Après 25 ans à restaurer et créer des vitraux en terre jurassienne, Bruno et Jacqueline Tosi quitteront fin août leur atelier installé dans les anciens abattoirs de Poligny pour Kilkenny, en Irlande, où ils assemblent aussi morceaux de verre et de plomb depuis une décennie.
Ils sont peu nombreux les maîtres-verriers en France. D'ailleurs ils se connaissent quasiment tous. Bruno Tosi est LE maître-verrier comtois. C'est-à-dire qu'en plus d'être vitrailliste diplômé et accompli, il possède des connaissances en histoire de l'art qui lui permettent d'intervenir pour la restauration de monuments historiques. Bruno Tosi exerce ainsi depuis 45 ans. Il a démonté et réparé des vitraux par dizaines dans les châteaux, églises et belles demeures.
Mais Bruno Tosi est aussi un créateur aux côtés de son épouse Jacqueline Tosi qu'il a formée il y a 25 ans. Tous deux répondent à des commandes de particuliers pour éclairer d'un jour nouveau tantôt des lancettes (les deux battants d'une portes), un imposte (un dessus de porte), de grandes baies vitrées ou un petit carreau délicat. Chacun a développé ses préférences. Madame s'attelant souvent aux décors floraux style art nouveau, n'hésitant pas à entourer patiemment de plomb chaque grain de raisin découpé, là où son mari, dit-elle, se contentera d'une seule grosse grappe en grisaille (du verre peint et cuit au four). Mais globalement, ces deux-là ne se tirent pas la bourre. Ils ont échaffaudé au fil du temps une belle complémentarité et complicité artistique.
Un nouvel atelier en Irlande
Seulement voilà, leurs jours à Poligny sont désormais comptés. Fin août, ils s'envoleront définitivement pour Kikenny, en Irlande, où ils ont aménagé une église protestante désacralisée en maison et atelier depuis déjà dix ans. Ils ont même obtenu la double nationalité. Une retraite irlandaise, ils en rêvaient, même si bien sûr ils continueront d'exercer leurs talents pour leurs clients dans toute l'Europe.
Leur atelier actuel est à vendre. Un endroit pour le moins atypique lui aussi. Il s'agit des anciens abattoirs de Poligny datés de 1864: 500 mètres carrés de pierre de taille, une charpente en poutre et une hauteur sous plafond monumentale. Les repreneurs peuvent tout imaginer pour donner une troisième vie à ce lieu inscrit à l'inventaire des monuments historiques.
Une succession artistique assurée
Quant aux successeurs jurassiens dans l'art du vitrail, Bruno Tosi a deux poulains. Stéphane Guyot, ancien dessinateur projeteur de charpente métallique, a fait une partie de ses classes dans l'atelier de Poligny. Il s'est installé à Cousance. Josselin Goepfert, lui, exerce juste à côté de Bletterans. Bruno Tosi le dit : "nous partons, mais pas question de laisser les maires et les curés dans le désarroi." Même à 1 500 kilomètres, le maître-verrier saura orienter les commanditaires.