Depuis les intempéries du 21 juin dans la région du Charolais-Brionnais autour de Paray-le-Monial et Vitry-en-Charolais, les particuliers sinistrés font face à de nombreux problèmes pour les réparations de toitures, dont l'évacuation des débris et matériaux amiantés.
"C'étaient des grêlons gros comme des balles de tennis !" se rappelle Valérie Boulet. La toiture de sa maison avait été criblée d'impacts par l'orage de grêle.
"On a choisi de désamianter nous-mêmes"
Valérie Boulet habite à Vitry-en-Charolais. Le 21 juin, la tempête de grêle a endommagé sévèrement le toit de son pavillon, nécessitant une réfection complète : "C'était une toiture amiantée, on aurait dû faire désamianter le toit et la prise en charge des déchets devait être faite par une entreprise spécialisée avec un agrément. Le préfet a autorisé les particuliers à pouvoir désamianter eux-mêmes. Avec notre assurance, nous étions couverts pour le risque amiante, donc on était tout à fait rassurés. Quand l'expert est venu, il nous a dit que c'était pris en charge à hauteur de 8 000 euros. Ce qui est ridicule !"
La prise en charge de l'assurance pèse peu face aux devis de désamiantage de la toiture.
"Rien que pour l'évacuation des déchets du toit, on en était à 40 000 euros, sans la toiture neuve. 20 000 euros pour l'amiante et 20 000 euros pour toute l'isolation du toit qui doit être déblayée car elle considérée comme amiantée. On n'a pas les moyens du tout de payer tout ça, donc on a choisi de désamianter nous-mêmes."
Valérie Boulet
L'autre problème soulevé par Valérie, c'est que les matériaux ne peuvent pas être évacués : "Je m'étais renseignée en amont auprès de la communauté de communes, pour nous prêter une benne et pouvoir emmener les matériaux à la déchetterie. On nous a répondu que les déchetteries ont un quota d'amiante par habitant. Ce quota a été doublé dans le mois qui a suivi la tempête (jusqu'au 21 juillet), là il est revenu comme avant. Donc ils ne peuvent pas accepter le tonnage d'un toit. Ça représente 6 à 7 mètres cubes de tuiles amiantées."
Des travaux qui peuvent tourner au dépôt sauvage de matériaux, ce que Valérie refuse de faire : "On m'a rapporté que des gens avaient enfoui de l'amiante dans le sol au fond de leur jardin, ce qui est interdit. Là, notre toit est bâché, le couvreur va réparer la semaine prochaine et on a les tuiles d'amiante dans le jardin sur des bâches. On a acheté des sacs à gravats, on a va mettre les tuiles là-dedans et on va attendre."
L'amiante, un "poison" dont on a du mal à se défaire
C'est devant le nombre d'habitants qui sont confrontés à ce problème sur les communes de Vitry-en-Charolais, Digoin et Paray-le-Monial que la Caper (Comité Amiante Prévenir et Réparer) Bourgogne a été sollicitée.
Le président de l'association, Jean-François Borde, a écrit au préfet il y a quelques jours pour alerter les services de l'État sur les difficultés que rencontrent les victimes des intempéries à se défaire de leurs déchets amiantés : l'association souligne "un coût exorbitant pas toujours pris en charge" pour les victimes d'intempéries, afin de désamianter leur toiture mais aussi le problème des déchetteries qui "refusent les déchets au motif que cela représente un trop gros volume et dépasse les quantités autorisées."
Sur la zone Vitry-en-Charolais - Saint-Léger-lès-Paray (au nord de Paray) de nombreuses habitations ont été touchées par la tempête de grêle, mais surtout ce sont de nombreuses toitures avec des matériaux amiantés qui sont à refaire. L'usine Eternit de Vitry-en-Charolais n'est qu'à que quelques centaines de mètres des habitations sinistrées. Jean-François Borde explique qu'"il y a tous les anciens d'Eternit qui ont des toitures en amiante-ciment, une imitation d'ardoise qui se posait de la même façon que les ardoises naturelles."
Devant la recrudescence de "dépôts sauvages dans la nature (bois, entrées de champs...) ou d'enfouissement sur leur terrain", la Caper en appelle à "la responsabilité des pouvoirs publics d'accompagner ses administrés" et pour que "des mesures soient prises, face à cette situation exceptionnelle et aux besoins exceptionnels qui en découlent, une solution et une prise en charge exceptionnelle soient décidés."
Ci-dessous, une image juste après les intempéries, en juin 2022 :
Les artisans du secteur à la peine
Dans le secteur autour Paray-le-Monial, tous les artisans-couvreurs sont débordés. Non seulement ils doivent faire face aux sollicitations multiples pour les réparations et remises en état de toiture, mais aussi, ils sont confrontés à une difficulté d'approvisionnement en matériaux.
"On n'arrive pas à répondre à tout le monde, et on a des délais qui s'allongent." nous a confirmé Thomas Clément, de la société Vernisse Sarl. "On a plus d'un an de travaux. Là par exemple, on ne peut pas répondre à des travaux avant juillet 2023."
"On a une pénurie de matériaux et le fait qu'il y a beaucoup trop de travail ! On ne trouve personne pour agrandir les équipes. Il y a aussi un souci de main d'œuvre !" déplore le chef d'entreprise.
Dans le cas spécifique des toitures endommagées présentant des matériaux amiantés : "On fait intervenir des professionnels de l'amiante, qui vont défaire la toiture avant nous, et on va intervenir après." Le surcoût peut parfois faire doubler le prix de renouvellement de la toiture : "Pour le particulier, pour un pavillon, on est vite entre 10 et 15 000 euros de désamiantage uniquement."
Thomas Clément explique la gravité des dégâts qu'il doit réparer.
"Tout ce qui était ardoise en fibro-ciment, il y a des maisons qui sont à ciel ouvert ! Des maisons qui avaient déjà quelques années, on s'est retrouvés à mettre des bâches sur des toits qui n'avaient plus rien !"
Thomas Clément
Le couvreur confirme la violence des intempéries : "Même sur les tuiles classiques, il y a des toits où c'est passé à travers la sous-toiture, le plafond et c'est descendu dans la maison. Il y a des plafonds qui sont descendus. Il y a des gens qui vont être hébergés pendant un an au moins."
Concernant la pénurie de matériaux, "ce sont essentiellement les tuiles qui nous viennent à manquer", précise Thomas Clément. "L'augmentation du prix du gaz pourrait intervenir, d'après les fabricants, ils ne pourraient produire assez car la demande est énorme, mais c'est surtout de la spéculation qui fait monter les prix."
L'artisan doit déjà réajuster ses devis à la hausse : "On a déjà bien augmenté, on est déjà à plus de 40% de hausse depuis le début de l'année sur le prix de la tuile. Au début, on pensait qu'on allait encore prendre 15% de hausse au mois de janvier, et là, ils sont en train de nous annoncer que ça va plutôt être 25 ou 30 %. Sur ce qu'on a déjà chiffré pour la grêle, avec ça, on ne va même pas être dans les clous !"