Au printemps, de nombreux renardeaux se retrouvent sans famille suite à des tirs ou des collisions routières. Condamnés à une mort certaine, ils sont alors placés dans de nouveaux terriers. Du Doubs au Jura, se déroulent alors des adoptions vraiment étonnantes.
Cela fait maintenant trois ans que je vous emmène à la découverte de la nature et de la faune sauvage à travers la page Naturae de France 3 Franche-Comté. Pour fêter cet anniversaire et ce premier reportage sur un renard qui s'était introduit dans la voiture d'un promeneur, j'ai tenu à vous partager une très belle histoire, celle de la nouvelle vie de renardeaux sans famille. Afin de préserver la tranquillité des petits, voici seulement le temps du récit, alors que l'automne s'installe.
Cette opération de sauvetage a été réalisée avec le Centre Athénas en compagnie des photographes naturalistes Charline Palomares, Olivier Trible, Pascal Juif et Gil Gautier.
Des renardeaux orphelins amenés au Centre Athénas
Près de Lons-le-Saunier dans le Jura, le Centre Athénas recueille et soigne les animaux sauvages. Objectif : les remettre sur pied, et leur rendre leur liberté dans le milieu naturel.
Tout commence par l'arrivée au centre de renardeaux retrouvés isolés par des promeneurs. Ils peuvent avoir quelques semaines ou parfois quelques jours. Leur mère a été le plus souvent abattue par un tir de chasseurs ou renversée par une voiture. La prise en charge doit être rapide, car il en va de leur survie. Néanmoins, Gilles Moyne, le directeur du Centre Athénas alerte sur la nécessité de vérifier que le petit renard n'a pas juste entamé sa découverte du monde qui l'entoure avant de l'apporter au centre de soins. À partir de cinq semaines, les renardeaux sont déjà des animaux très curieux.
Les renardeaux pris en charge vont être nourris au biberon. Cette étape varie en fonction de leur âge et peut durer plus d'un mois. "Il est impératif qu'ils soient sevrés et commencent à absorber de la nourriture carnée avant d'envisager de les placer dans un nouveau terrier. La renarde dans un instinct de survie de l'espèce va s'en occuper comme ses propres petits. L'accès au lait maternel ne doit plus être une priorité, car nous les plaçons souvent dans des fratries déjà nombreuses et surtout, ils peuvent être parfois bien plus petits. Sevrés, leur acclimatation sera plus facile et ils trouveront toujours de quoi se nourrir" nous explique Gilles Moyne.
Les petits vivent en groupe au sein du Centre Athénas afin de développer leur sociabilisation, avant d'intégrer une nouvelle famille adoptive.
La recherche de renardes adoptives pour ces petits orphelins
Une fois sevrés, les petits renards doivent être placés dans une nouvelle famille d'accueil. Photographe naturaliste, j'ai pu localiser un terrier de renards à proximité de Besançon. Après quelques affûts très discrets, la mère m'avait repéré, néanmoins accepté à proximité de ses six petits. C'est une expérience rare et touchante que de pouvoir vivre une telle scène, derrière l'objectif de ma caméra.
Cette renarde pleine de tendresse avec ses six renardeaux que je suivais a été sélectionnée par le Centre Athénas afin de pouvoir accueillir un petit orphelin dans son terrier.
Le départ de "Petitminus" et des renardeaux vers une nouvelle famille d'accueil
Ma renarde et sa fratrie étant jugée aptes par Gilles Moyne, le responsable du Centre Athénas pour recevoir un petit orphelin, c'est enfin le départ vers une nouvelle vie pour ce petit renard ! En compagnie de Charline, Olivier et Pascal, je retrouve Claire qui effectue son service civique au Centre Athénas. Le coffre de la voiture s'ouvre laissant apparaître quatre caisses de transport. Après 70 km de voyage, ce sont des petits très inquiets que l'on distingue à la lumière du jour. Il faut faire vite ! Nous inspectons les quatre renardeaux afin de trouver celui dont la taille se rapproche le plus des six petits de la renarde. L'un d'eux cherche à creuser dans sa caisse pour se faire la belle. Il doit avoir une bonne quinzaine de jours de moins, mais il est le premier sélectionné. Je le surnomme "Petitminus".
Ce renardeau inquiet attend d'être placé dans une famille d'accueil.
Claire enfile ses gants et ouvre la porte de la caisse de transport. Elle saisit délicatement Petitminus afin de le glisser dans un pull. "C'est un moment délicat où il faut être à la fois rapide, mais ne pas stresser l'animal. Il ne doit pas s'imprégner de notre odeur, du coup les contacts doivent être très réduits. Une fois déposé devant le terrier, le renardeau a toujours le réflexe de s'engouffrer au fond pour chercher à se cacher. Parfois, il faut l'aider un peu, mais cela se passe toujours bien". Pour cette jeune de 24 ans qui a fait des études de Science de la vie, Biologie et Écologie, cette seconde chance offerte à ces orphelins est toujours un intense moment d'émotion.
Une fois la dépose effectuée, il ne faut pas s'attarder sur les lieux pour le cas où la renarde reviendrait à son terrier. Et il reste des petits à placer. Direction Nancray dans le Doubs, afin de déposer un autre renardeau dans l'un des terriers que surveille Pascal Juif qui voue une véritable passion à cet animal. Cette fois, c'est Olivier Trible, photographe naturaliste et correspondant actif du Centre Athénas qui assure la dépose. Confortablement installé dans ce pull douillet, le petit a du mal à faire les premiers pas vers sa nouvelle famille.
