Avec ses ressources en eau, la Franche-Comté est-elle prête à faire face aux prochaines sécheresses ?

La sécheresse 2018 a posé beaucoup de questions concernant notre ressource en eau, sa gestion et sa distribution. Des questions sur les quantités disponibles et leur préservation. L'avenir de l'eau est-il assuré ? Ou encore à construire avec un partage des ressources ? 

La réserve d'eau paraissait « sous contrôle » durant cette période d’une pluviométrie exceptionnellement basse. Mais elle sembe atteindre ses limites dans divers endroits de la région comme dans une partie du Jura, la région de Montbéliard ou dans plusieurs secteurs du Haut-Doubs où les alertes se sont succédées.

De l’eau dont le débit permanent et de bonne qualité, semble couler de source lorsque l’on ouvre le robinet. En réalité : le résultat d’une infrastructure et d’une organisation conséquente et complexe qui révèle bien des failles une année de grande sécheresse comme cette année 2018. Le Doubs complètement  à sec sur des kilomètres ; des lacs, des torrents et des cascades devenus l’ombre d’eux-mêmes. Les images ont couru tout l’été dans les médias, et les conséquences sont nombreuses qui inquiètent les usagers et les élus. comme à Mathay (le principal réservoir d’eau potable du Nord Franche-Comté) dont l’usine est encore ce mois d’octobre sous la menace de ne plus réussir à jouer son rôle. « Du jamais vu » selon le maire Daniel Granjon.

Une pénurie qui n’est pas la première en Franche-Comté. 1976, puis 2003… Les mêmes carences, et les mêmes interrogations face au dérèglement climatique et aux menaces qui pèsent, de plus en plus en plus fortes, sur la pertinence et la pérennité de notre gestion de la ressource.

« Agences » ou « syndicats des eaux » se partagent cette maîtrise de la ressource en centaines de structures locales indépendantes et le plus souvent « difficilement » conciliables entre elles. De quoi rendre évidemment délicate la tâche de rationaliser la captation et la gestion de cette eau dans un souci d’équilibre et de partage équitable.

C’est d’ailleurs ce que la Cour des Comptes avait déjà formulé dans un rapport publié en 2015 préconisant « un regroupement des régies d’eau et d’assainissement, afin d’augmenter le service rendu en améliorant les performances dans un cadre territorial élargi ». La politique du « Chacun son eau » qui marque profondément la culture de cette organisation des eaux potables en France.
 


A Besançon, on joue l’interconnexion des réseaux


            Dans ce contexte, Besançon fait figure « d’exception » ou presque. C'est « le bon élève de la classe » si l’on en croit les recommandations des instances de l’environnement. Le fruit d’une réflexion menée à l’issue de la sécheresse de 2003, et qui s’était rapidement conclue par la mise en place d’une logique dite : de « l’interconnexion ».  En clair : la mise en réseau des captages et des réservoirs disséminés au travers des différentes entités communales ou intercommunales. Ce système de partage avait conduit à une collaboration inédite entre l’Agence de l’eau bisontine et le syndicat rural du Val de l’Ognon il y a 15 ans. Cet établissement poursuit depuis le développement de sa propre « interconnexion avec des communes de Haute-Saône et du Jura.

En tout : 37 communes sont dorénavant reliées à partir du Grand Besançon. À peu près 150 000 personnes profitant de 15 points de captage, dont le plus significatif à la source d’Arcier. La source est un « monument » qui fait peau neuve cet automne après une campagne de mise en valeur du site qui sera bientôt rendu à la vue du public.  À terme, le projet  devrait regrouper l’intégralité des usagers compris dans le périmètre de la CAGB et même un peu plus. Soit un peu plus de 200 000 habitants.

Un programme « d’interconnexion », reconnu comme « un modèle » par le Grenelle de l’environnement, pour assurer la continuité de l’approvisionnement en eau potable de qualité en respectant mieux les contraintes du milieu naturel.

Mais politiquement : « pas si simple ! » selon Christophe Lime,le « Monsieur de l’eau bisontine », et plusieurs présidents d’établissements ruraux concernés. Une question d’intérêts divergents qui s’est amplifiée avec la promulgation de la loi NOTRe de 2015 portant sur la réforme de l’organisation territoriale (L’acte III de la Décentralisation). Une source de conflits sans fin entre les élus locaux, crispés par la définition de nouveaux périmètres jugés « incohérents » et « arbitraires ».


De nouvelles ressources à partager


« L’interconnexion » constituerait toutefois la bonne piste , voire « la seule » pour partager la ressource structurée déjà existante, mais qui selon cet hydrogéologue franc-comtois Jean-Pierre Mettetal, pourrait, ou plutôt « devrait  être complétée par une politique d’exploration systématique des sous-sols de la région. Des sols karstiques qui recèlent selon le spécialiste, encore beaucoup de richesses naturelles à découvrir. Un immense réseau de nappes souterraines profondes, dont il nous manque à ce jour une topographie exhaustive.

« Prenez par exemple, ce « Doubs » dont le lit ne présente plus qu’une terre sèche et craquelée depuis le mois de juillet, nous explique l’expert… Mais l’eau de la rivière n’a pas tout bonnement disparu un beau jour d’été comme par enchantement, comme le résultat d’une évaporation dans l’air caniculaire franc-comtois ! L’eau est toujours là ! Mais simplement en dessous ; circulant à des mètres et des mètres sous la surface, dans un labyrinthe de failles calcaires qui communiquent entre elles et les cours d’eau habituellement visibles à l’air libre… L’eau circulant en surface, c’est la partie visible de l’iceberg ; et j’affirme que l’essentiel est sous nos pieds.

 


Ce sont les spéléologues qui souvent nous aident à découvrir et à étudier cet incroyable enchevêtrement de cavités. Ils nous en apprennent beaucoup sur notre sous-sol. Ainsi, « la Loue », dont le niveau cet été, n’a paradoxalement pas énormément diminué contrairement à celui du « Doubs » ; semble être le résultat de ces modes de communication découverts sous nos pieds grâce à leur intervention. Un effet de vases communiquant ». Un patrimoine encore très largement méconnu des opérateurs et des responsables de l’eau en France, et une démarche scientifique, à laquelle l’état devrait contribuer en jouant pleinement son rôle selon cet ingénieur. Ce qui semble loin d’être le cas aujourd’hui.

L’état, plutôt enclin à poursuivre sa politique de prélèvement sur les recettes des agences de l’eau dans le cadre de la contribution nationale au remboursement de la Dette. Une manne de 200 millions par an, dont beaucoup préféreraient qu’elle soit réservée à l’investissement pour la préservation et le développement de la ressource.


 
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