Témoignages. Coronavirus Covid-19 : "On aura besoin de repos nous aussi" les soignants se confient sur leur quotidien

Publié le Mis à jour le Écrit par A.M. avec S.L. et V.C.

L'épidémie de coronavirus n'a de cesse de progresser en France. Et ce, malgré les mesures du gouvernement. Les premiers "sur le front", ce sont tous les soignants. Ils appellent au secours face aux arrivées de plus en plus massives des patients.

Vous êtes soignant(e) : infirmier-ère, médecin, interne, aide-soignant(e). Vous voulez partager avec nous votre quotidien dans notre journal de bord ? N'hésitez pas à nous contacter via la messagerie privée de notre page Facebook ou par mail : internet.dijon@francetv.fr 

"J'ai l'impression d'être un soldat qu'on envoie au front sans arme..." lit-on sur la page Facebook du collectif InterUrgences Bourgogne-Franche-Comté. Face à la pandémie de coronavirus, le gouvernement a annoncé des déplacements limités et contrôlés pour tous les Français. Le virus se propage avec les déplacements humains, alors rester confinés permettra au minimum de réduire sa diffusion.

Qu'ils soient infirmiers, médecins, aide-soignants ou internes, ils n'ont qu'une crainte : l'engorgement des hôpitaux. Les patients arrivent de plus en plus nombreux. Les lits commencent à manquer, tout comme les appareils respiratoires. Le personnel lui, fatigue. 

Nous ferons notre travail parce que nous sommes dévoués et nous n’acceptons pas de laisser nos patients et nos collègues.


Mais à quoi ressemble le quotidien de ces soignants ?
 

Jour 3 - Mercredi 18 mars 2020


Paul*, infirmier de bloc opératoire

Dans les blocs opératoires, les moyens s'organisent, les interventions non urgentes sont déprogrammées. Dans les services d'urgence et de cancérologie. Les moyens humains (IBODE, infirmiers de bloc opératoire et les IADE, les infirmiers anesthésistes) sont orientés dans les services sous tension. Comme les urgences, la réanimation, les maladies infectieuses et la pneumologie.

La solidarité s'organise entre soignants mais nous avons peur de manquer de moyens matériels notamment des masques et de la solution hydro alcoolique. Nous vivons au jour le jour en attendant les nouvelles directives !

Jour 2 - Mardi 17 mars 2020

Camille*, aide-soignante de nuit dans un service de réanimation
 

Avant, on faisait une nuit de 20h45 à 6h45 avec deux jours de repos entre chaque nuit à l'hôpital. Aujourd'hui, on a un seul jour de repos entre nos postes et surtout, on est passé en 12 heures. Donc on commence à 19h15 et on finit à 7h15 le lendemain matin. Et ça, c'est à cause de l'augmentation de l'activité. On peut être amené à revenir sur nos jours de repos. Certaines infirmières du service font parfois 48 heures en une semaine. En fait, dans le service, il y a un tableau avec des jours "vides". Et chacun s'inscrit, pour faire des jours en plus. Je ne sais pas si elles seront payées en heures supplémentaires. Mais on revient sur nos jours de repos. Pour l'instant, ils ne nous obligent pas. On décide nous-même quand on revient. Pour l'instant.
Avant, les aide-soignantes, on était deux en 12 heures et 1 en 10 heures. Maintenant, on est en permanence 3 en 12 heures.

On passe beaucoup de temps à s'habiller et se déshabiller. Que le patient soit suspecté de coronavirus ou qu'il soit avéré, on doit toujours se protéger. En plus de notre tunique, on met une charlotte, une surblouse, un masque FFP2, des lunettes de protection et des gants. On s'habille dans un ordre précis. Quand on se déshabille aussi et on jette tout à la poubelle. On oublie pas de se lave les mains évidemment. 

En réanimation, on a l'habitude d'être dans le mouvement. C'est toujours aléatoire, on sait jamais de quoi les journées vont être faites. On soigne déjà beaucoup de pathologies. Alors le coronavirus, ça change pas beaucoup de choses pour nous. Sauf qu'on doit plus se protéger. 
Il y a beaucoup de réunions. Ils appellent ça "des staffs". C'est pour décider de l'organisation du service : quelles pathologies on prend chez nous, lesquelles on envoie ailleurs. Mais l'atmosphère est pas trop tendue. Enfin, ça dépend des collègues avec qui on travaille. Il y a des collègues qui sont plus stressés, forcément... Ils ont peur pour eux, peur de contaminer leurs proches.

Mais je dirais que c'est à l'extérieur qu'on panique le plus. L'autre jour, j'étais avec mon grand-père qui a des problèmes respiratoires et on prenait les transports en commun. Il a toussé et tout le monde l'a regardé. Tout le monde avait peur. Un autre jour, j'étais au loto et une personne s'est aussi mise à tousser. Directement les gens disaient qu'elle avait le coronavirus. Je suis presque plus rassurée sur mon lieu de travail.
Mon fils de 6 ans, lui, est vrraiment inquiet. Il sait que maman travaille à l'hôpital. Il a peur que je ne revienne pas, ou que je ramène le virus à la maison. Et il a peur. Au début, quand ils ont annoncé que l'école était suspendue, il était content. Mais depuis hier soir, depuis l'annonce du confinement total, il commence à stresser. Mais je le rassure comme je peux et je lui dis que je fais attention et que je vais toujours rentrer à la maison.

