La région Bourgogne-Franche-Comté a vu le jour en janvier 2016. À quelques jours des élections régionales des 20 et 27 juin 2021, le bilan de cette création fait toujours polémique. Économie, impôts, politiques, on fait le point.
La fusion de la Bourgogne et de la Franche-Comté a-t-elle permis de mieux utiliser l'argent public ? C'était l'une des promesses de la réforme mise en œuvre pendant le quinquennat de François Hollande. Mais en 2019, la Cour des comptes a livré un premier bilan mitigé de la fusion des régions. Au niveau national, elle pointe alors des "gains d'efficience [...] limités en raison de la reconduction, dans la majorité des cas, des modes de gestion préexistants".
Coût de transition de 23 millions d'euros
La Chambre régionale des comptes est allée davantage dans le détail, dans un rapport de 2019, en chiffrant le coût financier de la transition en Bourgogne-Franche-Comté "à 23 millions d'euros environ (dont 17 millions d'euros correspondant à l’acquisition d’un bâtiment permettant de regrouper les services bisontins de la région sur un seul site, près de la gare Viotte)".
Au-delà de ces dépenses sur les premières années de fonctionnement, elle souligne que la fusion "pèsera sur les budgets régionaux", notamment du fait de l'harmonisation des conditions de rémunération des agents, "de la revalorisation des indemnités des élus et des coûts liés au fonctionnement bi-site" entre Dijon et Besançon.
Des frais de déplacement en hausse
Conséquence du maintien de deux capitales régionales, les frais de déplacement ont augmenté. La chambre régionale des comptes relève, sur 2017, environ 570 000 euros de frais pour les agents. C'est une augmentation "de 220 000 euros par rapport aux frais engagés par les deux régions avant la fusion."
Dans une analyse plus récente, publiée en février 2021 (PDF), le bulletin d'information statistique de la Direction générale des collectivités locales (DGCL) a comparé les régions qui ont fusionné et celles dont le périmètre n'a pas changé. Il en ressort notamment que "les frais de personnel et les charges financières des régions fusionnées ont progressé moins vite que celles des autres régions" entre 2015 et 2019.
Nouvelles compétences
La Chambre régionale des comptes pointe également dans son rapport les bons comportements du conseil régional d'un point de vue budgétaire. Elle prend l'exemple d'économies réalisées du côté des achats "à la faveur de la massification de ses commandes et d’une approche plus économique dans la sélection des fournisseurs, mais aussi la gestion des moyens généraux de l’administration.". Mais elle rappelle que ces économies "évaluées à environ 1,5 million d'euros" représentent "des montants non significatifs par rapport à un total de charges de gestion du budget régional de plus de 882 millions d'euros".
L’impact financier de la fusion, chiffré par la chambre, est significatif mais pas majeur dans les évolutions de dépenses courantes de la collectivité.
Dans son rapport de 2019, la Chambre régionale des comptes rappelle que le conseil régional a étendu à l'ensemble de la Bourgogne-Franche-Comté des dispositifs qui existaient dans chacune des anciennes régions. C'est le cas par exemple de la carte Avantages Jeunes, née en Franche-Comté et qui s'est installée également en Bourgogne. La Région a également géré de nouvelles compétences, avec entre autre le transfert de la gestion des transports scolaires gérés par les conseils départementaux.
Hausses d'impôts ?
C'est un argument qui revient dans la bouche de certains candidats aux élections régionales. La fusion aurait entraîné des hausses d'impôts. Il faut rappeler que la Région ne collecte pas d'impôts directement auprès des particuliers. Concernant le prix de la carte grise, dont la Région reçoit une partie, la nouvelle région a choisi d'harmoniser le tarif du cheval fiscal par le haut. Le tarif bourguignon de 51 euros par cheval fiscal s'est généralisé à l'ensemble de la région. Les Franc-Comtois payaient jusqu'alors 36 euros par cheval fiscal.
"Deux nains ne font pas un géant"
La région a désormais une taille plus importante, mais cela ne suffit pas, selon le géographe Alexandre Moine, de l'université de Franche-Comté, pour rivaliser. "La fusion a eu lieu au départ pour atteindre une taille critique de grande région. C'est un jeu à somme nulle. Globalement, deux nains ne font pas un géant. Et donc économiquement, la région demeure une petite région", explique-t-il.
L'universitaire contredit ceux qui imaginent un déclassement de Besançon au profit de Dijon. "D'un point de vue économique, si on zoome sur Besançon, la ville ne s'en est pas trouvée fortement affectée, si ce n'est le déplacement des emplois publics vers Dijon [...] Besançon ressort cinq ans après finalement pas si égratignée que ça d'un point de vue économique, si ce n'est la réserve que j'ai mentionnée."
Il faudra encore quelques années pour pouvoir dresser un bilan définitif de la fusion de ces régions, dont le Premier ministre Jean Castex lui-même avait dit il y a quelques mois n'avoir "jamais été convaincu".