Disparue il y a un an, le 10 février 2022, Jeanne Pautrat a légué toutes ses économies à la Camosine, une association de sauvegarde du patrimoine dans la Nièvre. Objectif : restaurer l'abbatiale de Saint-Laurent-l'Abbaye, dans le nord-ouest du département.
À Saint-Laurent-l'Abbaye, personne ne s'y attendait. "Quand on l'a appris, ça a été une grande joie. Une vraie bouffée d'oxygène", s'émeut Geneviève Leguay, présidente de l'ASPAS, une association dédiée à la sauvegarde de l'abbaye du village. L'édifice, délabré depuis des décennies, va en effet bénéficier de la générosité d'une ancienne habitante... sous la forme d'un legs de pas moins d'un million d'euros.
La bienfaitrice n'est autre que Jeanne Pautrat, décédée le 10 février 2022 à l'âge vénérable de 104 ans. Elle-même présidente de l'ASPAS pendant près de 20 ans, elle a décidé de léguer à sa mort son imposant patrimoine à la Caisse pour les Monuments et les Sites de la Nièvre (Camosine). À une condition : que l'argent en question soit utilisé pour restaurer le site abbatial de Saint-Laurent-l'Abbaye.
Un travail titanesque
Pour la Camosine, une question se pose toutefois : faut-il accepter ce don s'il est conditionné à la rénovation de ladite abbaye ? "On connaissait le monument en semi-ruine, ce qui représenterait un travail considérable pour notre association qui en a déjà beaucoup. Évidemment, on a réfléchi", indique son président, Jean-Louis Balleret. "Au départ, tout ça était assez mystérieux. Mais on a vite su que le legs était très important et quand on a appris son montant, on s'est dit que c'était jouable."
Après réflexion, on s'est dit que c'était un enjeu intéressant pour le département, le patrimoine... Il y a possibilité d'un nouveau démarrage. Cette dame nous a fait confiance, elle nous a confié toutes ses économies, donc on s'est dit qu'on allait y aller.
Jean-Louis Balleret,président de la Caisse pour les Monuments et les Sites de la Nièvre (Camosine)
"On va pouvoir lui redonner vie"
Impossible pour l'heure de dire à quoi ressemblera l'édifice une fois rénové. Une chose est déjà certaine : impossible de le réhabiliter à l'identique. "Malgré l'importance du legs, le montant de restauration sera bien supérieur et atteindra probablement plusieurs millions d'euros", estime le directeur de la Camosine, Jacques Mansuy. "L'édifice a été très peu entretenu dès le début du 20e siècle."
Laissé pour compte, le bâtiment perd une partie de son transept et de son clocher en 1945. En 1980, des travaux de consolidation ont lieu... "mais ils nécessitent d'être complètement repris. Malgré les étais, le bâtiment reste fragile", conclut Jacques Mansuy. "C'est une plaie béante." Résultat, difficile pour les habitants de s'intéresser à l'abbaye. "Ça devient quelque chose qui existe, on finit par ne plus le voir. On s'est habitué à la ruine", déplore Geneviève Leguay.
Pour la municipalité, la réfection du monument est donc "une très grande satisfaction". "On a un budget annuel qui est le cinquième du legs. C'était inabordable d'espérer restaurer. On avait juste les moyens d'éviter que ça se détériore trop vite", explique Jean-Jacques Bertin, adjoint au maire. "Maintenant, on va pouvoir lui redonner vie." De quoi honorer les dernières volontés de Jeanne Pautrat.