L’hôpital Pierre Bérégovoy de Nevers (Nièvre) fait face à une véritable troisième vague de l’épidémie. Saturé, il subit de plein fouet la hausse de l'épidémie. Le docteur El Hadi Djerad se montre inquiet.
Le mercredi 24 mars, Gabriel Attal, porte-parole du Gouvernement, annonçait que la Nièvre ainsi que le Rhône et l’Aube devraient passer sous mesures de freinage renforcées. En effet, depuis quelques semaines, la situation épidémique de la Nièvre est préoccupante. Le taux d’incidence a doublé en deux semaines : de 146 au début du mois à 329 le 20 mars. Le seuil d’alerte, fixé à 250 pour 100 000 habitants, est largement dépassé. Nous avons rencontré le docteur Mohamed El Hadi DJERAD à l’hôpital Pierre Beregovoy de Nevers (Nièvre).
- Quelle est la situation actuellement au centre hospitalier ?
On a un taux d'occupation de 100% depuis presque un mois. On a étendu au maximum nos capacités. Toutes les unités sont ouvertes et sollicitées. Nos moyens sont de 16 lits et nous sommes déjà à saturation. On est dans une situation de crise qui nous oblige déjà à transférer les patients. Nous avons deux modes de transfert : intra-départements et extra-départementaux. Les modes de transfert intra-département sont heureusement les patients qui guérissent. Ils arrivent à sept jours d’hospitalisation avec un test PCR négatif ou à 14 jours d'hospitalisation. Si leur état s’améliore ils sortent vers d'autres structures. Cela nous fait donc gagner des places pour accueillir des patients.
On a presque un taux de 60 à 65% de variant britannique dans nos patients.
- Quelle est la part du variant britannique dans ce phénomène ?
C'est un variant qui s'impose. On a presque un taux de 60 à 65% de variant britannique parmi nos patients. Le risque de transmission de ce variant est très élevé et malheureusement les tableaux cliniques sont très sévères. Cela veut dire que l’on doit prolonger la durée de l'hospitalisation du patient dans ce cas.
À un certain moment, on a l'impression qu'on ne voit pas le bout du tunnel.
- Etes-vous revenu à une situation qui est comparable à celle du premier confinement ? Avez-vous dépassé cette situation ?
Par analogie à la première vague, on constate une hausse du taux d'incidence assez rapide, qui conduira à un certain moment à une chute également rapide. Cette troisième vague est plus sérieuse et plus grave. L'augmentation du taux d'incidence est assez progressive. C'est une vague étouffante, exponentielle. Même si elle est étendue dans le temps, elle est ascendante. À un certain moment, on a l'impression qu'on ne voit pas le bout du tunnel. Le nombre de patients augmente. Les moyens que l'on avait utilisés pour la première vague afin de diminuer cette pression sur l'hôpital, sont déjà épuisés. Cette troisième vague, même si elle n’était pas trop brutale au début, est impressionnante. Elle est en train de nous submerger. Elle dépasse facilement nos moyens, nos capacités.
- Selon vous, comment expliquer l'explosion si rapide des taux d'incidence dans la Nièvre ?
C'est très délicat. C'est une conjonction de beaucoup de facteurs. Il faut sûrement avoir un peu plus de recul et des études épidémiologiques et scientifiques plus sérieuses pour avancer des hypothèses. On peut cependant constater qu'il y a un petit relâchement avec les gestes barrières par exemple. Mais Nevers n'est pas Marseille ou Paris. Ce n'est pas une métropole dense. Les gens sont assez distants, on n'a pas une grande promiscuité sociale. Nous sommes quand même dans un milieu semi-rural. En dépit de ça, on a quand même l'augmentation de l'incidence. On cherche à comprendre quels sont les facteurs qui y contribuent.
- Y-a-t-il urgence à prendre des mesures restrictives sévères pour la Nièvre ?
Sur le plan scientifique et médical, je pense que des mesures strictes de distanciation, et de gestes barrières sont à appliquer pour optimiser la diminution de cette incidence. Nous avons aussi un espoir avec la vaccination. C'est pour ça que nous avons demandé et accepté d'avoir un centre de vaccination à l'hôpital. On essaye de sensibiliser de plus en plus les soignants à cela car le taux de vaccination est seulement de 51% pour eux. Nous avons demandé que ce même centre de vaccination soit ouvert à nos patients.
Propos recueillis par Olivier Feniet et Loup Krikorian.