Dans ce bourg, une dizaine de spécialistes... mais un seul médecin généraliste pour 4000 familles

Le village de Saint-Gengoux-le-National, en Saône-et-Loire, est face à un paradoxe. Il dispose de trois dentistes, d'un cardiologue, d'un neuropsychologue, d'un podologue, d'un ostéopathe, de kinés, d'infirmières... Mais depuis la fin 2022, il n'y a plus qu'un seul médecin généraliste.

"Il s'excuse, mais il n'a pas le temps de vous répondre." Au bout du fil, la secrétaire du docteur Clerc, que nous avons tenté de joindre pour ce reportage. Il faut dire que le médecin a du travail, surtout depuis la fin 2022 : il est désormais le seul généraliste de Saint-Gengoux-le-National, village d'un peu plus de 1000 habitants à 30 minutes du Creusot et 40 minutes de Mâcon et Chalon-sur-Saône.

En décembre dernier, les deux autres généralistes de la commune sont partis. L'un a rejoint l'hôpital de Mâcon. L'autre, le docteur Bruno Gilbert, a pris sa retraite. À 71 ans, il se repose désormais, "tranquille" dans son pigeonnier. "J'ai fait cinq ans de plus que prévu, parce que personne ne voulait prendre la suite et je continuais d'espérer, mais je voyais bien que les jeunes n'étaient pas intéressés pour s'installer ici", nous explique le désormais ex-médecin.

"J'avais 3000 patients, ils venaient de tout le canton. Je les ai prévenus un an à l'avance que je partais. Malheureusement, ils sont à la rue maintenant."

Bruno Gilbert

ancien généraliste

De fait, le départ des deux médecins a laissé bien plus que les 1100 habitants de Saint-Gengoux-le-National sur le carreau : "On dessert un large bassin de vie", détaille le maire Didier Bordet. "Historiquement, c'est un centre-bourg qui draine toute une activité économique, éducative, sociale." Au total, la patientèle du canton s'élève à quelque 4000 familles.

"Comme si on n'avait pas internet ou l'eau courante !"

Est-ce là un nouvel exemple criant de la désertification médicale ? Non, répond le maire. "Je n'aime pas qu'on parle de désert. On a l'impression que c'est un coin perdu, comme si on avait pas internet ou l'eau courante !"

Or, il y a de la vie à Saint-Gengoux-le-National. Une quarantaine d'associations, des commerces, une bibliothèque, un théâtre, 27 familles qui se sont installées dans la commune l'année dernière. Et surtout, une bonne dizaine de médecins spécialistes et d'autres professionnels de santé.

"On a un cabinet avec trois jeunes dentistes, un cardiologue arrivé en avril, un orthophoniste depuis juillet, un neuropsychologue depuis septembre, un podologue, une pharmacie qui a été reprise l'an dernier, un laboratoire d'analyses médicales qui a rouvert en fin d'année, des kinés, des infirmières, de l'ostéopathie, des sage-femmes..."

Didier Bordet

maire de Saint-Gengoux-le-National

En 2019, le bourg a inauguré son pôle santé, qui regroupe aujourd'hui une partie de ces professionnels. "Certains ont des patients qui viennent de toute la Saône-et-Loire", assure le maire. En mai prochain, une permanence hebdomadaire de soins psychiatriques viendra enrichir cette offre.

Le territoire manque de visibilité

Pourquoi alors la commune n'arrive-t-elle pas à remplacer ses deux généralistes ? Il y a d'abord un contexte national, estime Didier Bordet. "Le nombre de généralistes est en chute libre avec des médecins vieillissants, qui sont nombreux à partir à la retraite, et peu de monde pour les remplacer. La réforme du numerus clausus ne produira ses effets qu'en 2030."

Mais surtout, le territoire manque de notoriété, selon l'élu.

"On a tout ici ! Mais on n'est pas connu. La Saône-et-Loire n'est pas bien identifiée, et encore moins Saint-Gengoux."

Didier Bordet

maire de Saint-Gengoux-le-National

"Ici, il y a une vie, et il faut que les gens le découvrent", insiste le maire. "Je pense que si les aspirants médecins viennent voir le bourg, ils seront séduits. Il y a des possibilités d'emplois pour leurs conjoints, ils peuvent habiter au Creusot, à Mâcon, ou à Chalon s'ils ne veulent pas résider sur place." Encore faut-il qu'ils viennent.

Pour cela, la mairie voudrait faire venir des internes en stage de médecine générale, afin qu'ils aient une première approche de la région. Mais pour encadrer un interne, il faut un médecin en poste... "Le docteur Clerc voulait le faire en 2019, mais le covid est arrivé et il n'y a pas eu de session de formation", se souvient Didier Bordet. 

"La configuration est étonnante"

La commune est donc en train de chercher une solution, avec l'aide du département de Saône-et-Loire. En attendant de trouver des médecins, elle regarde les possibilités de téléconsultation. Mais d'ici là, les patients doivent faire avec - ou plutôt sans. "Les urgences et les affections lourdes sont bien sûr traitées, par notre médecin, nos spécialistes ou les médecins des alentours comme à Buxy ou Cormatin."

"On ne laisse pas errer les malades sans rien. Mais en médecine courante, il y a un vrai manque."

Didier Bordet

maire de Saint-Gengoux-le-National

Certains se déplacent jusqu'à Chalon-sur-Saône, au Creusot ou à Salornay-sur-Guye (qui dispose de trois médecins). "Mais c'est du dépannage. Et certains habitants, parce qu'ils sont âgés ou handicapés, ne peuvent pas faire 25 km de voiture", se désole Didier Bordet.

En outre, le maire rappelle aussi que si les patients vont voir un médecin autre que leur médecin traitant, "ils ne sont pas remboursés pareil et ils ne peuvent pas se voir prescrire tous les médicaments. Donc, ce fonctionnement coûte aux gens". 

À Saint-Gengoux-le-National, "la configuration est étonnante", admet le maire. Un paradoxe, entre les nombreux spécialistes fraîchement installés et cette absence de généralistes qui pèse sur toute la population du village et des alentours. Pour réfléchir à une solution, ce vendredi 17 mars, un collectif d'habitants organise une conférence-débat sur l'accès aux soins de demain, au foyer rural de Saint-Gengoux. 

► ET AUSSI : Déserts médicaux, urgences saturées… notre santé est-elle à bout de souffle ? Les enquêtes de région de France 3 Bourgogne 

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