Mercredi 11 novembre, Maurice Genevoix a fait son entrée au Panthéon, avec " Ceux de 14 ". Né dans la Nièvre, l'écrivain et Académicien n'y a vécu qu'un an et demi. Mais il en garda toujours un souvenir ému. L'homme était aussi un amoureux de la Loire, fleuve qui l'a inspiré toute sa vie.
Maurice Genevoix repose maintenant au Panthéon. Au cours d'une cérémonie le 11 novembre 2020, présidée par Emmanuel Macron, l'écrivain, académicien, et soldat de la 1ère Guerre Mondiale a été reconnu comme "celui qui a redonné vie et chair aux combattants de la Grande Guerre" par le Président de la République.
Hommage à "ceux de 14" sous la Coupole
Le Président de la République, Emmanuel Macron, a rendu hommage à l'écrivain, mais aussi à "ceux de 14, formant le cortège de braves, qui entrent aujourd'hui au Panthéon."Reprenant les mots de Maurice Genevoix : "Ce qu'ils ont fait, c'est plus qu'on ne pouvait demander à des hommes", Emmanuel Macron a salué les combattants de 14 : "les voici, qui arrivent par millions pour entrer sous ce dôme. Ecoutons la marche des morts de Notre-Dame de Lorette, de Verdun, du Viel Armand et des Dardanelles. Tous se rassemblent et s'approchent. Hier, frères d'armes, aujourd'hui, compagnons d'éternité, ils s'avancent devant le temple des héros de notre Patrie."
Dans son discours, Emmanuel Macron a cité Jean Jaurès : « Les gloires du passé ne sont vivantes que pour les pays vivants ».
Le Président a précisé : « De ceux de 14 à ceux d'aujourd'hui. Nous, Français, sommes bien vivants ».
La cérémonie s'est déroulée avec la présence d'une trentaine d'invités sous la Coupole, pour cause de confinement.
Recouvert du drapeau tricolore, le cercueil de l'auteur décédé en 1980 a rejoint ceux des 70 hommes et 5 femmes inhumés au Panthéon.
Maurice Genevoix et le Val-de-Loire
Il disait qu'il était né " dans une île de la Loire, un pays de reflets d’images fluides ". Le 29 novembre 1890, Maurice Genevoix nait à Decize, petite commune de la Nièvre.Pourtant, la famille Genevoix n'est pas originaire du département et les parents de Maurice n'y résident que depuis deux ans.
" Son père était greffier de justice et en 1888, après ses études, il cherchait un emploi. raconte Pierre Volut, historien de Decize passionné par la vie de l'écrivain. Des cousins de sa femme, la famille Ramond était installé à Décize et lui ont expliqué que le poste de greffier de justice était libre ".
Finalement, la famille ne restera qu'un an et demi dans la Nièvre, avant de quitter les bords de la Loire pour... d'autres bords du fleuve, à Châteauneuf-sur-Loire (Loiret). " Le beau-père de Gabriel Genevoix était épicier en gros à Chateauneuf-sur-Loire. À la suite de problèmes cardiaques, il est tombé malade et a demandé à son gendre de le rejoindre ", se remémore Alain Fournet, autre passionné de la vie de Genevoix et historien amateur.
À propos de ces deux villes, Maurice Genevoix les considerera toujours comme ses " deux villes natales ". Mais c'est bel et bien à Chateauneuf-sur-Loire qui élira demeure pour une majeure partie de sa vie.
Dans deux de ses romans autobiographiques, " Jeux de Glaces " (1961) et " Trente-mille jours " (publié en 1980), le membre de l'Académie française évoque Decize. " Il n'en garde que les souvenirs que ses parents lui ont raconté, mais il dit qu'ils y ont vécu heureux ", reconnait Alain Fournet.
