"On les condamne à mort" : quand une intercommunalité se déchire autour du sort de deux étangs

Émotion dans un village du nord du Territoire de Belfort : deux étangs seront bientôt asséchés. Une pétition a été lancée. Le projet va pourtant dans le sens des recommandations environnementales.

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"Vous les voyez ?" C'est avec de l'émotion dans la voix, et une pointe de fierté, que Gérard Guyon montre les 530 signatures que son collectif a réuni : "la nature est en danger, et eux sont sensibles à ça".

Depuis plusieurs semaines, à Étueffont, le "Comité de défense des deux étangs" va de porte en porte pour mobiliser contre le projet de la communauté de communes : acheter et assécher deux retenues d'eau de ce petit village du nord du Territoire de Belfort. 

Situés juste à l'ouest du bourg, le long de la rue d'Eloie, ces deux étangs représentent "un lieu emblématique pour les gens du village" insiste Gérard Guyon. "Mon papa est venu apprendre à nager là" s'émeut le retraité. 'Et ils sont condamnés à mort !" s'étrangle-t-il. "On se sent un peu spoliés" soupire Claude Georgeot, lui aussi membre du comité.

Compenser la destruction d'une zone humide

Catalyseur de la colère pour le collectif, le motif de l'acquisition et de la suppression des deux étangs. Les raisons du projet : pour étendre une zone d'activités à Lachapelle-Sous-Rougemont, située à quelques kilomètres, la Communauté de Communes Vosges Sud (CCVS) s'apprête à détruire une zone humide. Et, légalement, elle doit compenser cette perte en en créant une nouvelle. La collectivité l'assure : l'opération est vertueuse.

Pour cette ZAC, on s'entoure de tous les acteurs de l'eau qui sont d'accord à l'unanimité pour dire qu'on va dans le bon sens.

Yann Flinker, chargé de mission Gemapi de la CCVS

"Il y a des zones humides de type et de qualité différente" indique Yann Finkler, chargé de mission Gemapi (Gestion des milieux aquatiques et préventions des inondations). "Ce sont des parcelles agricoles en fauche chaque année, avec une partie en maïs. Pour développer la biodiversité, ce n'est pas ce qu'il y a de mieux". 

"La loi nous impose de compenser sur le même bassin versant" poursuit Jean-Luc Anderhueber, président de la CCVS. "Et c'est par pur hasard que l'on a appris qu'il y avait un étang en vente depuis deux ans". Second hasard : c'est à ce moment-là que le deuxième étang, voisin du premier, a été mis en vente. Et techniquement, ces deux points d'eau ne sont pas des zones humides.

La CCVS entend donc les assécher pour les transformer en zones humides "officielles". Consultées, la Direction Départementale des Territoires (DDT), la fédération de pêche et l'OFB auraient été "unanimes" sur "l'intérêt pour la collectivité" du site. "Notre démarche est saluée" souligne Jean-Luc Anderhueber.

Des étangs en mauvais état

Ces deux étangs étaient jusqu'à présent des propriétés privées mais n'ont, comme beaucoup de sites de ce type, pas été suffisamment entretenus. "Non conformes" estampille Yann Finkler. "On a un vrai risque d'inondation" déroule le chargé de mission, "des ragondins ont fait des galeries dans les digues".

Or, non loin de là, "des habitations se trouvent à plus d'1,80 m sous le niveau de l'eau" assure Christian Canal, vice-président en charge de l'urbanisme. "Il faut assurer la protection des habitants". Pour la CCVS, une transformation en zone humide irait dans ce sens.

Si on revient 300 ou 400 ans en arrière, dans la vallée, on avait des cours d'eaux qui ont été dégradés. Et aujourd'hui avec le réchauffement climatique, on cherche des zones à restaurer.

Yann Flinker, chargé de mission Gemapi

Retrouver le cours d'eau

Les représentants de la CCVS tiennent à expliquer en quoi ces étangs, s'ils sont agréables pour les habitants, ne sont pas forcément des atouts pour la biodiversité. "Ce sont des ouvrages levés par des digues" commente Yann Finkler. "En faisant ça, on modifie la morphologie du cours d'eau, on modifie la chimie, on augmente la température en été", énumère-t-il. 

"Et il y a également tout ce qui est espèces exotiques envahissantes" poursuit le chargé de mission Gemapi. "Le ragondin, la perche soleil qui vient d'Amérique du Nord, le poisson-chat d'Amérique du Nord, qui concurrencent les espèces locales et détériorent le cours d'eau". 

On va travailler sur le projet pour redessiner les cours d'eaux. On va reméandrer une morphologie cohérente, on peut aussi imaginer des mares pour maximiser tout ce qui va être biodiversité.

Yann Flinker,

chargé de mission Gemapi

Concrètement, la collectivité compte d'abord vidanger peu à peu les deux étangs. Puis observer le retour du cours d'eau et élaborer des plans avec l'aide d'un bureau d'études. Un projet au long cours. "On va signer un engagement avec l'État sur 30 ans" précise Jean-Luc Anderhueber.

"On va même ramener d'autres espèces"

"On ne va pas importer ou exporter de terre" tempère Yann Finkler. Le sol des étangs, chargé en sédiments et en matières organiques, devrait particulièrement se prêter au projet, en se transformant au fil des années en éponge naturelle.

On ne détruit pas la biodiversité, on va même ramener d'autres espèces

Christian Canal, vice-président de la CCVS, en charge de l'urbanisme

Si les grandes lignes du projet sont tracées et approuvées par les acteurs institutionnels de l'eau, le reste du dossier est en cours d'élaboration. D'ailleurs, pour le moment, la communauté de communes n'a acheté qu'un des deux étangs et est en cours d'acquisition du second. Mais le président de la CCVS veut rassurer : "une collectivité ne peut pas faire tout et n'importe quoi".

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