VIDEO. Emploi. Le long de la RN12, les entreprises affichent leurs besoins de main d'oeuvre

On recrute, on embauche, on cherche des talents. Depuis quelques mois, le long des routes, on voit fleurir banderoles et pancartes. Nous avons décidé de prendre la Nationale 12 qui relie Rennes à Brest pour partir à la rencontre de ces entreprises qui cherchent à recruter.

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Petit matin ordinaire chez Choux Toiture à Caulnes en Bretagne. Dans la cour, les équipes chargent ardoises, crochets et ardoises avant de partir sur les chantiers. Au gré des manœuvres, les phares des camions jettent des éclats dorés sur les plaques de zinc. 

Dans son bureau, Christophe Burel essaye d’organiser l’activité de l’entreprise. Tous les jours ou presque, il est obligé de refuser du travail. "Il me manque entre cinq et dix couvreurs explique-t-il. Le carnet de commandes est plein jusqu’à l’automne. Si une dame téléphone pour me demander d’intervenir parce qu’elle a une fuite dans son toit, je ne peux pas. C’est terrible"  confie le dirigeant de la société de couverture. 

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On recrute, on embauche, on cherche des talents… depuis quelques mois, le long des routes, on voit fleurir banderoles et pancartes. Nous avons décidé de prendre la Nationale 12 et de partir à la rencontre de ces entreprises qui cherchent à recruter ©S. Breton, T. Bouilly /FTV

Il y a six mois, il a installé un grand panneau le long de la Nationale pour indiquer ses besoins de personnel. Il a reçu deux appels. Sa secrétaire confirme. "Avant, on recevait des CV. Il y avait des couvreurs qui venaient proposer leurs services. Cela n’arrive plus jamais ! "

Il manque un millier de couvreurs en Bretagne

La profession fait partie des métiers les plus en tension. Perché sur le toit d’une résidence en construction à Cancale, Jordan Bourgeault tutoie le ciel et les nuages. Il fait partie des dernières recrues de Choux Toiture.

 


Le jeune homme est arrivé comme manœuvre au moment du Covid. Il travaillait jusqu’alors dans la restauration. Il ne connaissait rien du métier. "Je ne savais même pas qu’il y avait un côté pile et un côté face sur les ardoises, sourit-il. Un côté lisse et un autre plus brut, plus esthétique sur les toits."

Antoine Debierre s’est chargé de lui apprendre les gestes du métier. "On a commencé par du facile et puis on a monté le niveau. C’est un métier où il faut réfléchir, s’adapter". Aujourd’hui, les deux hommes forment une équipe. 

"Il faut du temps pour former un couvreur, confirme Christophe Burel. Au moins cinq ou six ans avant qu’il ne soit autonome." 

Il n’y a pas de charpente sans charpentier, pas de toit sans couvreur

Jordan Bourgeault

Couvreur Choux Toiture

Le froid, la pluie, la hauteur. Les gens ont parfois l’image d’un métier un peu rude. "C’est beaucoup moins pénible qu’il y a quelques années, affirme Philippe Nicol, le président de la Fédération française du bâtiment des Côtes d’Armor. Autrefois, il fallait monter les ardoises, ou les parpaings pour les maçons à la main, parfois sur plusieurs étages. Aujourd’hui, il y a des monte-charges, des installations qui changent la vie sur les chantiers."   

Mais le métier reste très technique. "Il faut du temps pour former un couvreur , insiste Christophe Burel. Au moins cinq ou six ans avant qu’il ne soit autonome. On travaille avec différents matériaux, de l’ardoise, du zinc. On est tantôt sur des petites maisons individuelles, tantôt sur de gros chantiers de construction de résidences. On fait du neuf, de la rénovation, parfois, sur certains toits, c’est vraiment un métier d’artiste. "

La profession a pourtant été désertée, victime, comme d’autres, de l’image négative des métiers manuels. Pour la revaloriser, Christophe Burel aimerait pouvoir augmenter le salaire de ses couvreurs, mais il est coincé. S’il le fait, il risque d’être moins concurrentiel et donc de perdre des marchés. S’il ne le fait pas, et qu’il n’a pas assez de couvreurs, il en perd d’autres. 