1915, après la guerre, la vision divine
Les moments les plus marquants de sa vie, et qui lui inspireront une majeure partie de son oeuvre, Maurice Genevoix les vit au front, pendant la première guerre mondiale. Alors qu'il est étudiant à Paris, il est appellé sous les drapeaux. Il participe à diverses opérations militaires dans la région de Verdun.
Le 25 avril 1915, il est gravement blessé au combat. Après les hôpitaux de Verdun, Vittel et Dijon, Maurice Genevoix est finalement rapatrié à l'hôpital de Bourges, en juin 1915, pour y subir une énième opération. Dans le train qui l'amène de Dijon à Bourges, celui qui a vu la mort dans les yeux, traverse sa ville natale, Décize. Une vision divine que l'écrivain expliqua en ces mots :
" Blessé aux avancées de Verdun, ayant vraiment touché aux portes de la mort, trimballé d'un hôpital à l'autre, j'allais cette fois de Dijon à Bourges pour y subir une opération nouvelle. Le train quittait Cercy-la-Tour, c'était le soir, un de ces soirs de juin où la clarté du jour s'attarde interminablement. Ai-je jamais vu couchant plus transparent ? Plus tendrement et finement lumineux ? C'est dans ce nimbe à fleur de ciel que j'ai revu les eaux dormantes du canal, de laron, les eaux vives des courants de Loire, les grèves roses, les verdiaux frémissants, tout ce dont j'avais tant rêvé, tout ce qui m'avait aidé dans l'épreuve et dans la souffrance, tout ce qui leur donnait un sens, puisque c'était cela qui faisait si vivante et si belle cette patrie que nous défendions. Et le bonheur humain dont je me sentais envahi, je l'accueillais avec une ferveur accrue puisque c'était ma ville natale, c'était Decize qui me le rendait. "
Deux retours marquants à Decize
Outre cette escale sans arrêt en gare de Decize, l'écrivain posera les pieds dans sa ville natale à plusieurs reprises. Deux dates sont particulièrement marquantes.En 1927, d'abord, deux ans après avoir obtenu le prix Goncourt pour son ouvrage Rémi des Rauches Maurice Genevoix est de retour à Decize, à l'occasion des Assises du régionalisme nivernais. "Dans le discours qu'il avait prononcé ce jour-là, il avait évoqué son attachement à Decize ", raconte Alain Fournet.
Puis, le 23 juin 1974, la cité scolaire de Decize, inaugurée huit ans plus tôt, prend le nom de l'académicien. À l'occasion de ce baptême, l'homme de lettres est invité dans sa ville natale. Très ému devant les caméras qui le filment, le poète glisse alors à sa femme " ne pleure pas ou je vais me mettre à chialer ".
Alors qu'il était à l'époque professeur de français dans le lycée, Alain Fournet se souvient de ce jour-là : " Une nouvelle fois, il avait prononcé un discours où il évoquait son attachement à sa ville natale ".
Un lien particulier avec la Loire
Tout au long de sa vie, Maurice Genevoix gardera comme un fil rouge des liens forts noués avec le fleuve de la Loire. Un paysage reconfortant et inspirateur pour l'écrivain. Des paysages où il aimait se promener, pêcher ou simplement humer un air si particulier pour lui.
Alain Fournet, toujours : " Au moment du décès de sa maman quand il a douze ans, il a trouvé consolation dans les paysages de Loire, les promenades au bord de la Loire, la contemplation du fleuve, la pêche. Quand il est revenu de la guerre, où il avait été grièvement blessé, là aussi la Loire a été consolatrice, réparatrice et apaisante. Elle a été aussi inspiratrice puisqu'elle lui a inspiré plusieurs ouvrages : Rémi des rauches, La boîte à pêche, la Loire, Agnès et les garçons, Images du val de Loire et de nombreux textes ".
Mercredi 11 novembre, Maurice Genevoix est entré donc au Panthéon, c'est un peu de la Nièvre qui l'accompagne.
L'entrée de Maurice Genevoix au Panthéon, sur un récit de Rémy Chidaine