Alors qu'ils attendent toujours l'examen de leurs dossiers d'indemnisation des pertes de fourrage, les Jeunes Agriculteurs de Saône-et-Loire redoutent de percevoir des aides plus faibles. Ils ont publié sur les réseaux sociaux une vidéo pour interpeller directement le ministre de l'Agriculture.
"Monsieur le ministre Julien Denormandie, vous avez rencontré les Jeunes Agriculteurs de Saône-et-Loire en septembre dernier [...] Vous avez sans-doute constaté la détresse des éleveurs en traversant une campagne brûlée. Nous n'avons plus un brin d’herbe à l’horizon. Vous avez pris des notes, et depuis ?" Dans une vidéo publiée le 12 février sur les réseaux sociaux, les Jeunes Agriculteurs de Saône-et-Loire interpellent face caméra depuis leurs exploitations le ministre Julien Denormandie sur le retard pris, selon eux, par l'indemnisation des conséquences de la sécheresse.
Après trois années consécutives de sécheresse, nous sommes à bout de force. L'urgence est dans les cours des fermes. Les bâtiments de fourrage sont vides et les trésoreries négatives.
"Depuis le mois d'octobre, on a travaillé avec la chambre d'agriculture, la FDSEA, la DDT [Direction départementale des Territoires] pour monter un dossier de demandes d'indemnisations pour perte de fourrage, nous explique Marine Seckler, la présidente des Jeunes Agriculteurs de Saône-et-Loire. Il a été déposé début décembre à Paris à la commission qui s'appelle CNGRA [Comité national de gestion des risques en agriculture]. Il aurait dû être examiné au mois de janvier, et ça a été repoussé au mois de février, ce jeudi 18."
"On a d'assez mauvais échos. L'Etat aurait changé son mode de calcul et prendrait en compte d'autres données. Dans le département de Saône-et-Loire, on était parti sur un taux de perte de fourrage de 48%. A priori, l'État essaie de minimiser tout ça. Cela engendrerait une indemnisation plus faible et ça exclurait des éleveurs qui sont plus diversifiés", ajoute-t-elle.
Il y a une certaine colère parce que les éleveurs ne comprennent pas pourquoi l'État minimise cette sécheresse alors que c'était la plus importante de ces dernières années.
6 000 à 8 000 euros par exploitation
Au delà de ces indemnisations qui pourraient être moins importantes que précédemment, le simple fait que la réunion se tienne plus tard que les années précédentes retarde mécaniquement le versement des aides. "D'habitude la commission se tient au mois de décembre. Et les premiers paiements arrivent début février. On arrive sur la fin de l'hiver et si le dossier est validé, on n'aura pas les aides avant mi-mars. Et le solde des aides va traîner jusqu'à juin ou juillet. Donc l'hiver sera complètement fini. Pour le moment, les éleveurs doivent trouver des solutions pour payer leur fourrage en attendant ces aides", détaille Marine Seckler.
Celles-ci représentent entre 6 000 et 8 000 euros par exploitation, estime la présidente des Jeunes Agriculteurs 71. "C'est calculé en fonction du nombre d'animaux présents sur l'exploitation à une certaine date. Ensuite, des calculs sont faits avec des taux de perte en fonction des productions : vache allaitante, vache laitière, brebis ou chèvre. Ces taux sont un peu différents, ce qui fait que certains se font exclure selon leur production", rappelle-t-elle.
La représentante syndicale a elle-même subi des pertes importantes dans son exploitation installée à Blanot, entre Mâcon et Tournus, où elle élève des vaches allaitantes, des brebis et des poules pondeuses, "tout en bio et en direct". "On a eu une perte de 50% sur les récoltes à cause de la sécheresse du printemps. Ensuite, on a rentré les animaux pendant deux mois cet été parce qu'on n'avait plus un brin d'herbe dans les près", précise-t-elle.
Fin janvier, une centaine agriculteurs de Côte-d'Or avaient répondu à l'appel lancé par la FDSEA et défilé dans le centre de Dijon avec leurs tracteurs pour manifester leur "ras-le-bol" face à l'incurie de l'État, selon eux, dans les calamités qui les frappent comme la sécheresse et les attaques de loup.
La sécheresse 2020 a touché une large partie de la France. "Du printemps au début de l’automne, le déficit pluviométrique associé à des températures souvent élevées a contribué à un net assèchement des sols sur le quart nord-est. Ainsi, malgré un hiver pluvieux, l'année 2020 a été de nouveau marquée par une sécheresse agricole sévère. Durant le printemps et l'été, les sols ont été très secs voire extrêmement secs sur le nord et l'est du pays, détaille Météo France dans son bilan climatique 2020. Avec le Grand-Est et la région Auvergne-Rhône-Alpes, la Bourgogne-Franche-Comté a subi sa troisième sécheresse en trois ans.