Le chantier archéologique place du Maréchal-Leclerc à Auxerre bénéficie d'une prolongation de trois semaines. En cause : la découverte d'une nécropole d'une ampleur historique, jamais vue en France.
Le chantier aurait dû se terminer fin mai ; il est prolongé de trois semaines au vu de l'ampleur des découvertes. En plein centre-ville d'Auxerre, place du Maréchal-Leclerc, les archéologues de l'INRAP s'affairent depuis le début de l'année 2024 sur ce qui s'avère être un site majeur et inédit. Ils ont découvert une nécropole (un cimetière) gallo-romaine, où ont été enterrés des centaines de jeunes enfants pendant plusieurs siècles.
"C'est un site inédit à l'échelle nationale", confirme Carole Fossurier, archéologue-anthropologue à l'INRAP (institut de recherches archéologiques préventives). Inédit de par son ampleur, et la nature des découvertes qui y sont faites.
Une ampleur inédite : plus de 200 sépultures
D'abord, cette nécropole présente une ampleur rare. "On a pour l'instant une estimation de 200 à 250 tombes", explique Carole Fossurier. "On a jamais fait de découvertes à cette échelle." D'habitude, les archéologues travaillent sur des sites beaucoup plus réduits, "dont on ne peut voir qu'une infime partie".
Pour cette période précise, c'est la première fois que je vois autant de choses diversifiées et variées. Et je ne suis pas la seule : l'ensemble des collègues de la spécialité sont tout aussi étonnés quand je leur parle du site.
Carole FossurierINRAP
La présence d'un tel nombre de sépultures place du Maréchal-Leclerc est une mine d'or pour les chercheurs de l'INRAP, ajoute Carole Fossurier. "Chaque fois que l'on fouille une tombe, on a de nouvelles informations."
Dépôts de placenta et inhumation dans de l'écorce
"Chaque individu est enterré différemment, parce qu'à l'époque, ce sont les familles qui gèrent les sépultures", poursuit l'archéo-anthropologue Carole Fossurier.
"Donc vous avez des pratiques très particulières, par exemple des dépôts de placenta dans des poteries, des individus inhumés dans des tuiles et recouverts par une sorte de protection en morceaux de céramique ou d'amphores, d'autres individus déposés dans des morceaux d'écorce..." Des pratiques très variées, qui s'expliquent aussi par la longévité de cette nécropole.
Cinq niveaux de sépulture, sur 200 ans
Car le chantier auxerrois présente une particularité de taille, que l'on ne trouve nulle part ailleurs en France. "Il y a ici cinq niveaux de sépulture, allant du Ier au IIIe siècle. Or à la période gallo-romaine, on a presque jamais plus d'un niveau de sépulture. Donc, on a aussi l'occasion de regarder ce qu'il s'est passé dans le temps."
En plus de la nécropole, "ce chantier qui aura duré presque cinq mois aura permis d'en apprendre plus sur l'histoire générale d'Auxerre, et l'histoire plus locale du quartier de la tour de l'Horloge", ajoute Loïc Gaëtan, responsable scientifique de la fouille archéologique à l'INRAP.
Pour la première fois, les archéologues peuvent documenter le déplacement de la première agglomération d'Auxerre "qui était située boulevard Vaulabelle", jusqu'à l'actuel centre-ville "fondé à la fin du IIIe siècle de notre ère".
Des informations sur le passé de tout le quartier
Les archéologues ont en effet pu étudier le castrum, ce rempart construit pour encercler et protéger la ville au IVe siècle. "Contre ce castrum en intérieur de ville, les premiers bâtiments s'installent. Ensuite, à l'époque médiévale, l'urbanisation est croissante, donc elle va dépasser les limites de ce castrum. On voit les premières maisons s'installer à la fin de l'époque médiévale à l'extérieur du castrum", poursuit Loïc Gaëtan.
Plus tard, l'ensemble de ce quartier sud sera rasé pour installer la prison pour femmes dans les années 1820. Puis, tout sera à nouveau rasé, y compris le castrum, dans les années 1860, à l'emplacement de l'actuelle place du Maréchal-Leclerc.
Et maintenant ?
La fin, le 21 juin, du chantier archéologique ne marque pas pour autant la fin des recherches - loin de là, note Loïc Gaëtan. "Nous disposons d'environ deux ans pour étudier le matériel archéologique et rendre un rapport final de cette opération."
Tout le mobilier archéologique sorti de cette fouille sera d'abord lavé, avant d'être dispatché entre les spécialistes de chaque domaine : "Les anthropologues, la céramique, les archéozoologues qui travaillent avec la faune, etc. Ensuite, chacun rendra sa synthèse, et ce sera à moi de synthétiser le tout", conclut le responsable scientifique.
► Avec Baziz Djaouti et Louis Malléjac