Callac. Pourquoi l'élue qui soutenait le projet d'accueil de migrants est-elle mise sur la touche

Au mois de janvier 2023, la municipalité de Callac, dans les Côtes-d'Armor, reculait face aux pressions de l'extrême-droite et abandonnait le projet Horizon, qui visait à accueillir et intégrer des migrants sur le territoire. Aujourd'hui, le maire vient de retirer ses délégations à l'adjointe qui soutenait le projet. Dans un débat sur Médiapart, elle lui reprochait personnellement d'avoir jeté l'éponge.

"Le maire a reculé face aux pressions fascistes, ce qui est une erreur impardonnable" déplorait Laure-Line Inderbetzin, adjointe au maire de Callac, dans un débat organisé, le 10 mai dernier, par Médiapart sur la haine ordinaire. Elle était invitée à témoigner en tant que victime de l'extrême-droite. Victime d'insultes, de menaces en tant qu'élue, porteuse d'un projet d'accueil de réfugiés dans la commune. Ce projet Horizon a été abandonné le 11 janvier 2023.

"Je ne peux pas laisser passer ce qu'elle a dit"

Des mots que le premier édile de la commune n'a pas accepté. "Elle m'accuse personnellement alors que cette décision a été prise à la majorité, se défend le maire Jean-Yves Rolland. Il y a eu vote et la majorité était bien là ! 8 pour l'arrêt du projet, 2 pour le poursuivre et 4 abstentions".

Ce que réfute l'adjointe : "Ça s'est passé le 21 novembre, c'était un sondage lors d'une réunion de travail de la majorité, mais la décision d'abandonner le projet n'a jamais été soumise aux voix. Il se cache derrière les autres. Et c'est bien en son nom propre qu'il a annoncé la décision. Et puis j'ai quand même le droit de penser qu'abandonner ce projet était une erreur,  s'emporte-t-elle. Aujourd'hui, si on n'est pas d'accord, on n'a plus le droit de le dire ?" 

À Lire aussi : Accueil de migrants à Callac. Le fonds de dotation Merci porte plainte pour "provocation à la haine"

Le maire a donc retiré toutes ses délégations à Laure-Line Inderbetzin, son adjointe en charge de la culture, de l'enfance, de la jeunesse et des affaires scolaires. "Et au prochain conseil municipal, le 1er juin, ajoute-t-il, on va probablement lui retirer son titre d'adjoint. Pourtant, c'est une adjointe compétente, intelligente et qui a fait de très belles choses, mais là, elle m'a accusé directement et je ne peux pas laisser passer ce qu'elle a dit. Si je ne prenais pas cette décision, c'est six démissions que j'aurais eues au sein du conseil." 

L'adjointe assure que si elle n'est plus adjointe, elle tient à rester au sein du conseil municipal, pour continuer à porter la parole d'un courant de pensée qui doit être représenté.

Les séquelles de l'abandon du projet Horizon  

Ce projet Horizon et son abandon aujourd'hui laissent donc de sérieuses séquelles dans la petite commune de 2.400 habitants. "Il a instauré la peur chez les habitants" rappelle le maire. Un climat de terreur, délétère et qui, désormais, se traduit par de profondes divisions au sein de la population.

À Lire aussi : Extrême droite. "L'État n’a jamais réagi et ne nous a jamais protégés". De Saint-Brévin à Callac, un écho particulier

"L'extrême-droite a marqué des points. Mais si j'avais laissé la situation aller jusqu'au bout, comme à Saint-Brévin, j'aurais sûrement dû démissionner, et des collègues avec moi, se justifie Jean-Yves Rolland. On serait tombés. Et là, l'extrême-droite aurait gagné, elle aurait pu s'installer à la mairie. La crainte qu'on avait en tant qu'élus, c'est qu'on arrive à un point de non-retour, où on aurait dû quitter le conseil municipal."

Un argument qui ne tient pas pour l'adjointe. "Ce risque était totalement inexistant, affirme-t-elle. Les militants d'extrême-droite, présents à Callac lors des manifestations d'opposition au projet Horizon, venaient pour l'essentiel de l'extérieur. L'extrême-droite à Callac, c'est vraiment une infime minorité." 

La concurrence de projets portés par l'État ?

Pour elle, le projet Horizon a été abandonné à la demande du préfet, en contrepartie d'un autre programme d'accueil de réfugiés et d'une opération de revitalisation des territoires ruraux, portés par l'État. Des projets qui se seraient faits de l'ombre. "Ce sont des manigances, commente-t-elle. Et il va falloir que le maire prenne maintenant ses responsabilités. Tout ça est lamentable ! note-t-elle, réaffirmant encore et toujours : "Il ne faut pas se soumettre à l'extrême-droite, ne jamais reculer face aux fascistes."

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité