La naissance d'Antonin, Charles et Bettina ne sont pas près de l'oublier. Leur deuxième fils est né sur la RN 12, alors que le couple roulait en direction de l'hôpital de Plérin, situé à 30 km de chez eux. La maternité de Guingamp est pourtant la plus proche mais les accouchements y sont suspendus depuis l'été 2023.
Sur son pull, est inscrit ce mot : happy. Heureuse. Bettina l'est assurément depuis la naissance d'Antonin le 1er mars 2024. Charles, son compagnon, l'est tout autant. Mais l'arrivée de leur deuxième enfant ne s'est pas vraiment déroulée comme prévu.
Antonin est né sur la route nationale 12, très précisément dans la commune de Trémuson, sur le siège passager du mini-van familial. Une histoire qui rappelle celle de Nathalie et Alan, lesquels ont vécu la même chose en décembre dernier.
Pied au plancher
Le dénominateur commun entre les deux couples : la maternité de Guingamp où les accouchements sont suspendus depuis l'été 2023. Bettina et Charles habitent à quelques minutes de l'hôpital et auraient bien aimé que la naissance de leur fils se passe de la même façon que celle de leur aîné il y a deux ans : encadré par l'équipe soignante de la maternité la plus proche de chez eux.
En chemin, j'ai fait le calcul : il reste 20 minutes pour arriver à Plérin, une contraction toutes les 2 minutes, je vais devoir en gérer 10
Bettina BrunMaman d'Antonin
C'est donc vers Plérin que, dans la nuit du 29 février au 1er mars, Charles a été contraint d'emmener sa femme, pied au plancher pour avaler le plus vite possible les trente kilomètres les séparant de l'hôpital privé des Côtes-d'Armor. Près de 30 minutes de route qu'ils n'ont pas eu le temps de parcourir. "J'ai ressenti des contractions intenses vers 4h du matin, raconte Bettina. Elles étaient espacées de 10 minutes. Deux heures plus tard, j'en ai eu toutes les deux minutes. J'ai dit à Charles qu'il fallait qu'on parte à la maternité".
La jeune femme, qui a du mal à marcher sous l'effet de la douleur, prend place avec difficulté dans le mini-van. "En chemin, j'ai fait le calcul : il reste 20 minutes pour arriver à Plérin, une contraction toutes les 2 minutes, je vais devoir en gérer 10. Parce qu'il était hors de question que j'accouche dans la voiture". Sauf que le bébé est prêt à sortir. "J'ai touché et senti ses cheveux, se souvient Bettina. Je savais que je ne pourrais pas me retenir. J'ai eu peur de mal faire aussi. Charles a réalisé que notre fils était né lorsqu'il a poussé son premier cri à 7h05". Dans l'habitacle du véhicule.
C'est l'une des plus grandes peurs de ma vie
Charles IsselinPère d'Antonin
Le père d'Antonin confirme que c'est en entendant les pleurs de son fils qu'il a pris conscience que sa femme venait d'accoucher. "J'ai tout de suite levé le pied car j'étais en excès de vitesse tellement je voulais que l'on arrive à la maternité, relate-t-il. Et j'ai monté le chauffage dans la voiture pour que le bébé ait chaud".
Lorsque le couple parvient enfin à l'hôpital de Plérin, Charles pique un sprint pour aller chercher les secours. Mère et enfant sont immédiatement pris en charge. "Ils allaient bien, j'étais rassuré mais quel stress !" souffle-t-il, avant de confier, des sanglots dans la voix : "C'est l'une des plus grandes peurs de ma vie. J'ai vraiment eu peur de perdre ma femme et mon fils".
"Ça m'énerve"
Six jours après la naissance de leur deuxième fils, les émotions de Bettina et Charles restent à fleur de peau. "Tout cela aurait pu être évité si la maternité de Guingamp n'était pas fermée, déplore le couple. Ce n'était pas notre projet, cet accouchement en voiture".
Est-ce que nous allons devoir prendre des cours pour nous accoucher nous-mêmes ?
Bettina BrunMaman d'Antonin
La jeune mère de famille accuse le coup. Même s'il n'y a pas eu de complications, elle s'interroge sur la responsabilité qu'elle a dû prendre en accouchant dans ces conditions. "Notre bébé aurait pu avoir le cordon ombilical autour du cou et l'histoire aurait pu virer au drame" dit-elle.
Quand elle rembobine le film de cette nuit du 1er mars, les larmes ne sont jamais très loin. La colère non plus. "Les maternités de proximité ferment. Aujourd'hui, c'est Guingamp. Demain, ce sera peut-être Lannion. Et après, on fait comment ?, observe-t-elle. Est-ce que nous allons devoir prendre des cours pour nous accoucher nous-mêmes, en plus de nos séances de préparation à l'accouchement ?". Charles finit par lâcher : "ça m'énerve, tout cela. C'est choquant. Et terrible pour le service public. Qu'on ne parle pas de réarmement démographique si l'on ne donne pas les moyens aux petites maternités d'exister".
(Avec Catherine Bazille)