s'en sont tirées indemnes, et pas les autres", explique-t-il encore.

Le procès va permettre d'entendre l'ex-patron de la SNCF, Guillaume Pépy, les experts qui ont fait les premières constatations, ainsi que les victimes. Il va durer jusqu'au 16 mai. "Le verdict ne devrait pas être rendu avant la rentrée prochaine", conclut l'avocat.

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