Une fois de plus, la séquence n'aura pris que quelques secondes afin d'éviter au maximum toute forme de dérangement. De retour à la voiture, je prends juste le temps d'immortaliser en photo cette équipe qui a offert à ces petits renardeaux, une seconde chance dans la vie. Les deux derniers jeunes ont été placés ensuite dans le Territoire de Belfort dans des terriers surveillés par Olivier Trible.
La surveillance des terriers peut commencer
Malgré mon inquiétude, je me suis donné 48 heures avant de retourner près du terrier pour voir ce qu'est devenu "mon petit renardeau". Cela fait 20 ans, que Gilles Moyne et son équipe réussissent à placer des orphelins auprès d'une mère adoptive. Néanmoins, il y a toujours la crainte que cela se soit mal passé. Posté en affût depuis plus de deux heures, j'attends patiemment de voir Petitminus. Un à un, des renardeaux sortent et commencent à jouer. Je prends discrètement quelques clichés, mais je reconnais les renards de la fratrie. Je commence à m'inquiéter lorsque soudain, un renardeau vraiment beaucoup plus petit sort quelques secondes faire son pipi sous la surveillance d'un plus grand. Mon cœur s'emballe et je suis pris d'une grande émotion. C'est bien Petitminus, le renardeau qui n'est plus orphelin. Gilles avait raison. L'adoption à l'air d'être en bonne voie.
Une dizaine de jours plus tard, c'est un petit renardeau plein d'énergie et d'espièglerie que je retrouve. Sa petite taille me permet de le reconnaître facilement, mais il n'est pas le dernier à se bagarrer avec les plus grands. Dans ces séances de jeux, il développe sa sociabilité et son instinct de chasseur. C'est un bonheur et un privilège pour moi de pouvoir observer de tels instants.
Quinze jours après son adoption, Petitminus est parfaitement intégré à sa nouvelle famille. Malgré sa petite taille, il est très actif pour jouer avec des fleurs et se bagarrer avec les plus grands.
Vers le terrier de Nancray, la surveillance commence pour Pascal Juif et moi-même. "Cela fait des années que je connais ce terrier partagé avec une famille de blaireaux. J'ai une passion pour le renard que je trouve magnifique et tellement intelligent. La période des naissances est un moment que j'affectionne beaucoup, car c'est un bonheur de pouvoir discrètement observer les petits découvrir la vie. Lorsque l'on m'a demandé de participer à cette opération d'adoption, j'ai été très ému et je le suis encore plus en réalisant son succès" nous explique Pascal.
Du côté de Belfort, l'adoption s'est formidablement bien déroulée. Ce n'était pas gagné, car l'un des renardeaux était vraiment tout petit. Pour le rassurer et l'accompagner dans sa nouvelle vie, il a été décidé par Gille Moyne de le déposer avec renardeau qui partageait son quotidien au Centre Athénas. Olivier Trible et Charline Palomares ont pu être les témoins des premières sorties de ces petites boules de poils roux.
"C'est une émotion intense et j'ai pu vivre des instants magiques. Lorsque que j'ai vu le tout petit renardeau sortir du terrier avec le plus grand, j'ai compris qu'il avait été accepté par la renarde et j'en avais les larmes aux yeux" nous explique Charline. Pour Olivier Trible, photographe et correspondant du Centre Athénas, cette opération et une victoire à ses yeux sur la mauvaise image véhiculée par les renards. "On les voit comme des voleurs de poules, des propagateurs de maladies, des nuisibles. Cela me met hors de moi de savoir qu'on peut les tirer au fusil comme des pipes à la fête foraine !"
Un succès total pour ces opérations de sauvetage
Si la technique d'adoption des renardeaux est méconnue, elle est expérimentée par le Centre Athénas depuis plus de 20 ans. Le photographe Gil Gautier a tenu à participer à l'expérience dans la forêt de Chaux près de Dole. Il a réalisé un film de l'histoire de ce renardeau qu'il a surnommé Longue Pattes.
Au départ, Gilles Moyne a d'abord commencé avec des essais d'adoption sur les blaireaux. L'expérience a ensuite été tentée avec des renardeaux qui étaient apportés par des promeneurs. "Les renards sont dotés d'un véritable instinct de survie pour l'espèce. Une mère qui a déjà six petits rejette rarement un nouvel arrivant dans le terrier. Il est par contre très important que nos jeunes adoptés soient capables de manger de la nourriture carnée. Il n'est pas rare également de voir une femelle plus âgée s'occuper des jeunes si la renarde avait un souci. Il y a une véritable entraide chez les renards et c'est une belle leçon de vie", explique le directeur d'Athénas.
Aujourd'hui, environ 500.000 renards sont abattus chaque année. De nombreux défenseurs de la nature se battent pour mettre en avant leur importance au sein de notre biodiversité. C'est un allié pour les agriculteurs, car un adulte consomme en moyenne 5 000 rongeurs par an et limite l'utilisation de pesticides. Des études de la Royal Society Publishing ont mis également en évidence l'intérêt que peut avoir le renard dans le contrôle de la propagation de la maladie de Lyme via une régulation des populations de rongeurs.
Si vous avez été sensible à l'action mise en place chaque printemps par le Centre Athénas, vous pouvez les aider dans leur sauvegarde de la faune sauvage au quotidien que ce soit les renards mais aussi surtout les lynx.
Vous pouvez suivre Naturae, la page dédiée à la nature et la faune sauvage
Le nombre d'adoption de renardeaux orphelins réalisées par le Centre Athénas
En 2021, 30 renardeaux ont été placé dans une nouvelle famille d'accueil, 25 en 2020, 18 en 1919, 14 en 2018 et 11 en 2017. Cela représente une centaine d'individus et les chiffres sont croissants. Auparavant, le centre avait déjà pu secourir 80 jeunes.