Une "Journée sans écouteurs" pour baisser le volume et sensibiliser aux risques auditifs

En 2050, une personne sur quatre souffrira de problèmes auditifs, selon une étude de l'OMS. Des troubles qui sont parfois dûs à une utilisation toujours plus fréquente des écouteurs, pour la musique ou le télétravail. L'association JNA veut ainsi instauter une première "journée sans écouteurs". 

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Dans le bus, dans la rue, dans le lit. Pour se détendre ou s'endormir, regarder un film ou travailler. "Boom boom dans les oreilles", comme le chanterait Salut c'est cool. Les écouteurs font partie intégrante de nos vies, et pas seulement pour les adolescents et les fans de musique techno. 

Pour Juliette, étudiante de 23 ans à l'université de Franche-Comté, cet accessoire est devenu comme une extension de ses oreilles. Du matin au soir, parfois pendant plus de neuf heures d'affilée, elle écoute de la musique pour "se mettre dans sa bulle" et n'hésite pas à pousser le volume pour "apprécier les basses". Et elle n'est pas la seule. Huit Français sur dix de moins de 35 ans et plus de la moitié des 35-49 ans utiliseraient des écouteurs tous les jours, selon une enquête Ifop-JNA publiée en mars 2020

Une pratique qui s'est intensifiée avec la crise sanitaire et l'incitation au télétravail. Entre visioconférence et volonté d'être au calme, trois actifs sur cinq ont affirmé avoir utilisé des écouteurs et des casques audio pour travailler depuis chez eux, d'après une enquête d'octobre 2020 toujours réalisée par l'Ifop

Alors qu'utiliser des écouteurs peut nous paraître complètement anodin, l'association JNA (Journée nationale de l'audition) souhaite lancer la première "Journée sans écouteurs". À l'occasion de la Journée nationale de l'audition, le 11 mars 2021, elle veut alerter sur les dangers de ce mode d'écoute pour l'audition. 

D'ici trente ans, un personne sur quatre sera malentendante dans le monde

Mais pourquoi donc une journée sans écouteurs ? "L'oreille est hyper sollicitée au quotidien", explique Sébastien Leroy de l'association JNALa musique, la radio, les transports, la rue, le foyer... "Toutes ces expositions sonores forment un stress acoustique qui va engorger les cellules de l’oreille, continue-t-il. Cela va fatiguer le cerveau et produire plus de stress, de fatigue et des difficultés de concentration". Et peut aller jusqu'à altérer l'audition de façon irréversible.  

L'Organisation Mondiale de la Santé affirme d'ailleurs dans un nouveau rapport daté du 2 mars 2021 que, d'ici 2050, "près de 2,5 milliards de personnes dans le monde, soit une personne sur quatre, souffriront de problèmes d'audition". A noter que cette proportion prend aussi en compte des effets de maladies comme la rubéole et la méningite.

Concernant "l'exposition au bruit dans un cadre récréatif", comme la musique dans les écouteurs, l'OMS a publié en 2020 une autre étude où elle soutient que plus d'un milliard de jeunes de 12 à 35 ans "risquent une déficience auditive".

"Le temps d'exposition est un facteur fondamental à prendre en compte"

Outre le volume sonore, le "temps d'exposition est un facteur fondamental à prendre en compte", note Martin Prost. Cet audioprothésiste de Besançon ajoute : "C'est exponentiel : plus on augmente l'intensité, plus le temps d’exposition doit être minime". Pas question d'écouter l'intégrale du groupe de métal System of a Down ni même les concertos de Chopin, toute la journée au volume maximal de son téléphone, donc. 

Pour cause : afin de ne pas endommager l'oreille, il ne faut pas l'exposer plus de huit heures par jour à un bruit supérieur à 85 dBA, continue Martin Prost, se basant sur les normes en vigueur sur l'exposition au bruit sur le lieu de travail. Ce niveau sonore correspond à peu près aux bruits d'une circulation automobile dense, à un klaxon ou une tondeuse à gazon. Au dela de ce seuil, "il faut diviser par deux le temps d'exposition à chaque fois que l'on ajoute trois décibels", avertit l'audioprothésiste.

Ainsi, il ne faudrait pas écouter plus de deux heures un volume sonore supérieur à 91 dBA. Et lorsque celui atteint 94 dBA, ce n'est plus qu'une heure. Or, les réglementations européennes en vigueur imposent que "la puissance sonore maximale de sortie d'un baladeur musical ne peut excéder 100 dBA", rappelle le ministère de l'Economie. Et, à une puissance de 100 dBA, le seuil de dangerosité est atteint au bout de 15 minutes.  

L'audition, pas qu'une affaire de vieux

Si cela lui coûte de l'avouer, Juliette s'en rendue compte que son "utilisation abusive" d'écouteurs avait altéré son audition. "Depuis cinq ans environ, j'ai remarqué que j'entends moins bien, note-t-elle. S'il y a trop de bruit autour de moi, je vais avoir du mal à entendre mes interlocuteurs. Et parfois, lorsque j'écoute de la musique trop longtemps, j'ai des acouphènes dans l'oreille gauche. Au début, c'était ponctuel, mais cela peut m'arriver maintenant plusieurs fois par mois."   

De son côté, Sébastien Leroy qualifie même les acouphènes de "fléau du 21e siècle". Ils toucheraient d'ailleurs près d'un quart de la population française, selon un sondage Ipsos-JNA réalisé en 2014. Le membre de l'association JNA martèle : "la question de l'audition ne concerne pas les seniors, mais tout le monde !"

Martin Prost n'a pas encore "vu arriver" des jeunes le consulter pour des problèmes d'audition liés à l'utilisation d'écouteurs. Néanmoins, l'audioprothésiste bisontin réitère des avertissements : "Le problème de la surdité, c'est qu'on ne la sent pas arriver tout de suite. Les patients qui ont vingt ans aujourd'hui ne s'en soucient pas, mais vont le payer à quarante".  

Utiliser les écouteurs avec parcimonie, et détecter les signaux d'alerte

Lorsque l'on ne souffre pas d'acouphènes ou de gêne importante, il est parfois difficile de savoir à quel moment il faut s'inquiéter pour ses oreilles. D'autant plus que "nous n'avons pas l'habitude d'intégrer l'audition au quotidien, elle reste complètement absente du parcours de santé", déplore Sebastien Leroy.

Si, pour lui, le seul moyen de diagnostiquer son audition est d'établir un bilan complet chez un ORL, il donne deux exemples qui peuvent induire un problème. "Quand vous commencez à faire répéter vos interlocuteurs. Mais aussi quand, alors que d'ordinaire vous aimez échanger avec des personnes, vous n'arrivez plus à suivre et vous souhaitez que les conversations s'abrègent"

Une terrible question se pose alors... Doit-on alors définitivement bannir les écouteurs et les moments d'évasions musicaux ? "Nous ne demandons pas de passer une journée sans musique, rassure Sebastien Leroy, seulement de diversifier les modalités d'écoute en utilisant des enceintes par exemple. L'oreille est la même depuis le début de l'humanité. Ses mécanismes n'ont aucune capacité d'adaptation. Il faut donc lui laisser le temps de récupérer". 

Parfois plus facile à dire qu'à faire, pour certains. "Que ce soit dans les publicités ou les nouveaux produits toujours plus puissants, tout nous pousse à augmenter le volume, note Juliette. J’ai vraiment besoin de la musique. J'ai besoin d’être dans mon monde pour marcher ou pour travailler. Or, si je n'ai pas des écouteurs, ça ne marche pas."

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