"On retourne 30 ans en arrière" : il ne reste plus qu'un seul rhumatologue dans l'Yonne

À Avallon, Jean-François Ramon, l'un des deux seuls rhumatologues de l'Yonne, a pris sa retraite le 31 octobre 2023. Sans successeur, il laisse derrière lui une population âgée, qui doit se rendre à l'autre bout du département pour continuer à être soignée.

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L'Yonne est le département de la région Bourgogne-Franche-Comté le plus touché par les déserts médicaux. Dernier exemple en date, la retraite de Jean-François Ramon, à Avallon. Il ne reste ainsi plus qu'un rhumatologue dans le département, à Gron, à côté de Sens.

Un réel problème quand on sait que la population du secteur d'Avallon est en grande partie âgée et que Gron est situé à presque une heure et demie de là. Notre équipe de reportage a rencontré le docteur Ramon quelques jours après sa retraite. Il s'inquiète de ne voir personne reprendre son activité de rhumatologie.

Vous avez pris votre retraite récemment... sans successeur ? 

Jean-François Ramon : "Non, il n'y a plus de rhumatologue au centre hospitalier d'Avallon. C'est-à-dire qu'on retourne 30 ans en arrière : quand je suis arrivé, il n'y avait pas de rhumatologue ici. Mais il y en avait dans l'Yonne ! Quatre à Auxerre, deux ou trois à Sens... Et au fur et à mesure des années ils ont tous pris leur retraite. Actuellement il n'y a plus de rhumatologues dans l'Yonne, sauf une à Sens."

Comment expliquez-vous le non-renouvellement des rhumatologues ? 

J-F. R. : "Ça suit un peu le mouvement du non-renouvellement des médecins en général. On a une carence de médecins quelle que soit la spécialité du fait que le numerus clausus est resté à peu près le même qu'il y a de nombreuses années déjà. Ils ont ouvert un petit peu les choses, mais très peu. Ce qui fait que le nombre de médecins continue à diminuer.

Quand j'ai commencé mes études dans les années 80, il y avait une sélection déjà assez notable. En deuxième année, ils en prenaient un sur quatre. Et dans les dix ans qui ont suivi, il y a une sélection encore plus drastique. Quand mes enfants ont passé leur concours de médecine, c'était un sur dix ! Forcément à partir du moment où on réduit la capacité en deuxième année, le nombre de médecins est en chute libre dix ans après."

Est-ce que l'Yonne est un désert médical ? 

J-F. R. : "C'en est un oui. Comme la Nièvre ou comme d'autres départements de France. Les jeunes médecins ont tendance à rester dans les grandes métropoles, Dijon en particulier, et ont du mal à venir dans nos petites régions. 

"Le fait d'obliger les médecins à venir travailler six mois ou un an, dans des régions désertiques, ça peut aider. Mais on s'aperçoit qu'après, ils ne restent pas."

Jean-François Ramon,

Rhumatologue à la retraite

Mais même si on répartit correctement les médecins, on s'aperçoit qu'il y a quand même une carence très importante. Le fait d'obliger les médecins à venir travailler six mois ou un an, dans des régions désertiques, ça peut aider. Mais on s'aperçoit qu'après, ils ne restent pas. Pour les généralistes, ceux qui restent dans la région sont originaires du coin."

Quelles conséquences sur la patientèle ? 

J-F. R. : "Elle est un peu désespérée. Si on parle de la médecine générale, actuellement sur l'Avallonnais, on a quatre médecins généralistes qui vont prendre leur retraite d'ici la fin de l'année pour une médecin généraliste qui est arrivée en septembre.

La population commence à se demander où elle va être soignée

Jean-François Ramon

Rhumatologue à la retraite

Et pour les soins de rhumatologie, je n'ai pas de successeur ici. Donc j'ai sollicité mes collègues dijonnais mais eux aussi sont en sous-effectif. Ils ne peuvent pas déléguer d'assistant partagé pour venir à Avallon, même à Auxerre. C'est quand même le chef-lieu du département ! C'est quand même fou de voir qu'on n'a plus de médecins spécialistes. Il y a toute une série de spécialités qui manque à la population. Et elle commence à s'en apercevoir, à se demander où elle va être soignée."

Comment vous sentez-vous de partir dans ces conditions ?

J-F. R. : "Je suis un peu aigri de partir sans être remplacé. Dans les dernières consultations que j'ai faites, j'étais obligé de prendre cinq à dix minutes à expliquer aux patients que je n'avais pas de successeur. Je leur ai expliqué où ils pouvaient aller pour se faire soigner en rhumatologie. Il y a des assistants de Dijon qui viennent consulter à Semur-en-Auxois mais ça s'est fait à la suite d'un départ d'un rhumatologue. Sur Auxerre, on peut s'orienter sur Troyes éventuellement. À Sens, Madame Plumet est débordée.

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Après, c'est Dijon. Mais ici, on s'adresse quand même à des populations âgées en grande majorité, donc des femmes âgées qui ne conduisent pas. Si elles ne peuvent pas bénéficier de transport, Dijon, c'est barré. On sait bien que les transports, ça coûte cher. Un aller-retour ici en VSL à Dijon, c'est 300 euros.

Donc si vous n'avez pas de moyens de transport personnel, vous n'y allez pas. Vous le faites une fois mais pas deux. On a une catégorie de population qui ne va plus se soigner."

Contacté, le CHU Dijon Bourgogne indique qu'un service de télé-rhumatologie existe. Dans l'Yonne, le dispositif est implanté depuis 2020. D'après le CHU, six établissements du département ont eu recours à ce dispositif depuis le début de l'année 2023.

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