Et si la maladie du bois noir menaçait les vignes bourguignonnes ? Cette affection se retrouve dans 98% des prélèvements analysés en 2021. Pour l'heure, aucun traitement n'a été trouvé contre cette maladie.
La maladie du bois noir est une affection sournoise qui avance dans l’ombre de la flavescence dorée. Leurs symptômes sont identiques et seul un test PCR en laboratoire permet de les différencier. Cet hiver, le verdict est sans appel : sur 3281 échantillons foliaires prélevés et analysés en cas de jaunisse, 132 ressortent positifs à la flavescence dorée... et 3198 au bois noir.
98% des prélèvements sont positifs à la maladie des bois noirs !
Héloïse Mahé, pôle technique du bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB)
"C'est énorme et inattendu, ajoute Héloïse Mahé, manifestement préoccupée. Cela suscite de nombreuses interrogations car, jusqu'à présent, ce n'était pas une maladie considérée comme épidémique."
Les vignobles champenois et alsacien sont également très touchés.
Une maladie mal nommée et mal connue
Le "bois noir" semble avancer masqué.
"La maladie porte très mal son nom, explique Héloïse Mahé. Elle se caractérise essentiellement par une jaunissement des feuilles pour les cépages blancs, un rougissement pour les Rouges, un enroulement des feuilles vers l’intérieur et un défaut d’aoûtement des bois."
Ce sont exactement les mêmes symptômes que la flavescence dorée, ce qui rend son identification difficile.
Autre point commun : c'est aussi une infection bactérienne. La maladie du bois noir est causée par un phytoplasme, une bactérie de la classe des mollicutes. Il est transporté par un insecte-vecteur, la cicadelle, nommé Hyalesthes obsoletus, dont les piqûres provoquent les dégâts.
Cet insecte grandit à l’état larvaire dans les racines des liserons des champs et des orties dioïques, où il acquiert la bactérie responsable de la maladie. Il poursuit ensuite son développement dans les vignes en les contaminant et en causant souvent la mort du pied.
Quel impact sur le vignoble ?
Gérald Talmard est viticulteur à Uchizy, dans le Mâconnais. Les villages alentours sont touchés par la maladie du bois noir depuis 2016. Comme c'est également dans une zone de flavescence dorée, un arrêté préfectoral rend l'arrachage obligatoire dès qu'il y a des symptômes de jaunisse.
"Il est impossible de faire un test en laboratoire pour tous les pieds. Cela coûterait trop cher et serait infaisable techniquement", explique le viticulteur résigné.
Flavescence dorée ou bois noir, impossible de savoir ! Mais nous arrachons près de 200 pieds de vignes par hectare chaque année.
Gérald Talmard, viticulteur à Uchizy (71)
Sur son domaine de 32 hectares, cela représente environ "5% de manque à gagner en termes de production".
Le viticulteur a des parcelles à Uchizy, Plottes, Fages-lès-Mâcon et Chardonnay. Dans ces villages, les campagnes de prospection collective de 2021 ont permis de détecter 123 cas de bois noirs et 15 de flavescence dorée sur 126 prélèvements.
Ces résultats inquiètent Héloïse Mahé : "Nous connaissons mal cette maladie et son développement nous laisse à penser qu'il y a peut-être un autre insecte vecteur."
Quel traitement ?
Pour l'heure, aucun traitement n'a été trouvé pour la maladie des bois noirs.
Les traitements insecticides semblent inefficaces car la cicadelle Hyalesthes obsoletus ne vit pas uniquement sur les vignes.
Le traitement à l’eau chaude des bois et plants, utilisé dans le cadre de la lutte contre la flavescence dorée est utilisé sur les jeunes plants avant la livraison aux viticulteurs. "C'est même une obligation légale, renchérit Héloïse Mahé mais, vu le développement exponentiel de la maladie du bois noir, nous craignons qu'il ne soit pas aussi efficace que ce que nous pensions."
La meilleure prévention consiste à désherber les abords des rangs et faisant disparaître liseron et ortie car c’est souvent sur les parcelles à l'abandon ou en lisière de friches que la maladie se développe.
Toujours de la flavescence
Pour les viticulteurs comme pour les techniciens du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne, un nouveau défi se fait jour : organiser conjointement la lutte contre la maladie des bois noirs et contre la flavescence dorée.
D'après les prélèvements de 2021, la flavescence dorée est toujours présente dans 39 communes avec une prédominance dans le Mâconnais-Nord, le Beaujolais et quelques cas isolés en Côte d’Or (Beaune, Corgoloin, Gilly-lès-Citeaux, Prémeaux-Prissey et Villars-Fontaine). L'Yonne et la Nièvre sont épargnés.
La flavescence dorée est retrouvée dans 4% des prélèvements effectués. C'est mieux que l'an dernier (7% ) mais cela reste préoccupant car c'est une maladie épidémique.
Héloïse Mahé, coordination du pôle technique du BIVB
Pour Gérald Talmard, installée depuis 1997, la coexistence des deux maladies est très frustrante : "Les deux maladies sont tout aussi menaçantes pour mon activité puisque je suis obligé d'arracher. Si on connaissait mieux la maladie des bois noirs, je pourrais peut-être laisser les pieds deux à trois ans de plus, les traiter."
Héloïse Mahé partage cet avis car la maladie évolue parfois vers une rémission. Avec ses collègues champenois et alsaciens, elle compte lancer un programme de recherche sur la maladie des bois noirs courant 2022. Le BIVB, le comité interprofessionnel des vins d'Alsace, le Comité Champagne, l'institut de la vigne et du vin et l'inrae vont déposer leur candidature à l'appel à projets national dans le cadre du plan de lutte contre le dépérissement du vignoble.