Réfugié en France depuis 2015, Adnan Ali, a lancé son projet de restauration rapide le 1er octobre dans le quartier de la Madeleine à Joigny (Yonne). Mais il se retrouve privé du fonds de solidarité destiné aux professionnels en difficulté en cette période de pandémie.
Son cas est loin d'être isolé. Adnan Ali ne touche pas le fond de solidarité destiné aux professionnels en difficulté à cause de la pandémie. Le 1er octobre dernier, après plusieurs mois de préparation, il décide de lancer son projet de restauration rapide situé dans le quartier de la Madeleine à Joigny. "Malheureusement, après l'ouverture du projet quelques jours plus tard, le confinement a été imposé, ce qui a créé des difficultés pour commercialiser les repas que j'avais l'intention de servir aux clients", témoigne Adnan.
Le restaurant ayant ouvert le 1er octobre, il n'a pas de chiffre d'affaires à présenter aux impôts et, de fait, n'obtient aucune aide de l'Etat. "Je n'ai donc pas été inclus dans la décision d'indemniser les restaurants endommagés, puisque la décision ne concerne que ceux qui ont ouvert leur projet avant le 30 septembre."
En effet, selon les conditions d'attribution mises en place par le gouvernement, il n'est pas éligible au fonds de solidarité. Ce dispositif d'aide est aujourd'hui seulement ouvert aux entreprises "ayant débuté leur activité avant le 31 août 2020, pour les pertes de septembre 2020 ou le 30 septembre 2020 pour les pertes d’octobre 2020 et novembre 2020."
"C'est-à-dire une différence d'un jour depuis l'ouverture de mon restaurant", déplore le restaurateur. "J'ai déposé une réclamation aux impôts dans la ville de Sens et au tribunal de commerce, mais sans réponse positive."
J'ai beaucoup souffert au cours des derniers mois car j'ai dépensé toutes mes économies et emprunté à des amis pour démarrer le projet."
Aujourd'hui, Adnan paie environ 900 euros de charges fixes par mois notamment concernant le loyer. Même s'il continue à faire de la vente à emporter, son volume quotidien des ventes ne dépasse par les 15-20 euros par jour. "Il n'y a pas beaucoup de gens qui viennent durant cette période. Il y a parfois des lycéens mais quand il n'y a pas école, il n'y a personne."
S'il sait que son cas est loin d'être isolé, il en appelle à l'aide. "J'ai beaucoup souffert au cours des derniers mois car j'ai dépensé toutes mes économies et emprunté à des amis pour maintenir le projet," témoigne le restaurateur. "Depuis cinq mois, je paie le loyer du local et d'autres frais de mon propre compte, et de dettes, et je ne connais aucun moyen d’obtenir l’aide d’une autorité publique."
Réfugié en France depuis 2015
Adnan et sa famille ont déjà connu une vie très mouvementée. Nous les avions d'ailleurs suivi lors de leur arrivée en France en décembre 2015. Adnan est journaliste tout comme sa compagne. Depuis six ans, le couple a trouvé refuge sur les rives de l'Yonne après un périple interminable de quatre ans.
Je pense qu'il y a beaucoup de gens qui sont dans la même situation, et les autorités compétentes doivent se pencher sur ce genre d'affaire."
Ils avaient du quitter Damas en raison de leurs articles défavorables au régime de Bachar al-Assad. D'abord installés en Turquie, ils ont posé leurs valises à Joigny avec leurs deux enfants. Ils souhaitaient rebâtir leur vie en France, loin des tourments de la guerre, mais difficile pour eux de trouver un travail. "J'ai essayé de travailler ici en France, mais je n'ai pas réussi. J'ai travaillé par intermittence en écrivant des articles pour des journaux arabes qui sont à l'étranger" témoigne Adnan.
Il pensait réussir avec ce projet de restauration mais la situation et le confinement ont joué en sa défaveur. Adnan continue donc d'écrire des articles pour une agence de presse à l'étranger pour toucher un peu d'argent et compenser les pertes et le manque d'aides de l'Etat. "Mais cela ne va pas durer longtemps, car à un moment donné, il n'y aura plus d'argent".
Si aucune solution n'est trouvée, Adnan envisage de mettre la clé sous la porte. Il se laisse encore 1 à 2 mois maximum avant de prendre une décision définitive sur la fermeture de son restaurant. "Je pense qu'il y a beaucoup de gens qui sont dans la même situation, et les autorités compétentes doivent se pencher sur ce genre d'affaire."
Un mince espoir que la règlementation change
Contactées, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) comme l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih) nous ont fait part du mince espoir de voir les conditions d'attribution évoluer.
"On fait remonter des territoires tout un nombre de cas surtout avec de gros investissements car cela se complique pour beaucoup de personnes. On est écouté au Ministère de l'économie. Ils sont conscients du problème mais ils ne sont pas du tout pour un assouplissement de la règle", nous confie Emmanuelle Miredin, secrétaire Générale de la CPME de l'Yonne.
Eric Moutard, président de l'Umih 89, "n'a pas de remontées et ne pense pas que cela va avancer. Une grosse réunion est prévue le 18 mars prochain. On devrait en savoir plus à ce moment-là." Les restaurateurs comme Adnan vont donc devoir s'armer de patience avant de savoir si oui ou non ils pourront prochainement obtenir des aides de l'Etat et éviter ainsi de baisser le rideau de leurs établissements.