Attentat dans un lycée d'Arras. "Nous sommes les gardiens de la République" : à Besançon, les professeurs ne veulent pas "reculer"

Lundi 16 octobre, une minute de silence a été observée dans tous les établissements scolaires français. Un hommage à deux victimes d'extrémistes islamistes : Dominique Bernard, enseignant assassiné à Arras le 13 octobre dernier, et Samuel Paty, tué il y a trois ans. Franck Monneur, professeur d'histoire-géographie à Besançon (Doubs) revient sur cette journée particulière.

Une journée d'hommages nationale. Lundi 16 octobre 2023, des centaines de rassemblements ont été organisés dans tout le pays en hommage à Dominique Bernard et Samuel Paty, professeurs de français et d'histoire-géographie assassinés il y a quatre jours (17/10/2023) pour l'un, et il y a trois ans pour l'autre (16/10/2020), devant les portes de leurs établissements scolaires par des extrémistes islamistes.

Dans le même temps, une minute de silence était observée dans tous les établissements scolaires de France pour célébrer la mémoire des deux enseignants. Un moment forcément particulier pour les professeurs, partagés entre la tristesse et l'effroi de voir un collègue attaqué dans l'exercice de ses fonctions, et le devoir de répondre aux questions d'élèves forcément choqués. Franck Monneur, professeur d'histoire-géographie à Besançon (Doubs) revient sur cette journée particulière, au micro de Guillaume Petit.

France 3 Franche-Comté : Décrivez-nous dans quel état d'esprit étiez-vous lundi 16 octobre, au matin, au moment de retrouver vos collègues et vos élèves ?

Franck Monneur : L'état d'esprit, l'ambiance étaient particulièrement lourdes. Mais en même temps, je crois que tout le monde avait besoin de se retrouver, de communier. Entre collègues, entre professeurs, mais aussi avec la direction des établissements. On avait besoin de ce temps d'échange. Ça a été l'occasion de discuter de tous ces maux, de ces drames, mais aussi de penser à des solutions pour l'avenir. Et bien sûr, l'interrogation la plus prégnante :  "comment parler de ce sujet avec nos élèves" ?

D'ailleurs, comment les élèves ont-ils abordé cette journée ? Quelles questions vous ont-ils posé ?

D'abord, on a eu beaucoup de questions. Cela a été mon cas, et je suis sûr que c'est la même chose pour les collègues. Des questions sur les motivations de ces actes dramatiques, surtout. Pourquoi il se passe des choses pareilles en France ? D'où ça vient ? Pourquoi Samuel Paty a-t-il été assassiné ? Pourquoi notre collègue d'Arras a été tué la semaine dernière ?

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À cela, on est obligé de répondre et d'apporter des réponses claires. On a eu des questions sur ce qu'est le djihadisme, ce qu'est l'islamisme. Quelle différence entre l'Islam et l'islamisme. Pourquoi la France est attaquée ? Donc là, on doit aller dans le cœur du sujet. C'est la République qui est attaquée, c'est l'école de la République. Ce sont nos valeurs, celles que nous inculquons au quotidien : l'esprit critique, la liberté de conscience, la liberté d'opinion, la culture, le savoir, la connaissance.

Ces drames poussent-ils inconsciemment certains professeurs à se censurer, à ne plus aborder certaines choses et certains thèmes. Y a-t-il eu une évolution depuis la mort de Samuel Paty ?

Il y a trois ans, c'est sûr que pour tout le monde, et en particulier les professeurs, ça a été un choc. Évidemment, le réflexe premier a été pour certains collègues de se mettre en retrait sur certains sujets. Ce qui n'est pas la solution. Mais on peut comprendre que dans certains établissements, il y ait beaucoup de difficultés à aborder certains sujets. C'est vraiment très dur pour certains collègues.

Après la mort de Samuel Paty, vous disiez sur notre antenne "Je n'ai pas peur. Avoir peur, ce serait reculer, on est là pour avancer". C'était il y a trois ans. Vous pensez la même chose aujourd'hui ?

Ce n'est jamais facile. On est toujours dans un état de choc, traumatisé par ce qui se passe. Mais une fois qu'on réfléchit un peu sur notre métier, on se dit qu'on n'a pas le droit de reculer. Nous n'avons pas le droit. D'une certaine façon, nous sommes les gardiens de la République, par les savoirs que l'on transmet. Reculer, ce serait se soumettre.

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