Avant les législatives les 12 et 19 juin prochains, France 3 part à la rencontre des habitants de toutes les circonscriptions de Bourgogne. Aujourd'hui, c'est au tour de la troisième de Saône-et-Loire, qui regroupe Le Creusot, Chagny et Autun.
Le pas rapide, le visage presque agacé, les agents municipaux de Chagny (Saône-et-Loire) s’attellent à installer les derniers panneaux électoraux, pressés par Sandrine Baroin, candidate RN qui souhaite coller en ce lundi matin. Car si huit candidats s’affrontent dans la troisième circonscription de Saône-et-Loire, les espaces d’affichage de la ville ne comptent, eux, que six tableaux, alors que le coup d’envoi de la campagne des législatives a été officiellement donné.
Annie, 75 ans, postée une dizaine de mètre plus loin, regarde la scène avec amusement et rigole de ce léger retard à l’allumage. "De toute façon, moi, les tracts, les affiches, les programmes, je ne les regarde pas, je refuse ! Je sais ce que je pense, je connais mon fonctionnement, j’ai mon opinion et je sais pour qui je vais voter", lâche-t-elle sans vouloir nous donner d’indice sur son choix.
Dans une circonscription plus âgée que la moyenne nationale, la priorité donnée aux retraites et au pouvoir d'achat
Mais alors que nous discutons sous le soleil qui surplombe le centre-ville de Chagny dès 9h30 du matin, la retraitée évoque instinctivement ses difficultés à boucler les fins de mois. "Je suis à la retraite depuis 2007. Eh bien depuis cette date, ma pension a baissé de 10 euros ! De toute manière on vote et ça ne change rien. On n’aide que les cas sociaux et les cas désespérés. Pour les retraites, on ne fait rien ! Moi, si j’étais députée, je m’occuperais des retraites !", lance-t-elle.
Quelques mètres plus loin, près de la place Saint-Jean, Alain, sort de chez lui et se dirige vers sa voiture. Le septuagénaire aux faux airs de Didier Deschamps pointe lui-aussi le problème des retraites et du pouvoir d’achat.
"Je sais pour qui voter, mon avis est fait, pose-t-il d’emblée. Vu mon âge, je pense au pouvoir d’achat mais aussi au thème de la médecine. C’est ce qui m'intéresse en tant que retraité".
Dans la troisième circonscription de Saône-et-Loire, 25 % de la population a plus de 65 ans selon des chiffres officiels de l’INSEE. Dans le secteur, l'âge moyen s'établit alors à 45,6 ans, contre 41,1 ans au niveau national.
Même s’il dénonce une vie politique "plus tout-à-fait comme avant", Alain reste pourtant convaincu de l’importance d’aller voter. "Les élections législatives sont primordiales parce que les élus seront à l’assemblée nationale, là où se font les lois", plaide-t-il.
J’attends beaucoup de ces élections parce que localement, elles sont importantes.
Christine, habitante de Chagny
Christine insiste également sur l’importance de se rendre dans les urnes. Cette habitante de Chagny vient de fêter ses 60 ans. Elle accepte de répondre à nos questions alors qu’elle vient de retirer quelques billets au distributeur de La Poste.
"Je crois beaucoup en la politique localement. Je crois surtout en la personne qui va nous représenter. Je crois que c’est très important. C’est encore une liberté que l’on a de pouvoir nous exprimer dans les urnes", souffle-t-elle alors que derrière nous, des affiches invitent à faire de Jean-Luc Mélenchon le prochain Premier ministre. Au sol, on retrouve des tracts de Marine Le Pen, visiblement abandonnés par les habitants.
Pourtant, lors de la présidentielle, la candidate RN est arrivée en tête au premier et au second tour à Chagny (31,95 puis 52,64 % des voix). C’est d’ailleurs elle qui avait imposé le pouvoir d’achat comme le thème central de la campagne. Arrivé en troisième position dans la commune, Jean-Luc Mélenchon avait obtenu 19,44 % des suffrages, soit 2,5 points de moins qu’au niveau national.
