Le Conseil d’État a ordonné lundi au gouvernement de lever l’interdiction générale et absolue de réunion dans les lieux de culte et de prendre des mesures moins strictes et plus proportionnées aux risques sanitaires. Une annonce acceuillie avec prudence par les communautés religieuses.
"La pire des choses serait de rouvrir trop vite, trop fort et d'être ensuite amené à refermer" déclarait le président Emmanuel Macron il y a quelques semaines.
Face à la pandémie de coronavirus, le gouvernement s'est toujours voulu très prudent afin d'éviter une seconde vague de contamination en France. Ainsi, Emmanuel Macron expliquait dans un premier temps ne pas souhaiter la réouverture des lieux de culte avant la fin de l'été.
Mais ce lundi, le Conseil d'Etat a ordonné au gouvernement de lever l'interdiction "générale et absolue" de réunion dans les lieux de culte, mis en place dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.
Atteinte à la liberté de culte
Saisie en référé par plusieurs associations et requérants individuels, la plus haute juridiction administrative a estimé dans une ordonnance que cette interdiction porte "une atteinte grave et manifestement illégale" à la liberté de culte et enjoint le gouvernement de la lever "dans un délai de huit jours"."Un caractère disproportionné"
Dans son ordonnance, le juge des référés observe que "des mesures d'encadrement moins strictes" peuvent être prises, à l'image de "la tolérance des rassemblements de moins de 10 personnes dans d'autres lieux ouverts au public", admise dans ce même décret, rapporte le Conseil d'Etat.Ma logique principale est de penser d'abord à l'urgence sanitaire - Mgr Hervé Giraud
Dans l'Yonne, face à ces annonces, les communautés religieuses accueillent cette nouvelle avec prudence et se préparent doucement à la réouverture de leur lieu de culte. L'archevêque de Sens et Auxerre, Monseigneur Hervé Giraud, reste dans l'incertitude. "Tant que le gouvernement n’a pas donné ses consignes précises, ma logique principale est de penser d’abord à l’urgence sanitaire. Nous sommes toujours dans une position de citoyen responsable pour la protection de la santé publique."
Une messe dans l'Yonne espérée le 25 mai
Le 7 mai dernier, le ministre de l'intérieur, Christophe Castaner a évoqué une reprise des cultes "d'ici la fin du mois", sans plus de précisions. L'épiscopat a donc fait ces dernières semaines au Premier ministre plusieurs propositions de déconfinement comportant des protocoles sanitaires stricts dans les églises, plaidant pour une reprise des offices religieux en petit comité notamment à la Pentecôte, le 31 mai.Monsiengeur Hervé Giraud se pose la question de savoir si "le gouvernement prendra en compte tout notre plan déconfinement pour les églises comme par exemple occuper 1/3 de l'espace, respecter les gestes barrières, proposer des gels et des masques, laisser les portes grandes ouvertes, etc. Je pense qu'on est prêt dès que le gouvernement nous dira des consignes plus précises."
Dès que ce sera possible, l'archevêque de Sens et Auxerre espère pouvoir dire une messe. "J'aimerais bien le faire à Sens le lundi 25 mai. Et j'aimerais aussi aller à Vézelay."
Monseigneur Giraud reconnait que beaucoup de paroissiens sont dans l'attente de ces rassemblements. "On a pu le constater lors des temps de prières libres que l'on a organisé le dimanche. On sentait que les gens étaient déjà heureux de pouvoir venir et ils attendent le moment plus communautaire, collectif. Il y a une très grande attente mais on ne veut pas précipiter les choses."Il y a une très grande attente mais on ne veut pas précipiter les choses - Mgr Hervé Giraud
Un sentiment partagé par Arnaud Montoux. Il est prêtre à la paroisse Saint-Germain d'Auxerre. "On est bien sûr désireux ni plus ni moins de retrouver les lieux qui sont importants et essentiels pour notre vie. Les chrétiens comme les musulmans comme les juifs ont besoin de se retrouver. Pour un chrétien, la messe est un lieu social important. On a tous besoin de se retrouver. Cela fait partie des grandes attentes."
Les autres religions appellent aussi à la prudence
Le Conseil régional du culte musulman (CFCM), Mostafa Kerki, estime aussi que "c'est une bonne chose pour les fidèles de retrouver leur lieu de prière en communauté mais il faut voir le nombre car dix personnes, c'est trop peu." Il préfère également rester prudent et ne veut pas brusquer les choses. "Dès lors que les fidèles sauront, cela va être difficile de gérer l'affluence dans les mosquées. Cela apporte une contrainte de gestion."Mostafa Kerki estime que si le risque sanitaire est manifeste, il faut encore patienter. "On a patienté plus de deux mois. On peut donc bien patienter encore quelques jours ou quelques semaines. On ne va pas mettre des vigiles à l'entrée des mosquées pour limiter les entrées".On ne va pas mettre des vigiles à l'entrée des mosquées - Mostafa Kerki
Même si le président régional du conseil du culte musulman reconnait qu'il y a aussi une très forte attente des fidèles. "Ce sont les derniers jours du ramadan. Ils ont vécu une période inhabituelle".
Les mosquées sont fermées depuis le début du confinement et les prières collectives nocturnes du ramadan, qui s'achève cette semaine, ne peuvent avoir lieu. La fête de l'Aïd, qui clôture le mois sacré, est prévue pour le 24 mai. "C'est une fête à laquelle tout le monde tient beaucoup mais nous tenons avant tout à la priorité sanitaire et à la préservation des vies."
Pas de risques inutiles
Même prudence du côté des instances du judaïsme en France. "On ne va pas se ruer pour rouvrir les synagogues, ce serait dangereux", affirme le grand rabbin de France Haïm Korsia. "L'impératif reste le même, celui de protéger la vie. On analysera seulement quand on aura des certitudes sanitaires. Et pour cela il faut attendre encore un peu pour juger des effets du déconfinement."Joint par téléphone, David Kahn partage le même point de vue. Il est président de la communauté juive dans l'Yonne. "Il faut prendre le temps. Il faut reprendre progressivement et ne pas prendre de risques inutiles."
Il reconnait cependant que cette période de confinement fut compliquée à vivre pour beaucoup de juifs notamment concernant l'interdiction de célébrer les funérailles et les grandes fêtes religieuses. "De ne pas pouvroir rendre un hommage au défunt, ne pas pouvoir célébrer un office, c'est très difficile. Les gens sont en manque de pouvoir aussi exercer leur religion et vivre leur foi. Et puis, il y a des grands moments de partage comme Pâques qui sont passés. On les passe généralement en famille. Ce sont des moments de communion importants."