La raie cendrée, caractéristique du Morbier de notre région serait trop souvent copiée par d'autres fromageries, selon les syndicats. Cela pourrait donc induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit qu'il consomme.
Le Morbier est protégé par une AOP depuis 2002. Ce qui signifie qu'aucun fromage produit hors des zones de l'appellation protégée ne peut prétendre s'appeler "morbier". Seulement voilà, cette protection ne suffit pas, selon le syndicat interprofessionnel de défense du Morbier. Depuis plusieurs années, l'association se bat pour protéger la fameuse raie noire qui donne son aspect unique au fromage franc-comtois. "Nous voulons que cet élément visuel de l'AOP du Morbier, reconnue comme tel dans son cahier des charges, soit protégé", nous explique Florence Arnaud, directrice du syndicat inteprofessionnel de défense du Morbier
Cette "signature visuelle" fait partie du cahier des charges de l'AOP Morbier : "Ce fromage présente une raie noire centrale horizontale, soudée et continue sur toute la tranche", peut-on lire dans le document. Cette « signature » est héritée de son histoire, du temps où le Morbier était fabriqué à la ferme, en assemblant un premier fromage issu du lait de la traite du soir et un second fromage issu de la traite du lendemain matin. La nuit, le fromage était protégé par une fine couche de suie.
Des actions en justice intentées
Or, cette raie cendrée serait trop souvent copiée par d'autres fromageries, selon les syndicats. Cela pourrait donc induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit qu'il consomme.
Le syndicat a donc intenté des actions en justice contre la Société Fromagère du Livradois. Il a été débouté en première instance et en appel. Mais en juin dernier, la Cour de Cassation, la plus haute juridiction du pays, n'a pas voulu confirmer ces jugements en la défaveur du syndicat du Morbier.
Car, pour elle, il n'existe aucune jurisprudence qui puisse s'appliquer dans cette situation. Elle a donc posé une question à la CJUE (Cour de Justice de l'Union Européenne) puisque l'AOP est une réglementation européenne. La cour de Cassation demande à la CJUE si la protection d'un produit par AOP se limite uniquement au nom du produit (ici, le Morbier) ou bien si la reprise des caractéristiques visuelles identitaires d'un produit (ici, la fameuse raie cendrée), est bien une atteinte au produit.
Comme il est d'usage, le Ministère des Affaires Etrangères a déposé le 10 octobre 2019 ses conclusions à la CJUE. Le syndicat aussi. Il reste maintenant aux juges européens à décider si la raie cendrée du Morbier doit être protégée !
Un dossier un peu technique sur le plan juridique, mais qui pourrait avoir des conséquences bien concrètes dans les rayons de nos fromagers. Le Morbier serait alors le seul à pouvoir exposer sa belle ligne noire au milieu des fromages à pates claires.
Verdict ? Pas avant six mois.