RÉCIT. Femme battue, violée, prostituée, Valérie Bacot a tué son mari (3/3) « Tout le monde savait »

Le 2 octobre 2017, en Saône-et-Loire, Valérie Bacot, 37 ans, est interpellée. Elle avoue avoir tué Daniel Polette, son mari violent après avoir été son beau-père incestueux. Durant un quart de siècle, Valérie Bacot a vécu l'enfer. Proches, voisins, institutions, personne n'a pu l'aider.

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En juin 2021 aura lieu le procès de Valérie Bacot. Elle est accusée d'avoir assassiné son mari Daniel Polette. Violences, viols, prostitution, durant 24 ans, ce dernier a fait vivre l'enfer à celle qui a d'abord été sa belle-fille, avant de devenir son épouse. 

Cet article est le dernier d'une série de trois reportages consacrés à cette affaire hors norme. 
 

 

 

Voisins vigilants

Lorsque l’on arrive à Baudemont, le village où ont vécu Daniel et Valérie Bacot, c’est l’une des premières choses que l’on voit. Juste derrière le panneau qui indique que l’on entre sur la commune, on en voit un autre. Sur un fonds jaune, un œil bleu grandement ouvert annonce une « participation citoyenne en liaison immédiate avec la gendarmerie ». Ces panneaux on ne peut pas les rater, il y en a presque un à chaque coin de rue.

Mais « cette vigilance citoyenne » ne rentre pas dans les maisons. Si elle se montre efficace contre les cambrioleurs extérieurs à la commune, elle n’a aucun effet pour ce qui se passe à l’intérieur des foyers.
 

Des gens qui ont des vies de merde, il y en a un paquet ! Mais de là à imaginer ça, on ne pouvait pas savoir !

 


Dans notre reportage du 11 octobre 2018 une voisine déclarait à propos de Daniel Polette : « je peux le dire maintenant qu'il est mort, c’était un affreux! Moi j’en avais peur. Je la voyais malheureuse. Elle disait rien de toute façon la pauvre, elle devait se taire et puis c’est tout. C’était une martyre je pense ».


Depuis, dans le quartier, plus personne n’accepte de parler aux journalistes. Les portes restent closes, ou on se contente de dire que « ça suffit avec ça ! ».
Sur le marché du mardi, à La Clayette, lorsque l’on évoque l’affaire, on oublierait presque que c’est Valérie l’accusée. «  Elle n’a pas dû être heureuse la pauvre », « C’est une pauvre fille, elle n’a pas eu de chance dans la vie ». On ne plaint pas la personne assassinée, on plaint l’auteur du crime.

 

 

Une véritable omerta

Qui savait ce que vivait Valérie, qu’elle avait épousé l’agresseur qui l’avait violée enfant, ou encore qu’elle était prostituée par ce dernier ? Quand on pousse plus loin les discussions, les interlocuteurs se font moins loquaces. Les visages se tournent vers les chaussures. A part un « personnellement je ne savais pas » on ne récolte plus grand-chose.

Tout le monde parle d’une femme qui avait indiscutablement l’air malheureuse, mais personne n’aurait donc cherché à savoir pourquoi. « Vous savez des gens qui ont des vies de merde il y en a un paquet ! Mais de là à imaginer ça, on ne pouvait pas savoir ! » nous explique un commerçant.
 

C'est des histoires de famille, ça nous regarde pas


Dans un bar, une femme nous précise qu’elle a lu le bouquin sur Jacqueline Sauvage et aussi celui sur Alexandra Lange. Nous lui demandons si elle a cherché à savoir ce qui pouvait donner à Valérie son air malheureux. « Là c’est pas pareil. Je ne parle pas de ça parce que c’est des gens du coin. Et puis d’abord, c’est des histoires de famille, ça nous regarde pas ».

La notion presque sacrée d’histoires de famille revient souvent. Comme si dans l’esprit de nombreux Claytois, ce qui se passe à l’intérieur du cercle familial échappait aux lois de la République. 

 Sur le marché de La Clayette la gêne des habitants est palpable lorsqu'on évoque l'affaire.
 

 

 

"Comment on a pu passer à côté de ça?"

Alors à l’annonce du drame et du meurtre de Daniel Polette, des Claytois ont-ils eu des remords ? Pour Sandrine, qui croisait régulièrement Valérie Bacot à la sortie de l'école à Baudemont, l’annonce de la nouvelle a été un réel choc. « J’étais bouleversé, j’ai eu un mal-être épouvantable. A ce moment-là je me suis dit "comment on a pu ne pas voir, ne pas aider cette femme ?". En larmes elle poursuit…. « Comment peut-on passer à côté de ça ? On a vu qu’elle était fragile, qu’elle avait l’air malheureuse et on n'a rien fait. »
 

Sa vraie prison ce n’était pas la maison d’arrêt. C’était chez elle, dans sa maison. C’est dur de se dire que là-bas, elle se sentait en sécurité. »

Sandrine

 


Sandrine décrit alors un "grand sentiment de culpabilité" et un "grand sentiment de responsabilité collective". "Je me suis dit, on est aussi responsable."

Elle décide alors d'écrire à Valérie Bacot en prison. Ensuite, elle lui rend visite au parloir. « J’avais cette image de Valérie maigre et pâle. Et quand je l’ai vue, je ne l’ai pas reconnue physiquement. Elle était métamorphosée. Elle avait laissé pousser ses cheveux, les avait teints. Elle avait grossi et elle était souriante. J’ai compris à ce moment-là que sa vraie prison ce n’était pas la maison d’arrêt. C’était chez elle, dans sa maison. C’est dur de se dire que là-bas, elle se sentait en sécurité. »
 

 

 

Tout le monde savait ?

Au parloir, face à Valérie, Sandrine confesse la culpabilité "de ne pas avoir tendu la main". Valérie lui répond : "de toute manière, je ne t’aurais rien dit car ça m’aurait mise en danger et ça aurait mis en danger mes enfants." 

"Maintenant, je ne regarde plus les gens de la même façon. Même si Valérie m’a dit tu n’aurais rien pu faire, qui sait… On ne lui a pas tendu la main…qui sait…Même si on ne sait pas quoi faire, il faut essayer" affirme Sandrine qui se promet d'être plus vigilante désormais.

« Tout le monde savait » c’est le titre du livre qui paraît le 12 mai 2021 (la sortie était initialement prévue pour février). Edité chez Fayard, il s'agit d'un récit autobiographique, signé par Valérie Bacot et sous-titré "un jour, il m'aurait tuée".

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