"On a peur pour l’avenir." Au lycée agricole de Plouisy dans les Côtes d'Armor, les étudiants, paysans de demain, sont solidaires de la colère de leurs aînés. Ils nous partagent leurs inquiétudes pour un métier "passion" qu'ils veulent exercer envers et contre tout. Reportage.
Depuis trois jours, des fenêtres du Lycée agricole de Plouisy, les élèves voient la fumée noire sur les barrages routiers, symbole de la colère de leurs aînés. Un spectacle qui touche Charlotte et ses camarades de classe : "On a peur pour l’avenir."
"Je vois mon père galérer tous les jours, enchaîne-t-elle. Et je connais des jeunes agriculteurs qui galèrent à payer leurs bâtiments, à s’installer et à en vivre."
Un constat partagé par Katell, également fille d'agriculteur : "Il se lève tous les jours, 7 jours sur 7. Ce sont des heures passées jusqu’à minuit, 3 heures du matin. C’est vraiment un métier où on se dévoue. C’est une passion. L’agriculture c’est toute une vie."
"Ça part en vrille et c’est nous qui allons en payer les pots cassés."
Souvent pendant les pauses ou après les cours, les étudiants descendent sur le barrage proche du lycée. "Ils le font aussi un peu pour nous parce que ça part en vrille et c’est nous qui allons en payer les pots cassés," explique Youn.
Avec ses amis, ils viennent soutenir leurs parents, leurs maîtres de stage, leurs copains. Ils veulent être là et se battre avec eux.
Un manque d'avenir
Sur le barrage, on retrouve Lucie, étudiante en BTS analyse, conduite et stratégie de l’entreprise agricole. "On a peut-être pas choisi un bon métier qui est viable pour nous," s'inquiète-t-elle. Le prix du lait, du porc, les charges, la réglementation.
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Elle vit au quotidien la réalité d’un monde agricole en crise et s’interroge. "C’est sûr, ça fait peur. On ne pourra peut-être pas faire des projets ensuite." "On ne voit pas trop d’avenir," renchérit Benjamin.
"Être agriculteur, c'est travailler sans compter ses heures, être rémunéré au lance-pierre et dans le même temps, se faire incendier par la population. On a l’impression que personne ne nous comprend," conclut-il.
Effectif du lycée agricole en hausse
Sans s’en rendre compte, ils disent déjà tous "nous" pour parler des agriculteurs. "Je sais que plus tard, c’est ce métier-là que je veux faire, explique Kylo. Je me sens concerné déjà par tout cela. Faut essayer de faire changer les choses."
Un sentiment aussi partagé par Gwendoline : "Je ne me verrai pas faire autre chose mais il faut voir comment l’agriculture évolue et si j’arrive à vivre de ce métier. Avec ses manifestations j’espère que ça va faire bouger les choses et qu’on sera entendu."
Les étudiants rencontrés sont lucides sur leur futur métier. Néanmoins, malgré les difficultés, les effectifs du lycée agricole sont en haute de 7% cette année pour atteindre 340 élèves.
(Avec Séverine Breton)