Pour l'instant on tient. Nos plannings changent beaucoup. Il n'y a pas de renforts. En fait, ce sont les infirmières d'autres services qui viennent nous aider. Mais c'est déshabiller Pierre pour habiller Jacques. Parce qu'une infirmière en plus chez nous, c'est une infirrmière en moins ailleurs. Donc pas de recrutements annoncés. Pas que je sache. Et on est plus nombreux et nombreuses dans le service parce qu'on revient sur nos jours de repos. Mais mes collègues sont fatigué(e)s. Moi ça va parce que je reviens tout juste. Mais je serai fatiguée aussi. Parce que déjà avant le coronavirus il nous manquait du personnel. On était déjà épuisé avant. Et là, on doit en faire plus, être encore plus présent. Sauf qu'on aura besoin de repos nous aussi.
 

Jour 1 - Lundi 16 mars 2020

Vincent*, infirmier aux urgences depuis 25 ans

On a vraiment la tête dans le guidon. C’est chaud, c’est vraiment chaud. On dénonce la situation depuis 1 an, mais je suis là pour ça. On est toujours pas assez nombreux, mais au fond de moi, je suis convaincu qu’on gère bien. Ça fait 10 jours qu’on gère. Je suis cuit. C’est de la fatigue et de la fierté. Il faut s’occuper des gens. On oublie les politiques. Il faut plutôt être fier.

On va pas compter nos heures. On est dedans. On y va ! C’est comme les soldats qui vont au front. La difficulté, c’est de gérer les urgences Covid-19 et les autres urgences qui sont toujours là. Ce qui est fatigant, c’est le protocole. Avant d’entrer en zone Covid, il faut s’habiller correctement, se déshabiller correctement. C’est la période la plus dangereuse. A chaque fois, la tenue, les protections, charlotte, lunette, masque FFP2, double gants. Ça demande de la concentration. On ne sait pas si les patients sont positifs. Mais c'est notre sécurité d'abord. 
Il faut toujours anticiper. Sinon on met en danger la sécurité. Si je suis contaminé, je menace ma famille, mes collègues et demain, il n’y a plus personne pour soigner les malades.

Cet après-midi, on a vu un patient qui risquait de tomber d’un brancard. Mais on ne pouvait pas intervenir sans s’habiller. Ca a pris 5 minutes.
Pour la suite, on verra au jour le jour, comme on le fait depuis 10 jours. On sait qu’on est qu’au début de la bataille.

 

Maxime*, ambulancier à Dijon 

On a encore du stock de masques FFP2. Mais le stock s'écoule assez vite. Ca va devenir de plus en plus compliqué pour nous et on va devoir utiliser des masques chirurgicaux. Et du coup on va se sentir moins protégés qu'avant. On a plus notre mot à dire et on est envoyé au casse-pipe. 


Des mesures, même à domicile


Le quotidien des aides à domicile a aussi évolué. Laura* est auxiliaire de vie à Montceau-les-Mines, en Saône-et-Loire. Elle intervient au domicile des personnes âgées pour une aide aux tâches quotidienne : aide à la toilette, aux courses, aux tâches ménagères. Mais depuis les mesures annoncées par le gouvernement, Laura a reçu de nouvelles consignes. 
Les interventions pour le ménage sont annulées. Les courses ne sont faites plus qu'une fois par semaine, et sans les bénéficiaires. L'auxiliaire part seule faire les courses. Les toilettes sont maintenues pour ceux qui le veulent, tout comme l'aide au repas, pour ceux qui n'ont personne d'autre pour les aider. 

Les auxiliaires doivent impérativement porter des masques et se laver rigoureusement les mains au domicile des personnes âgées, selon les consignes données, pour éviter tout risque de contamination. Rassurer les personnes âgées à leur domicile devient aussi une des missions des auxiliaires de vie : 

Les gens sont stressés, paniqués. Ils appellent pour annuler les interventions. Ce matin, une dame était surprise de me voir quand je suis arrivée chez elle.
 

Une inquiétude : trier les patients


François Thibaut, délégué à la CGT Santé au CHU de Dijon admet que les situations varient d'un établissement à un autre. Il y a toujours une inconnue : le lendemain. Les différentes mesures du gouvernement sont toujours très attendues même si François Thibaut le dit "on anticipe". Observer ce qu'il se passe dans les autres régions pour mieux gérer l'afflux de patients permet de "concentrer tous les moyens et d'envisager toutes les hypothèses." Toutes les capacités hospitalières sont utilisées à leur maximum. 

Le protocole est aujourd'hui strictement respecté par les équipes. Il faut éviter que le personnel soignant soit contaminé par le virus. 

Il y a aussi la crainte des "chaises musicales". Si les patients arrivent en trop grand nombre, les soignants alertent : ils devront choisir qui doit être soigné. Des décisions qui vont à l'encontre de l'éthique de tous les professionnels de santé. Mais des mesures qui devront être prises si les patients sont trop nombreux et les dispositifs insuffisants...

*Les prénoms ont été changés.

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