Gel des embauches et des salaires, fuite des compétences : les salariés d'Areva craignent de faire les frais de la crise qui frappe le géant du nucléaire. C’est le cas notamment en Bourgogne, où le secteur représente plus de 10 000 emplois.
Pourquoi le groupe Areva est-il en mauvaise posture ?
En Bourgogne, le géant Areva possède plusieurs sites en Saône-et-Loire : Areva Creusot Forge, Areva Saint-Marcel, Areva Chalon-sur-Saône. C’est notamment dans l’usine de Chalon/Saint-Marcel qu’a été fabriquée la cuve du réacteur nucléaire de 3e génération EPR pour le site de Flamanville, dans la Manche.On a appris récemment que le chantier de Flamanville allait prendre un an de retard. Cette mauvaise nouvelle est venue s’ajouter à d’autres éléments inquiétants : la suspension des objectifs pour les deux années à venir, une chute de l'action Areva de plus de 15%, une dégradation de l'agence Standard and Poor's, etc.
En février 2015, le nouveau plan stratégique du groupe qui compte 45 000 salariés (dont près de 28 000 en France) devrait être présenté aux syndicats.
"La situation devient préoccupante, la dégradation continue. On craint la restructuration, on la sent venir", confie Jean-Pierre Bachmann, coordinateur CFDT pour l’ensemble du groupe Areva.
Pourquoi faire un changement de gouvernance "en pleine tempête" ?
"Cette situation n'est pas arrivée du jour au lendemain", observe Patrick Lescure, délégué central CGT, premier syndicat d'Areva. Il dénonce une stratégie "d'affichage économique immédiat dépourvue de vision sur le long terme" de la part de la filière et de l'Etat, actionnaire à 87%.Déjà fin 2011, Areva avait adopté un plan stratégique visant à faire un milliard d'économies annuelles d'ici 2015. Cela s'était traduit notamment en France par un gel des embauches entraînant le non-remplacement de 1 200 personnes et la suppression en Allemagne de plus de 1 200 emplois.
Outre ses problèmes financiers, Areva subit une crise de gouvernance après le départ de son président Luc Oursel pour cause de maladie. L'Etat a décidé d'appeler à la tête du groupe Philippe Varin, ex-PSA et de débarquer le président du conseil de surveillance, Pierre Blayau.
"Varin vient de l'automobile, mais dans le nucléaire, on ne ferme pas une usine comme ça. C'est difficilement transposable du jour au lendemain au Maroc ou en Espagne", observe Jean-Pierre Bachmann, en faisant allusion à l'importante restructuration du groupe automobile et en déplorant un changement de gouvernance "en pleine tempête".
Pour lui, "la question des effectifs sera posée. Question salaire, cela va être l'austérité et question conditions de travail, on va faire pression sur la productivité et le temps de travail".
Comment résoudre les problèmes d’Areva ?
"Ce n'est pas parce qu'on fera baisser un peu la masse salariale qu'on résoudra le problème", renchérit Patrick Lescure.Dans le nucléaire "c'est plus insidieux" qu'une simple fermeture d'usine, explique le délégué central CGT. "Comme les cycles sont longs, il suffit de ne pas investir dans une entreprise ou de ne pas renouveler le personnel pour que dans 3, 4, 5 ans, vous soyez obligé de fermer parce que vous ne savez plus faire", précise-t-il.
Par exemple, dit-il, "si l'usine de Saint-Marcel, en Saône-et-Loire, ne fait pas une cuve de réacteur dans les cinq à dix ans à venir, on ne saura plus faire de cuves de réacteurs. Les salariés qui ont ces compétences-là vont partir à la retraite".
Le syndicaliste redoute aussi une externalisation de toutes les fonctions qui ne sont pas "coeur du métier".
De son côté, la CFE-CGC évoque "des salariés en état d'alerte". Le syndicat a déjà pris rendez-vous le 12 décembre avec le cabinet du ministre de l'Économie, Emmanuel Macron.