Appelez-les les "Cousettes" ou les "Couturières du coeur". Elles sont 47 et travaillent toutes à distance, dans la Nièvre, pour produire masques, calots ou babymasques. Les couturières n’ont pas encore eu l’occasion de se rencontrer et pourtant, depuis un mois, leur vie a changé. 

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Il y a plus d’un mois, elles n’auraient pas cru à cette histoire. 47 couturières qui ne se sont jamais rencontrées et qui pourtant travaillent collectivement depuis de nombreuses semaines pour livrer des protections aux personnels soignants et aux personnes les plus démunies.

2 200 masques et 1 800 calots ont été produits et livrés. Tout ça, fait à la maison et avec le coeur.

Au début, une simple histoire de calots...

Emilie est infirmière libérale dans la Nièvre. En avril dernier, elle s'inquiète du manque de matériel et notamment de protections pour exercer en toute sécurité en pleine crise de coronavirus. Elle cherche notamment à protéger ses cheveux longs lors de ses interventions au domicile des patients, pour éviter de perdre trop de temps à les laver matin et soir. La solution serait de porter un calot pendant ses tournées, « comme dans Grey’s Anatomy » plaisante l’infirmière.
Elle essaye de trouver une couturière… Et rencontre Vanessa sur un groupe national de couturières solidaires, sur internet. Vanessa est la maman de 5 enfants et propose ses services pour faire les calots. Elle refuse de recevoir de l’argent pour la confection et ne travaille qu’avec des dons
Emilie lance un appel à tous ses collègues soignants du département pour faire don à la couturière bénévole de tissus. Vanessa passera deux nuits blanches à coudre plus de 400 masques pour l’hôpital de Decize.

De là naît l’idée d’un groupe de couturières…. « On s’est dit qu’on pourrait réunir des couturières de toute la Nièvre pour fabriquer des protections, tout en obtenant des dons de tissus et de fils. » 
 

Des teams de couturières aux quatre coins de la Nièvre

Plus vite qu’elles ne l’auraient imaginé, Emilie, Vanessa, Caroline et Sandrine, les quatre administratices du groupe sont rejointes par 47 couturières. « Les petites mains solidaires de la Nièvre » sont nées.
Grâce aux réseaux sociaux, elles communiquent et s’échangent tutos, galères de tissus, de fils et diverses interrogations. Le groupe trouve bientôt un livreur puis une laverie, pour nettoyer tous les tissus donnés à 90 degrés. Le transporteur se charge lui de délivrer tout le matériel nécessaire aux couturières éparpillées aux quatre coins de la Nièvre. Le tout, bénévolement

Une petite armée vient de voir le jour. Ou plutôt une brigade dirons-nous. Organisée en "teams" : la Team Nevers, la Team Decize, la Team Charité (sur-Loire), etc.
La liste des bénéficiaires des productions s’allongent de jour en jour. Les Cousettes croulent sous les demandes : médecins, dentistes, kinés, hôpitaux, EHPAD, services d’aide à domicile, ATSEM, travailleurs sociaux ou encore employés de magasins ! Des masques sont aussi délivrés aux plus démunis : les Restos du coeur, le Prado (association qui vient en aide aux SDF), la Pagode (association qui lutte contre les exclusions), entre autres.
 

Elles déplacent les meubles pour faire de la couture

« On est à des kilomètres les unes des autres. On ne s’est jamais vues. Et pourtant on communique tous les jours avec la même passion et la même envie »  se réjouit Emilie. Elle le souligne : la création de ce groupe a rendu la vie plus douce.
Les Cousettes viennent de tous les horizons : des soignant-e-s, des retraité-e-s, des jeunes mamans, des enseignant-e-s. Mais aussi des personnes malades. Pauline par exemple est une jeune femme atteinte d’une déficience visuelle. Elle vit dans l’Yonne, mais s’est confinée chez sa maman, dans la Nièvre. Elle prend connaissance de l’existence des Petites mains solidaires et décide de se joindre au groupe, avec sa maman. Mère et fille se retrouvent alors pour coudre. Une manière pour la jeune femme de rééduquer sa vue, de se concentrer sur la couture. Un geste aussi pour les soignants, qu’elle remercie pour s’être occupés d’elle lorsqu’elle était jeune.
Il y a Mamie Do, à Cosne-sur-Loire. Elle a l’habitude de coudre des vêtements pour ses petits-enfants. Mais depuis quelques semaines, c'est pour les soignants qu'elle s'installe face à sa machine. 

La salle de jeux a été transformée en salle de couture. Mes enfants de 12 et 7 ans m'aident. Cela devient une belle aventure, avec de merveilleuses rencontres !
- Géraldine, couturière  à Germigny-sur-Loire

Véronique a transformé sa maison pour faire de la couture avec ses enfants. La couture une affaire de famille ? Sans doute. Gigi, elle, n’a pas de profil sur les réseaux sociaux. Alors c’est sa fille qui l’a mise en contact avec le reste du groupe. Père, mère et fille ont déplacé les meubles du salon pour en faire un vrai atelier de couture. Ils travaillent ensemble… parfois jusqu’à deux heures du matin ! Ce qui a valu a Gigi une tendinite… 
Emilie ne savait « même pas recoudre un bouton ». Mais les échanges avec les Cousettes, lui ont donné envie d’apprendre et d'apporter sa contribution. Alors elle s’est lancée… « Non sans quelques ratés  ! », plaisante l’infirmière. 

Pour moi, cette aventure humaine était une évidence. Le confinement semble moins lourd à supporter car grâce à la fabrication de masques et de calots, nous pratiquons notre loisir. (...) On fait aussi des rencontres enrichissantes. Tous unis, on peut y arriver.
Patricia, couturière à Nevers

Une assistante maternelle a réorganisé aussi toute la pièce où elle accueillait les enfants pour la création des masques. Patricia, une autre couturière, victime d’un AVC par le passé, mise beaucoup sur ces travaux collectifs pour retrouver une activité.
Au-delà du matériel produit pour les professionnels, ce sont aussi depuis un mois, de belles rencontres d’histoires individuelles. Caroline, une des coordinatrices, est arrivée dans la Nièvre en ne connaissant personne. La création du groupe lui a ainsi donné l'occasion de se faire très rapidement de nouvelles amies. « Ca nous a permis à toutes de retrouver un peu de quiétude et de bonheur » dans une période qui n’a été simple pour personne.

J'ai croisé aujourd'hui une personne qui portait l'un des masques que j'ai cousu... Juste se dire qu'elle est protégée grâce à moi, c'est super valorisant et ça donne la chair de poule.
Delphine, couturière à Garchizy

Bientôt une exposition pour les Petites mains

« Elles travaillent dans l’ombre du matin au soir. Il ne faut pas les oublier. » Les coordinatrices du groupe Les Petites Mains Solidaires de la Nièvre (la création de l’association loi 1901 est en cours) mettent un point d’honneur à ce que les couturières soient toutes remerciées et félicitées pour leur investissement. Confinement oblige, la nouvelle petite "famille" n’a pas encore eu le temps de se rassembler. Bientôt, une exposition organisée par le Conseil Départemental de la Nièvre sur les murs de la Préfecture mettra à l’honneur le travail et l’histoire des Petites Mains.

En avril, rien ne prédestinait 47 couturières à se retrouver (à distance) pour répondre aux demandes de nombreuses structures hospitalières et sociales. D'autant que Les Petites Mains vont continuer leur production et approvisionner les hôpitaux et les services de pédiatrie. Alors morale de l’histoire :  « Ensemble, on est plus forts ! »
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