L'enquête de la justice britannique conclut à un "accident de pêche" pour expliquer le naufrage du chalutier breton, le Bugaled Breizh, le 15 janvier 2004. Les cinq marins avaient trouvé la mort ce jour-là.
La justice britannique s'est rangée ce vendredi 5 novembre 2021 à la thèse de l'accident de pêche pour expliquer le naufrage du chalutier breton, le Bugaled Breizh, qui a fait cinq morts le 15 janvier 2004.
Pas de sous-marin en cause selon le juge britannique
Le juge Nigel Lickley écarte la thèse du sous-marin défendue par les familles des victimes. Cinq ans après le non-lieu définitif prononcé en France, les proches des victimes espéraient que les trois semaines d'audiences tenues en octobre à la Haute Cour de Londres permettraient de faire apparaître de nouveaux éléments susceptibles de relancer l'enquête.
Mais alors que la justice française n'avait pu trancher entre l'hypothèse d'un sous-marin et celle d'un accident de pêche, le juge Nigel Lickley s'est montré plus catégorique et a douché leurs espoirs. " Le chalutier a coulé en raison d'un accident de pêche", a-t-il tranché en rendant ses conclusions, ajoutant qu'aucun autre navire ne se trouvait à proximité.
La réaction de Thierry Le Métayer
A la sortie du tribunal, Thierry Le Métayer, fils du mécanicien du Bugaled Breizh a salué la procédure d'inquest (sans équivalent dans la justice française, l'inquest s'apparente à une enquête et non à un procès) : "Elle nous a donné l’occasion d’avoir une procédure validée, mal sans doute mais en tout cas qui tient debout. Je remercie aussi le juge qui a fait un gros travail d’explications, même si on n‘est pas d’accord sur les conclusions."
Sans surprise, Thierry Le Métayer rejette les conclusions du juge britannique, "qui se basent sur un seul rapport rédigé par dix militaires français deux ans après le naufrage."
Il n'y a aucun exemple au monde d'une croche molle qui a entraîné un naufrage.
Thierry Le Métayer
Ce rapport met en avant l'hypothèse d'une croche molle sur les fonds marins. "Il y a plein d'experts indépendants, dont l'IFREMER, qui vont tous dans le sens inverse pour dire que ce n'est pas une croche molle, s'insurge Thierry Le Métayer. Il n'y a aucun exemple au monde d'une croche molle qui a entraîné un naufrage." Et de rappeler que le navire de 24 mètres a coulé en 37 secondes.
Visiblement ému et fatigué, Thierry Le Métayer a évoqué d'autres zones d'ombre du dossier, comme l'émission d'un message radio depuis un sous-marin britannique, prouvant qu'il se trouvait à quelques encablures du Bugaled Breizh au moment du drame. Il a rappelé les traces de dioxyde de titane, utilisé dans les peintures de sous-marins, retrouvées sur les funes du chalutiers breton.
Dites-le maintenant. Montrez que vous êtes breton.
Thierry Le Métayer à l'adresse de Jean-Yves Le Drian
Enfin, Thierry Le Métayer a interpellé Jean-Yves Le Drian : "En 2012, un ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a déclaré 'Les Anglais n'ont pas tout dit.' Alors je lui dis 'dites-le maintenant. Montrez que vous êtes breton, français et que vous n'êtes pas là pour défendre des mensonges militaires.' "
"Je chavire, viens vite !"
Le bateau breton a sombré très rapidement le 15 janvier 2004 au large des Cornouailles (sud-ouest de l'Angleterre) où il pêchait dans des conditions météorologiques plutôt bonnes. Les cinq marins qui se trouvaient à bord avaient été emportés par le fond.
"Je chavire, viens vite !", avait lancé ce jour-là le patron du Bugaled Breizh, Yves Gloaguen, dans un appel de détresse à l'un de ses confrères à la mi-journée. A bord du chalutier, se trouvaient cinq marins expérimentés, "à cheval sur la sécurité", selon leurs proches.
Les corps de Georges Lemétayer et Eric Guillamet n'ont jamais été retrouvés
Des cinq victimes, seuls les corps de Patrick Gloaguen, Yves Gloaguen et Pascal Le Floch ont été retrouvés. Le premier dans l'épave lors de son renflouement, les deux autres dans les eaux britanniques.
C'est sur les décès d’Yves Gloaguen et de Pascal Le Floch, que se concentrait la procédure britannique. Georges Lemétayer et Eric Guillamet ont quant à eux été portés disparus en mer.
Exercices militaires
Malgré les espoirs des familles des victimes, l'hypothèse de l'accrochage avec un sous-marin militaire s'est éloignée au fil des auditions à Londres, au profit de celle défendue par un expert d'un accident de pêche dans lequel un équipement du navire aurait agrippé le fond.
La présence de trois sous-marins (le néerlandais Dolfijn, l'allemand U22 et le britannique Torbay) a été certifiée dans la zone, où se préparaient des exercices militaires. Mais les soupçons des familles se portent sur un autre sous-marin, le britannique Turbulent.
Nous étions à quai à Devonport
Andrew Coles
Devant la Haute Cour, la Marine néerlandaise et la Royal Navy ont exclu toute implication, la première affirmant que le Dolfijn naviguait en surface quand l'accident est survenu, la seconde que le Turbulent n'était pas en mer le jour du naufrage.
"Nous n'étions absolument pas impliqués. Nous étions à quai à Devonport (sud-ouest de l'Angleterre) le 15 janvier," a affirmé, lors d'un témoignage très attendu, le commandant d'alors du sous-marin britannique, Andrew Coles.
Quant à l'hypothèse de la présence d'un sous-marin allié non identifié dans le secteur des exercices, elle a été jugée "impensable" par le commandant Daniel Simmonds, un responsable des opérations sous-marines de la Royal Navy.
Quand la piste d'un sous-marin de l'US Navy avait été évoquée en 2016, les États-Unis l'avaient réfutée.