Trois femmes voilées, dont une salariée de l'établissement scolaire, se sont vu demander de quitter le collège Jean Bertin à Saint-Georges-sur-Baulche (Yonne), alors que celles-ci étaient venues présenter leur association à l'occasion d'une journée portes ouvertes, samedi 22 mars. L'inspection académique de l'Yonne prie le principal de l'établissement de s'excuser.
Tout commence par une anodine journée portes ouvertes au collège Jean Bertin de Saint-Georges-sur-Baulche, près d'Auxerre (Yonne).
L'association "l'Olivier", qui accompagne entre autres une dizaine de jeunes aux devoirs, dans quatre établissements scolaires de l'Auxerrois, vient présenter son action aux familles autour d'une vente de gâteaux.
Sa venue était annoncée, son inscription validée, et l'accueil opéré par la professeur d'anglais des plus chaleureux. L'association est d'ailleurs régulièrement présente sur ce genre d'événement sans qu'il n'y ait aucune polémique. Tout se passe bien jusqu'à l'intervention du principal de l'établissement, qui leur demande de quitter leur voile.
Nul n'est censé ignorer la loi, et encore moins le principal d'un établissement scolaire !
L'une des femmes de l'association "l'Olivier", priée de quitter le collège Jean Bertin.
Les trois femmes sont en effet voilées et interviennent dans un établissement laïc. La laïcité, rappelons-le, garantit entre autres la liberté de conscience et celle de manifester son appartenance religieuse, dans le respect de l'ordre public. En revanche, l'une d'entre elles est salariée de l'établissement public. Elle est "AESH" et accompagne dans sa scolarité un élève en situation de handicap.
Le principal du collège lui demande donc de se découvrir. Elle s'exécute. Il demande aussi aux deux autres femmes de quitter leur voile. Devant leur refus, argumenté, il leur intime l'ordre de quitter l'établissement, ajoutant qu'il est "catégorique". La scène se déroule devant les élèves, dont certains sont suivis régulièrement par ces femmes pour les accompagner jusqu'à leur brevet.
L'une de ces 3 femmes nous a confié à la fois "comprendre sa réaction" au vu des événements récents qui émaillent l'actualité, comme par exemple "le meurtre de Dominique Bernard, à Arras", ou encore celui de Samuel Paty. Elle nous explique avoir été blessée devant "les étiquettes injustifiées". Elle ajoute : "On est de tout cœur avec les professeurs, mais ce genre de réaction nous blesse. Le rejet blesse ! " Et de s'interroger sur "ce que doivent vivre nos enfants au quotidien".
La France Insoumise (LFI) réagit
Dans un communiqué, La France Insoumise dénonce "un acte raciste et islamophobe, sous prétexte de laïcité" et rappelle que "chaque année des associations viennent faire la promotion des établissements catholiques et ne sont pas refoulées pour autant".
Le chef de l'établissement prié par l'inspection académique de s'excuser... mais soutenu par le rectorat
Rapidement informée de l'évènement, l'inspection académique de l'Yonne, par l'intermédiaire de Jean-Baptiste Lepetz, son Directeur Académique des Services de l'Education Nationale (DASEN), a tenu à relativiser.
"Le principal a eu raison de demander à son employée de quitter son voile au motif qu'il ne faut pas qu'il y ait de collusion entre la fonction d'agent de l'Etat et l'appartenance religieuse de cette dame. Il n'y doit pas y avoir de confusion possible, ni aucune place à l'ambiguïté. Pour le reste, pour ce qui concerne les deux autres femmes, c'est une erreur. Il devra leur présenter ses excuses, à elles et à leur association."
Quand la situation emporte une complexité règlementaire, c'est toujours la décision qui préserve le plus la laïcité qui doit être privilégiée.
Pierre N'GahaneRecteur de l'académie de Dijon
De son côté, le recteur de l'académie Pierre N'Gahane a apporté son soutien au principal. "Le chef d'établissement a appliqué le principe de laïcité en prenant en considération les circonstances de l'espèce. Je le soutiens dans sa décision car quand la situation emporte une complexité réglementaire, c'est toujours la décision qui préserve le plus la laïcité qui doit être privilégiée."
Un rendez-vous entre les protagonistes va être fixé dans les prochains jours pour que le principal du collège Jean Bertin de Saint-Georges-sur-Baulche se prête à un exercice de "clarification", en rappelant les règles en vigueur et en présentant ses excuses aux intéressées.