A Chalon-sur-Saône, le club de jazz de "L'Arrosoir" va cesser son activité à partir de la rentrée prochaine et licencier ses deux salariés. Dans un communiqué daté du 11 juillet, les dirigeants de l'association dénoncent "l'absence d'une volonté collective de leurs financeurs de les aider".
Un temps évoquée, la fermeture définitive du club de jazz "l'Arrosoir" à Chalon-sur-Saône est bel et bien effective. Après avoir animé les soirées des Chalonnais amateurs de jazz pendant plus de cinquante ans, l'association annonce dans un communiqué, "qu'elle se voit contrainte de stopper l'ensemble de ses activités". La faute à des charges de plus en plus lourdes et dans le même temps, de moyens de plus en plus réduits, selon l'un de ses responsables, que nous avons joint par téléphone. La ville de Chalon quant à elle, met en avant la volonté d'une certaine "stabilité".
Un sous-financement "chronique"
La réalité semble donc avoir fini par rattraper ce lieu, devenu incontournable pour tous les amateurs de jazz, musiciens, chanteurs ou simples spectateurs : "on voyait arriver le mur depuis pas mal de temps déjà" confie Michel Gillot, actuel vice-président de l'association. Plus précisément depuis 2015. Gilles Platret, devenu maire (LR) de la ville un an auparavant, décide de réduire de 25 % les aides allouées à différentes associations. Petites ou grosses structures, aucune distinction n'est faite à l'époque, selon Michel Gillot : "la réduction a été la même pour tout le monde. Mais évidemment, les répercussions n'ont pas été ressenties de la même façon".
On est une association dite "intermédiaire" alors cette coupe, on l'a prise de plein fouet
Michel Gillot, vice-président de l'Arrosoir
Les petites associations ne sont "pas rendu compte" de la différence étant donné l'apport minime de ces subventions avant cette décision. "Et pour les plus grosses, ces 25 % ne représentaient qu'une goutte d'eau dans leur budget global". Les associations de la taille de l'Arrosoir ont été celles pour lesquelles le choc a été le plus rude.
"On est très triste, mais surtout très en colère"
L'Arrosoir a réussi à garder la tête hors de l'eau pendant huit ans, mais l'aventure débutée en 1971 s'arrête donc brutalement. Les membres de l'association, salariés et bénévoles, disent avoir fait tout ce qu'ils pouvaient : "à vrai dire, on a tout essayé. Repasser à un salarié, organiser des festivals de soutien ou diversifier les contrats ..." explique Michel Gillot. Car avec une popularité toujours plus importante, les besoins de l'association ont augmenté au fil des années. "Avec le développement de certaines activités, on était dans l'obligation d'avoir deux salariés en permanence" détaille-t-il.
Les subventions elles, n'ont pas suivi : de 88 000€ en 2013, elles sont passées à 83 000€ en 2023. Dès lors, il s'est révélé impossible d'employer deux personnes à plein temps : "en ce moment, on avait Médéric et Juliette avec nous. Ça a été les plus compétents qu'on ait eu. Mais on ne pouvait pas en choisir un et mettre l'autre à la porte. On s'est refusé à faire ça parce que ce n'est pas comme cela qu'on fonctionne" regrette le vice-président de l'Arrosoir.
La culture, je crois qu'ils s'en fichent complètement
Michel Gillot, vice-président de l'Arrosoir
Selon lui, une meilleure répartition des subventions aurait permis de sauver l'Arrosoir : "on avait besoin de 45 000€ par an. Il aurait simplement fallu enlever quelques miettes aux plus gros". Mais c'est surtout ce qu'il appelle "l'inaction des financeurs" qui ne passe pas, notamment les derniers mois : "lors d'une table ronde le 28 mars dernier, quelqu'un a dit qu'il ne fallait pas laisser mourir l'association. Et ils se sont tous regardés sans dire un mot" regrette-t-il.
La ville pointe la faiblesse des sources de financements
Si la ville de Chalon reconnait la baisse des subventions dès 2015, elle précise que "cela a été le cas pour toutes les associations chalonnaises avec en contrepartie la charge de frais divers". Cette coupe assure la ville, a été faite "dans toutes les sphères de compétence de la collectivité et donc pas seulement sur le montant des subventions associatives". Elle met en avant qu'au contraire, le dispositif "Coup de Pouce" a assuré à l'Arrosoir 4 000€ supplémentaires "pour l'achat de matériel et d’instruments de musique".
Cette dernière relève surtout des limites concernant le financement de l'association. Outre le peu de diversité des sources, la "tarification sous-évaluée des places vendues" et le "démarchage quasi-inexistant des entreprises" sont pointés du doigt.
Concernant la possibilité d'une meilleure redistribution, elle termine : "Il serait totalement déraisonable de déshabiller Pierre pour habiller Paul".
Petite histoire de l'Arrosoir
L'association voit le jour en 1971. Elle ne se professionnalise que durant les années 1990, notamment avec l'arrivée d'un premier "emploi jeune" : "on a été assez lent pour se professionnaliser" explique Michel Gillot. "On a un peu suivi l'évolution de la musique !". Petit à petit, la structure diversifie ses activités. Elle lance diverses actions culturelles, avec des écoles notamment, ou accueille en résidence des dizaines de musiciens. Mais ce qui va en partie faire son nom, c'est l'accompagnement des jeunes pousses tout juste sorties d'écoles : "on a aussi choisi d'accompagner les jeunes musiciens, parce qu'ils sont un peu lâchés dans la nature après leurs études".
Année après année, le lieu va devenir "la" bonne adresse par laquelle tous les spécialistes de jazz se doivent de passer. Avec une trentaine de concerts et environ 2 500 spectateurs en 2022, l'Arrosoir connaissait encore un certain succès. Il cessera de jouer à la rentrée prochaine.