Les cas de "burn out" ou épuisement professionnel se multiplient chez les agriculteurs. En Saône-et-Loire, la Chambre d'agriculture a lancé une enquête sur ce sujet qui prend des proportions inquiétantes.
Le métier a changé et la pression est quotidienne
Ne pas compter ses heures, enchaîner les tâches du matin au soir sans dimanches, avec peu ou pas de vacances… Le métier d'agriculteur a toujours été prenant et lourd de conséquences pour la vie de famille.
Il l'est devenu plus encore avec la baisse des revenus dans certaines filières, l'endettement et la multiplication des formalités administratives.
Pour certains, l'épuisement professionnel, qui peut conduire à la dépression ou au suicide, guette.
En Saône-et-Loire, la Chambre d'agriculture a lancé une étude sur trois ans pour mesurer l'ampleur du phénomène.
Les premières réponses aux questionnaires sur internet sont inquiétantes : plus de 35 % des agriculteurs seraient en détresse physique et morale.
Qui sont les agriculteurs les plus stressés ?
Entre le 22 novembre et le 22 décembre 2018, 406 agriculteurs ont répondu à l'enquête (sur 4 000 exploitants dans le département). Près de la moitié (46%) présentent un stress psychologique "élevé, voire très élevé". Par ailleurs, environ 34% des répondants présentent un "risque d'épuisement professionnel plus ou moins aigu", précise l'enquête rendue publique vendredi 22 février 2019.
Ce sont les éleveurs, et en particulier les éleveurs bovins viande, qui présentent un risque moyen d'épuisement professionnel "bien supérieur" à ceux des autres secteurs réunis. A l'inverse, le score moyen des viticulteurs dans ce département vigneron est le moins élevé.
Au final, 70% des répondants ont une vision plus ou moins négative de leur avenir, dont 21% très négative.
Quels sont les principaux facteurs de stress pour les agriculteurs ?
En 2019, 427 questionnaires ont été retournés par des agriculteurs du département. Le risque d'épuisement est toujours élevé. En effet, il apparaît que 35,1% des agriculteurs sont en risque de "burn-out". Le professeur Olivier Torrès, de l'université de Montpellier, se dit "stupéfait" par ce score, bien supérieur aux autres catégories de chefs d'entreprise (17,5%).L'évolution des marchés agricoles n'est pas toujours bien vécue par les agriculteurs. "Dès qu'un agriculteur est sur une forme de marché mondialisé, dont les prix ne sont pas négociés, il a le sentiment qu'il ne maîtrise plus son destin. Or, le sentiment de maîtriser son destin est bon pour la santé", explique le chercheur.
Par ailleurs, ils travaillent beaucoup : 77% sont à 50 heures et 21% dépassent 70 heures. Or, la surcharge de travail est l'un des déterminants de l'épuisement professionnel. Les agriculteurs rognent sur leur temps de sommeil et dorment moins pour travailler plus. "Alors que le Français moyen dort 7h04 par nuit, les agriculteurs sont entre 6h20 et 6h30, cela fait 150 à 200 heures de sommeil en moins à la fin de l'année", précise le chercheur.
Enfin, en tant que travailleurs indépendants, les agriculteurs engagent leur patrimoine propre pour pouvoir travailler. En cas de faillite "ils ont en plus le sentiment qu'ils liquident l'entreprise familiale, cela fait que quand ils liquident leur boîte, ils sont en danger suicidaire fort", ajoute Olivier Torrès.
En parler pour ne pas craquer
La Chambre d'agriculture de Saône-et-Loire a également mis en place l'accompagnement agri-solidarité, un "diagnostic technique, économique, financier et social de la situation et identification des pistes d'amélioration."
Il s'agit d'une aide personnalisée, qui peut être technique, économique, juridique... Avec des entretiens confidentiels et un suivi dans la durée.
A Montpont-en-Bresse, Stéphane Bernolin a préféré ne pas rester seul face à cette situation. Il témoigne.
Reportage en Saône-et-Loire de Romy Ho-A-Chuck, Anthony Borlot, Quentin Cezard et Cécilia Ngoc avec :
-Stéphane Bernolin, agriculteur
-Jean-Luc Desbrosses, secrétaire de la chambre d'agriculture de Saône-et-Loire
-Bernadette Simonin-Vacher, responsable du service d'action sociale MSA Bourgogne
Le Plan d’Action Sociale de la MSA
Autre action en cours, celle de la Mutualité sociale agricole, à travers son Plan d’Action Sociale. Il vise notamment à identifier les risques psychosociaux et à y remédier, notamment à travers les groupes de parole. Selon la MSA, "35 à 60 % des travailleurs agricoles évoquent des pressions psychosociales au travail."