Dans un entretien exclusif à France 3, l'avocate Me Grimaud, partie civile dans l’affaire du viol d’une enfant de 4 ans à Genlis, dénonce l’immobilisme de la justice. Elle est soutenue dans sa démarche par l'instituteur autrefois mis en cause, Eric Péclet, et son avocat.
Plus d’un an après le viol d’une fillette de 4 ans à Genlis et la mise hors de cause de son instituteur en novembre 2017, la juridiction de Dijon en charge du dossier est mise en cause par l’avocate Me Marie Grimaud, partie civile pour l’association Innocence en danger. Celle-ci vient de déposer une demande d’actes complémentaires auprès du juge d’instruction car elle estime que la fillette est toujours en danger.
Me Grimaud demande la désignation d’un administrateur ad hoc, pour cette fille et sa sœur, "pour protéger les intérêts de l’enfant". Il devra désigner un avocat différent de celui des parents. L’avocate demande également l’audition des parents de la victime en sa présence, ainsi que l’audition de la fillette et sa sœur.
Indices graves et concordants autour d'un proche
L’avocate d’Innocence en danger nous affirme qu’"il y a un faisceau d’indices graves et concordants [...] et cela depuis de nombreux mois." En janvier 2018, l’avocat de l’instituteur révélait que l’ADN retrouvé sur la culotte de l’enfant appartenait à "un proche de la famille".
Or, la fillette et ses parents sont toujours défendus par le même avocat: "il est incompréhensible de la part de ce confrère d’être à la fois l’avocat de ce suspect et l’avocat de l’enfant qui lui, est victime. […] Il y a un véritable conflit d’intérêts."
L’avocate poursuit : "Il y a un véritable déni dans ce dossier. Une mise en danger volontaire de la part du juge d’instruction, de cette petite fille qui est maintenue dans un milieu familial qui me semble toxique."
La victime "continue sûrement à être agressée"
Et il y a urgence, selon Marie Grimaud car la fillette "continue sûrement à être agressée, à être maltraitée". L’avocate s’appuie sur une deuxième expertise réalisée sur la fillette sept mois après le début de l’affaire. Cette expertise avait révélé la présence d’hématomes et de griffures sur tout le corps de l’enfant, ainsi que des érythèmes au niveau des parties génitales. "Il est grand temps d’arrêter l’autruche et de protéger cette petite fille parce que nous allons droit devant un drame", alerte Marie Grimaud.
Me Grimaud ne comprend pas, face aux éléments du dossier, que le proche de l’enfant ne soit pas mis en examen. "Cette petite fille est en danger et l’institution judiciaire alimente ce danger", dénonce-t-elle.
Soutien de l'instituteur et son avocat
En cas de non réponse à sa demande, l’avocate d’Innocence en danger saisira la chambre d’instruction de la cour d’appel de Dijon pour dessaisir le juge d’instruction et confier le dossier au président de la chambre de l’instruction.
Me Grimaud n'est pas seule à dénoncer l'inaction de la justice. L'instituteur autrefois mis en cause, Eric Péclet, et son avocat, Claude Llorente, s'alarment. Non seulement le dossier pour viol est toujours ouvert à son nom, mais il n'y a toujours pas de nouvelle mise en examen.
Joint par téléphone le procureur Eric Mathais nous indique que "la demande d'administrateur ad'hoc du 6 octobre n'a pas été rejetée mais est toujours à toujours a l'étude". Il précise qu'il conçoit que ce délai peut paraître long mais que cela s'explique en partie par une situation particulière à Dijon où il manque des juges d'instructions.
Une réponse qui ne peut satisfaire ni l'instituteur et ni les associations de défense de l'enfance.
L’instituteur envoie un courrier à la ministre de la Justice
Eric Péclet, l’instituteur soupçonné d’avoir violé la fillette avant d’être mis hors de cause en novembre 2017 s'adresse à la ministre de la Justice et au Défenseur des enfants, dans une lettre publiée dans Le Bien public.Lui aussi dénonce l’inertie de la justice dans cette affaire et la mise en danger de la fillette: "aucune information judiciaire n'est ouverte visant l'auteur du sperme mélangé au sang du viol, qui reste ainsi auprès de l’enfant."
Il s’interroge également sur le possible conflit d’intérêt avec la gendarmerie: "Ce très proche de l'enfant, à qui appartient le sperme, bénéficie-t-il d'une protection quelconque ? Je n'ose y croire. Et pourtant… les faits sont là."