Le juge d'instruction de Belfort menacé par une réforme de la justice arbitrée par les résultats électoraux LREM ?

Une note interne du Ministère de la Justice révélée par Le Canard Enchaîné indique que des postes de juge d'instruction pourraient disparaître en fonction des scores du parti présidentiel LREM aux prochaines élections. Parmi les postes de juge qui seraient menacés figure celui de Belfort. 

"Nous sommes dans une République bananière, c'est un déni de démocratie !" scande Damien Meslot.

Dans un communiqué le maire de Belfort Les Républicains réagit : "Il est inadmissible de vouloir discriminer les citoyens en fonction de leurs opinions ou de ce qu’ils pourraient voter. C’est la politisation manifeste de la Justice et une atteinte à son indépendance, pourtant fondements de la République et de la Démocratie".


L'objet de sa colère est à lire dans un article paru ce mercredi 23 octobre dans le journal satirique Le Canard Enchaîné.
L'hebdomadaire dévoile le contenu d'une note confidentielle adressée à Matignon par le ministère de la justice. Dans celle-ci on apprend que le poste de juge d’instruction du Territoire-de-Belfort serait menacé en raison des étiquettes des élus locaux. Avec un Député UDI, un Député et un Maire Les Républicains, Belfort figure parmi les villes qui pourraient perdre leur juge d'instruction après les élections municipales.

Belfort, mais aussi Arras, Albi, Montluçon, ou encore Carcassonne, une trentaine de villes françaises sont listées dans un tableau officieux dressé par la Chancellerie. Leur point commun ? Dans ces villes, les juges d'instruction traiteraient moins de 50 dossiers par an et seraient susceptibles de disparaître. Dans cet inventaire, à côté de chaque ville et son tribunal figure les scores d'Emmanuel Macron à l'élection présidentielle ainsi que ceux de son parti LREM aux dernières législatives. La liste est accompagnée des couleurs politiques des élus, députés et maires locaux.

A son tour, Ian Boucard, député (LR) du Territoire-de-Belfort a également commenté. « Les Terrifortains n’ont pas été sages, le Gouvernement souhaite donc les punir. L’attrait de la nouveauté et d’un mode de fonctionnement différent prônés dans le nouveau monde d’Emmanuel Macron apparaît désormais aux yeux des citoyens comme une simple illusion », écrit-il dans un communiqué.

Selon Damien Meslot, des parlementaires préparent une lettre pour demander des explications au gouvernement. "Avec le sénateur du Territoire-de-Belfort (LR) Cédric Perrin et le député (LR) Ian Boucard, nous ne nous laisserons pas faire" prévient l'édile qui ajoute "En 15 ans de fonction parlementaire je n'ai jamais vu cela !".

En 2009 déjà, sous le gouvernement de Nicolas Sarkozy, le projet de suppression du poste de juge d'instruction avait provoqué une levée de boucliers dans le monde judiciaire. Sa suppression avait été envisagée au profit d’enquêtes menées exclusivement par le parquet, qui resterait dépendant
du pouvoir exécutif.

"Une scandaleuse instrumentalisation du politique"

 

Contactée la juge d'instruction de Belfort n'a pas souhaité commenter.

Dans un communiqué, le syndicat majoritaire, l'Union Syndicale de la Magistrature fait part de sa consternation. L'USM "dénonce la main mise politique sur l'organisation de la justice, totalement inacceptable dans une démocratie digne de ce nom."
 


De son côté, le Syndicat de la Magistature a rédigé une lettre ouverte adressée à Nicole Belloubet, garde des sceaux, dans laquelle il réclame des explications. Le syndicat classé à gauche dit sa"stupéfaction" face à cette nouvelle organisation menée "en catimini et au mépris de l'indépendance de la justice". 
 


Le juge d'instruction voué à disparaître ? 


Le juge d’instruction est un magistrat du siège. Il est chargé des enquêtes judiciaires dans les affaires pénales les plus graves ou les plus complexes. Il possède une double mission : procéder en toute impartialité à la manifestation de la vérité et prendre certaines décisions juridictionnelles. 
Il a donc le pouvoir de mettre en examen toute personne suspectée d'avoir commis une infraction. Il peut aussi limiter la liberté de cet individu au cours de l'instruction. A la différence du Procureur de la République, ce juge neutre est indépendant du pouvoir exécutif. Son rôle est fondamental. 

Aujourd'hui, le Juge d'instruction intervient dans à peine 5 % des affaires.
"Cela fait 15 ans que je prédis à mes élèves que le Juge d'Instruction va disparaître" explique Muriel Guerrin, maître de conférence en Droit privé à l'Université Bourgogne-Franche-Comté. "Le Juge d'instruction va progressivement évolué et se transformer en un juge de l'enquête", précise-t-elle.

"Une réforme effectuée sur la base de critères objectifs" 



De son côté la ministre de la justice, qui ne dément pas l'existence de cette note confidentielle, se défend. Nicole Belloubet a réagi au micro de Sud Radio "Lorsque nous avons à mettre en place une réforme, (…) évidemment elle doit être effectuée sur la base de critères objectifs. Mais toute réforme doit être acceptée et elle doit faire l’objet d’une acceptabilité et dans ce cas là il est évident que nous nous appuyons également sur les élus pour expliquer, pour faire comprendre, c’est ce que veut dire cela (cette note)", a-t-elle expliqué.


 
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