Ehpad de Valdoie : "Après le temps du deuil vient celui de rendre des comptes", les familles veulent une enquête

Un collectif d'une quarantaine de familles a écrit à l'Agence Régionale de Santé et au conseil départemental du Territoire de Belfort pour demander qu'une enquête soit menée au sein de La Rosemontoise, cet établissement où 30 résidents et une aide-soignante sont morts du coronavirus.

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Sébastien Lévêque fait partie des signataires du courrier rédigé le 15 mai. Un courrier où 42 familles écrivent au directeur de l'Agence Régionale de Santé de Bourgogne Franche-Comté, sa déléguée territoriale, et au président du Conseil départemental du Territoire de Belfort.


"Au nom de nos disparus, au nom de ceux qui restent"


"Au nom de nos disparus, au nom de ceux qui restent, au nom d'une équipe blessée qui a besoin de soutien pour retrouver confiance" écrit le collectif de famille. Ces familles endeuillées par la perte d'un résident souhaitent qu'une enquête soit menée sur ce qui s'est passé au sein de cet établissement pour personnes âgées.

Sébastien Lévêque a perdu son père décédé le 28 mars à l'Ehpad de la Rosemontoise. La façon dont on lui a annoncé le décès l’a révolté. Ce matin-là, lui qui habite dans le Jura reçoit un coup de téléphone de l'association Servir 90 qui gère alors l'établissement : « On m’a dit que mon père était tombé de son lit, et qu’il y avait des suspicions de Covid 19.  On me dit « faites vite, faut qu’on fasse venir les pompes funèbres. C’en est resté là, on ne m’a jamais rappelé. C’est le silence total. Samedi 28 mars, cette date, je l’ai en tête jusqu’à la fin de mes jours. Il n’y avait aucune empathie. Comment vous voulez vivre aujourd'hui avec ça ?» explique t-il par téléphone à France 3 Franche-Comté. Sébastien Lévêque a déposé plainte très rapidement dans le Jura, une plainte contre la direction générale de l’association Servir 90, responsable de l’établissement. Il espère que d'autres familles feront de même.
 


On se pose des questions sur ce qui s’est passé, on cherche des réponses


« On est parti pour aller devant les tribunaux. On se pose des questions sur ce qui s’est passé, on cherche des réponses, on est à même d’aller devant un tribunal pour avoir des réponses à tout ça. A un moment donné, il y a eu un silence total de la direction, on se pose de questions par rapport à tout ça » explique le Jurassien.

Dans le courrier envoyé à l'ARS et au département, les familles déplorent collectivement le manque d'humanité en début de crise sanitaire : 

"En mars, rien n'était mis en place pour nous informer de l'état de santé de nos parents, alors que d'autres établissements communiquaient presque quotidiennement avec les familles. Si bien que l'annonce des disparitions s'est faite dans certains cas de manière brutale et traumatisante... Nous apprenions par la presse l'hécatombe à la Rosemontoise... après le temps du deuil vient celui de rendre des comptes" écrit le collectif.


"Jusqu'à présent, les personnels ont tout simplement été invités à se taire"


Le 6 avril, alors que les décès s'enchaînaient, l’Ehpad la Rosemontoise a été placée sous administration provisoire. Une décision conjointe du conseil départemental du Territoire de Belfort et de l’agence régionale de santé.

"Quel est le rôle exact des administrateurs ? L'association gestionnaire Servir 90 qui s'est montrée sourde à tout dialogue sera -t-elle toujours en place ? La suspension des directions ne sera-t-elle qu'une suspension" s'interroge le collectif. Ils réclament écoute et humanisme dans cet établissement marqué par la mort d'une salariée. Patricia Boulak aide-soignante est morte du Covid-19 après des semaines d'hospitalisation. Elle avait selon sa soeur pris en charge une résidente infectée sans avoir de masque en début de crise sanitaire. Le collectif demande à ce que les personnels soient tous entendus. "Jusqu'à présent , ils ont tout simplement été invités à se taire" écrit le collectif. "C'est pourquoi une enquête sérieuse et indépendante sur la manière dont la crise à été gérée en mars par la direction nous semble indispensable. Enquête qui permette en privé le témoignage de tout le personnel pour qu'il puisse parler librement."
 

La plainte déposée par la maire de Valdoie contre x aurait été rejetée


A ce jour, deux plaintes sont déposées dans cette affaire de La Rosemontoise. Celle de Sébastien Lévêque déposée auprès du Procureur de la République du Jura.
Corinne Coudereau, maire de Valdoie a également déposé plainte début mai contre X dans le but d'obtenir l'ouverture d'une enquête judiciaire.
Contactée par France 3 Franche-Comté, l'élue affirme ce vendredi 22 mai que sa plainte a été classée sans suite par le parquet. Elle n'a pas eu d'explications, dit-elle. "C'est surtout une incompréhension pour ne pas dire plus, c'est légitime, on a plus de 30 décès dans cet établissement dont une aide-soigante, dont l'époux d'une salariée, il y a un bilan très lourd. Je ne comprends pas que la justice ne s'interroge pas sur les faits. Seule une enquête judiciaire peut apporter des réponses fiables, sans un certain étouffement de l'affaire" confie l'élue à notre équipe de reportage.
 


"J’ai envie qu’il y ait une justice, que ces gens là rendent justice pour mon père, pour tous ceux morts là bas"


Depuis le Jura, Sébastien Lévêque continue à se battre et à suivre la situation de cet Ehpad où au moins 30 résidents ont trouvé la mort depuis le début de l'épidémie de Covid-19.

Son père a été crématisé.  "Il y a une urne aux pompes funèbres de Delle, et je ne peux toujours pas aller la récupérer à cause des 100km. Je n'ai pas fait de deuil. Pour moi mon père est encore vivant....J’arrive difficilement à dormir, je me pose des questions, j’aimerais qu’on me dise la vérité. On ne peut pas faire un deuil comme ça. »


« Pourquoi madame Patricia Boulak est morte? » s'interroge-t-il en pensant à cette aide-soignante contaminée et qui a perdu la vie. « Avec les primes pour les soignants, on dirait qu’ils veulent éteindre le feu, mais les familles ne peuvent pas oublier. On doit les juger ces gens-là. » « J’ai une haine, j’ai envie qu’il y ait une justice, que ces gens-là rendent justice pour mon père, pour tous ceux morts là-bas, justement. On aurait pu, on aurait dû faire mieux" estime-t-il. Ce fils de résident veut continuer à se battre, pour son père, pour sa famille. Il espère que les personnels parleront eux aussi de leur mal-être, de ce qui s'est passé, comment la situation a été gérée par la direction de l'établissement. « On ne gagnera peut être pas au tribunal, mais leur faire prendre conscience de ce qu’ils ont fait est un but. Je ne lâcherai pas le morceau. »
 


 
 
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