Fermeture de magasins Casino : la fin des hypermarchés ? : "Un modèle qui répond moins aux attentes des consommateurs"

21 magasins Casino ferment définitivement ce lundi 30 septembre. Plus que la fin d'une marque, il s'agit de la fin du modèle des hypermarchés en France. Jean-François Notebaert, maître de conférences à l'IAE de Dijon et responsable du parcours Master DistriSup Management analyse la situation.

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Cette fois, c'est vraiment la fin pour 21 supermarchés et hypermarchés Casino. Faute de repreneurs, ces enseignes baissent le rideau ce lundi 30 septembre. Définitivement. Si ces fermetures reflètent la chute du groupe Casino, elle sont aussi le témoin de la fin d'un modèle : celui des hypermarchés.

Entretien avec Jean-François Notebaert, professeur et maître de conférences à l'IAE (Institut d'administration des entreprises) de l'université de Bourgogne de Dijon et responsable du parcours Master DistriSup Management.

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Comment peut-on analyser la chute du groupe Casino ? 

Jean-François Notebaert : Le plus difficile pour eux, ça a été sur les supers et les hypermarchés Casino qui font partie du commerce intégré, autrement dit les magasins gérés par des directeurs et non par des gérants, comme ça va être le cas pour Leclerc ou Intermarché. Ils ont connu beaucoup de difficultés qui, à mon avis, découlent d’une mauvaise stratégie.

Dans les années 2010 ils ont choisi de fortement baisser les prix. Ils ont énormément rogné sur leur marge. Cette stratégie ne s’est pas avérée payante parce qu’ils n’ont pas gagné de clients. Et ils ont à nouveau réaugmenté leurs prix. Il y a eu une stratégie commerciale qui n’a pas été comprise de la part des consommateurs, c’est la première chose.

La deuxième c’est qu’ils étaient sur un parc de magasins assez vieillissants, avec peu de moyens pour rénover ces magasins. Et le troisième problème concernait les équipes dans les magasins. Comme ils fonctionnaient moins bien, il y avait moins de personnel. Tout ça a abouti à la catastrophe qu’on a vécue : une vente d’un peu plus de 400 magasins hypers et supers.

Est-ce que cet exemple de Casino s’inscrit dans la fin d’un certain modèle de la grande distribution ? 

J-F. N. : C’est vrai surtout pour les hypers. Casino s’est développé dans les années 60 avec des formats de grands hypermarchés avec Carrefour, Auchan et Cora en France, et des magasins entre 8 000 et 18 000 m2. Autant ce modèle a été gagnant dans les années 60, 70, 80, autant aujourd’hui c’est un modèle qui répond beaucoup moins aux attentes des consommateurs.

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Il y a un nombre de produits très conséquents, ce sont des magasins qui sont très grands, on passe beaucoup de temps pour faire ses courses, on doit parfois aussi s’éloigner beaucoup du domicile. Il y a une sociologie qui est différente, les familles sont moins nombreuses. Et il y a une concurrence qui est arrivée avec les plus petites surfaces, soit des plus petits hypermarchés développés par des enseignes comme Intermarché, Hyper U ou Leclerc.

Mais aussi par les discounters comme Lidl, qui eux aussi viennent grignoter des parts de marché. On n’a pas connu un effondrement de ces hypermarchés, mais on a connu un émiettement de leurs parts de marché. Cet émiettement a abouti à ce que des enseignes comme Casino, c’est-à-dire les plus fragiles, finissent par disparaître. Comme Cora qui a été racheté par Carrefour.

Sur les très grands hypermarchés en France il n’y a plus que deux acteurs : Carrefour et Auchan. Pour comparer, les surfaces moyennes de Carrefour et Auchan sont respectivement de 9 000 m2 et 10 000 m2 contre un petit peu plus de 5 000 m2 pour Leclerc par exemple.

Cette dernière taille convient bien aux attentes des consommateurs en termes de prix, de variétés alimentaires et non alimentaires et en fonction des zones géographiques dans lesquelles ils sont situés. Couplé à des Lidl, ça devient très difficile pour les gros hypermarchés. Pour le non alimentaire aussi, la concurrence s’est développée avec les grandes surfaces spécialisées et les ventes sur internet.

À quelles autres évolutions peut-on s’attendre pour le secteur de la grande distribution ?  

J-F. N.: Aujourd’hui, on est plutôt sur une restructuration. On avait certainement encore trop d’acteurs sur le marché français, bien que ça se restructure depuis maintenant plus de 20 ans. Il y avait encore trop d’acteurs et de concurrence sur le marché. Les plus faibles, entre guillemets, ceux qui ont eu la moins bonne stratégie, sont tombés.

On peut prendre l’exemple du Casino de Chenôve. Cet hypermarché ça fait 20 ans qu’il ne fonctionne pas bien et qu'il n’a cessé de péricliter. Il risque d'entraîner dans sa chute très certainement l’ensemble des magasins qui sont dans la galerie marchande.

Jean-François Notebaert

maître de conférences à l'IAE de Dijon

En termes de restructuration, on est plutôt sur des regroupements aujourd’hui. Par exemple, on a eu dernièrement Casino, Intermarché et Auchan qui se sont regroupés sur une centrale d’achat européenne. Les plus forts sont en train de racheter ceux qui ont eu la moins bonne stratégie.

Après Cora et Casino qui étaient les plus faibles restants, ça ne devrait pas trop bouger dans les années à venir. Par contre, ils vont continuer à se battre pour avoir les mètres carrés et le maillage territorial le plus important. Cette restructuration a eu lieu avant dans le hard discount et aujourd’hui elle arrive dans un milieu plus traditionnel. À mon avis, en France la restructuration est faite. Peut-être qu’un acteur étranger va venir racheter un groupe français, c’est possible.  

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Ce qu’il faut rappeler, c’est que sur 400 magasins il y en a seulement 20 qui n’ont pas trouvé de repreneur. On voit que continuer à gagner du mètre carré est une stratégie payante pour les grands distributeurs. C’est aussi à mettre en relation avec la loi climat et résilience qui a été votée en 2021, parce qu’il va être impossible d’installer des surfaces commerciales sur des terres non bâties, cela afin de protéger la biodiversité. Donc en rachetant des enseignes comme Casino, il est possible pour Auchan et Intermarché d’étendre leur maillage territorial en restant dans les clous. Il y a cet enjeu-là à prendre en compte dès maintenant et pour les années à venir. 

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