Au Creusot, la question du pouvoir d'achat également au centre des débats
Au Creusot, autre ville de cette troisième circonscription, c’est Emmanuel Macron qui a terminé premier des deux tours (26,95 puis 56,84 % des votes). Mais si dans la ville au riche patrimoine industriel on ne vote pas comme à Chagny, les préoccupations semblent les mêmes. Le pouvoir d’achat est en effet au centre des discussions. D’après l’INSEE, 12,1 % de la population du secteur vit en-dessous du seuil de pauvreté en 2019, contre 14,5 % en France métropolitaine.
Monique évoque sa situation personnelle. Elle touche actuellement une pension d’État et le RSA après avoir travaillé pendant huit ans à la Poste. "Je sors de quatre mois et demi de stage et j’ai trouvé une formation qui commencera dans trois mois à Tours. J’ai du mal, je n’y arrive pas. Sur le pouvoir d’achat, il faut qu’ils baissent les prix sinon on ne va pas y arriver. On va droit dans le mur".
Dans quelques semaines, cette habitante du Creusot partira en Angleterre. Pour pouvoir voyager, elle a fait le choix d’une compagnie et de modes de transport low cost. "Je fais des économies sur ça !", s’amuse celle qui augmenterait le RSA si elle était députée. Mais malgré ses difficultés, Monique n’ira pas voter. Elle ne sait pas quels sont les candidats dans sa circonscription. "Je préfère les élections plus importantes. Pour moi, c’était plus important le duel Macron – Le Pen".
Pour David par contre, il est hors de question de manquer une seule élection. Le jeune homme de 36 ans sait déjà pour qui il votera le 12 juin prochain. "Toutes les élections m’intéressent, je n’en rate pas une ! C’est important de voter". Si selon lui aucun thème ne ressort particulièrement de cette campagne, le père de famille se dit confronté également à la question du pouvoir d’achat.
Payer ses factures ou organiser une sortie pour ses enfants, ce sont des choix qu’on ne devrait pas avoir à faire.
David, habitant du Creusot
"Je suis impacté comme tout le monde. C’est notre quotidien. On le voit tout de suite sur le compte en banque. Et on doit faire des choix. Est-ce qu’on privilégie les loisirs plutôt que les choses essentielles. On mange, on paye les factures, où est-ce qu’on s’autorise à organiser une sortie pour ses enfants ? C’est dommage de devoir faire ces choix-là", dénonce celui qui vit à Blanzy mais travaille au Creusot, tout en concédant qu’il n’a pas encore de choix "drastiques" à faire.
S’il était élu député, le jeune homme organiserait un audit avec pour but de réduire les inégalités et la fracture sociale. "Il faut qu’on soit dans le tous ensemble et pas chacun de son côté. On est en train de tous s’éloigner, on le voit à vue d’œil", conclut-il.
Mais au cours de nos pérégrinations en terre creusotine, Claudie, une habitante de la commune se démarque. "On parle de pouvoir d’achat, ça m’énerve ! Je trouve que c’est égoïste, il y a d’autres sujets plus importants. Tout le monde pense à son petit confort", lance-t-elle. "Il y a des gens en difficulté qui ne se plaignent pas. Ce sont souvent les nantis qui se plaignent le plus. J’ai vécu dans des pays très pauvres où les gens se battent et restent heureux quand même".
Claudie, si elle explique suivre l’élection de très loin et se sentir "en dehors de tout ça", se rendra dans l’isoloir le 12 juin prochain. "Je me laisse un peu flotter, je ne suis pas convaincue mais j’irai voter avec mon mari".
Pour aller plus loin, retrouvez dans cette infographie les propositions de LREM, du RN, des Républicains et de la NUPES pour augmenter le pouvoir d'achat.
► Les élections législatives ont lieu les 12 et 19 juin prochains. Dans la troisième circonscription de Saône-et-Loire, les électeurs pourront choisir entre huit candidats. Le député sortant est Rémy Rebeyrotte (LREM).