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La famille d'une retraitée de 62 ans, décédée d'un infarctus malgré plusieurs appels au Samu, a porté plainte à Belfort pour "homicide involontaire". D'après plusieurs témoignages, le centre 15 de Besançon qui gère les appels pour toute la Franche-Comté serait debordé et en souffrance.
Edith Greffier, 62 ans, est morte d'un infarctus le 14 septembre 2019 au centre hospitalier de Trévenans, près de Belfort, alors que sa fille a contacté à plusieurs reprises le centre 15 pour obtenir des secours. Une plainte a été déposée pour "homicide involontaire". Depuis, les interrogations se portent sur les conditions de travail de ces professionnels de santé. En effet, une partie des salariés du centre 15 de Besançon est en grève depuis le 4 novembre pour dénoncer la détérioration de leurs conditions de travail. Nous avons contacté des agents de régulation, du personnel au CHU et des délégués syndicaux. Rares ont été ceux qui ont bien voulu nous répondre. Beaucoup craignent "des représailles" et "une chasse aux sorcières" : "On n'a pas le droit de parler à la presse", "On n'a aucune écoute de la direction"... disent-ils.
Un manque accru de personnel
En 2015, le centre de régulation du Samu Nord Franche-Comté, à Belfort, ferme ses portes et est transféré à Besançon. "Il devait y avoir des effectifs supplémentaires. Finalement, quatre personnes sont arrivées mais ce sont des managers. Ils ne décrochent pas le téléphone. À un moment, il faut qu'il y ait des mains", nous confie une source du CHU qui souhaite conserver l'anonymat. Selon un rapport interne, les semaines avoisinent plus de 50 heures et les agents multiplient les heures supplémentaires. Ces dernières n'ont pas été récupérées (150 à 200 heures au compteur). En 2018, le centre de Besançon comptait 7 médecins régulateurs et 52 assistants de régulation médicale qui prennent les appels.Egalement au cœur du problème : un logiciel canadien. Quand une personne contacte le 15, l'agent de régulation doit respecter un questionnaire "à tiroirs" : "Si une mamie de 90 ans appelle parce qu’elle a mal à la poitrine, il faut lui demander si elle se drogue. Autre exemple : si un enfant a de la fièvre, la question doit être : est-ce qu'il vomit du sang ? Toutes ces questions choquent, inquiètent. Et pour une fièvre, beaucoup de temps peut être perdu." Une autre source parle de "burn-out" dans le service. Certains agents réfléchiraient à un possible départ, faute de moyens humains supplémentaires.Si une mamie de 90 ans appelle parce qu’elle a mal à la poitrine, il faut lui demander si elle se drogue.
- Une source anonyme du CHU
"Il y a d'autres cas qui posent souci"
Nous avons contacté un ancien délégué syndical au CHU qui a souhaité, lui aussi, garder l'anonymat. Ce dernier confirme les témoignages qui nous avons pu recueillir : "Je suis parti il y a peu de temps de l'hôpital. Au centre 15, ils vivent l'enfer. Depuis que Belfort a été absorbé par Besançon, le service est en souffrance. Ils ont des appels qu'ils doivent réguler selon un protocole. Ils ne sont pas assez nombreux pour répondre à tous ces appels." Cet interlocuteur nous assure lui aussi que le personnel subit "des pressions pas possibles". A l'évocation du cas d'Edith Greffier, notre source affirme : "Il y a d'autres cas qui posent souci."Dans un audit interne en date d'août 2018 que nous nous sommes procurés, des experts reviennent largement sur les conditions de travail des personnels du pôle urgences du CHU de Besançon. "Le pôle urgences bisontin brûle-t-il aussi ?" s'interrogent les experts.La situation s'est-elle améliorée depuis la publication de ce rapport ? Contactée, la direction du CHU n'a pas encore réagi à notre sollicitation.