"Il n’y a pas de charpente sans charpentier, pas de toit sans couvreur, constate Jordan pour qui le métier est devenu une passion. Quand on descend et qu’on regarde, on se dit : c’est nous qui avons fait cela et on pense aux gens qui seront à l’abri."

Un taux de chômage à 6%

Avec un taux de chômage à 6%, la Bretagne est la région qui a le plus faible taux de France. Au 3ème trimestre 2022, au niveau national, le taux de chômage s’établit à 7,3 %. Pour les entreprises, le recrutement se complique. 

Une dizaine de kilomètres après Caulnes, le long de la RN 12, un immense muffin au chocolat et un entremet à la framboise de 5 mètres de haut interpellent les automobilistes. Une banderole se déploie sur les murs de l’entreprise et indique que "Mademoiselle Desserts recrute et forme en CDI." L’entreprise souhaite embaucher vingt à trente personnes.

"On a besoin d’opérateurs de production, de conducteurs de machines, de conducteurs de ligne" détaille Marion Chevalier, responsable des relations humaines sur le site Mademoiselle Desserts de Broons. 

Mais pour réussir à embaucher, l’entreprise doit d’abord casser les idées reçues sur l’industrie. "Les gens s’imaginent que c’est bruyant, que ce ne sont pas des conditions de travail agréables, mais nous, on fait de la pâtisserie, quand on rentre dans l’atelier de production, ça sent le chocolat, la vanille, la pomme… "

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On recrute, on embauche. le long des routes, les pancartes fleurissent. Voyage sur la RN12 à la rencontre des entreprises qui cherchent des salariés ©S. Breton, T; Bouilly/FTV

Mademoiselle Desserts est spécialisée dans les douceurs. Elle compte douze sites de production, dont huit en France. À Broons, sur les lignes de production tournent des bûches, des entremets ou des muffins. 

"On sort 20 000 muffins à l’heure, décrit Alexandre Guérin, le directeur de l’usine. Pour changer le regard sur l’industrie, nous avons travaillé sur les postes de travail. Un robot a par exemple été installé en bout de ligne : il saisit les muffins qui sortent du four pour les poser dans des barquettes. C’est autant de gestes répétitifs en moins pour nos salariés, ça évite les troubles musculo squelettiques."

Pour attirer les jeunes dans les métiers de l’industrie agroalimentaire, Mademoiselle Desserts a aussi décidé d’insister sur les valeurs de l’entreprise. "Nos pâtisseries sont confectionnées sans colorant, sans adjuvant, nous essayons de mesurer notre impact sur l’environnement en privilégiant les circuits courts, en recyclant nos déchets. Les nouvelles générations de salariés ont besoin de donner du sens à leur travail."


Depuis le début de l’année, Mademoiselle Dessert a recruté 11 personnes, elle en cherche encore 30. En Bretagne, 2 000 postes sont à pourvoir dans l’industrie agroalimentaire. 


Des métiers en tension

Les métiers du bâtiment, de l’agroalimentaire, de la santé, de l’industrie font partie des quinze professions dites "en tension".  Entre 2013 et 2016, le nombre d’apprentis formés dans le secteur du Bâtiment et Travaux Publics a chuté de plus de 25 %. 

S’il y a une responsabilité, c’est sans doute un peu la nôtre, celle de notre génération

Cécile Vitel

Co-dirigeante Vitel Menuiseries

"S’il y a une responsabilité, c’est sans doute un peu la nôtre, celle de notre génération" reconnaît Cécile Vitel, co-dirigeante de l’entreprise de menuiserie qui porte son nom. "Nous avons dit à nos enfants de faire des études, d’aller vers le bac, l’université et maintenant, nous ne savons plus comment faire." 

A la sortie de Saint-Brieuc, la société a installé une pancarte, comme un appel à l’aide pour dire qu’elle est prête à former et recruter des poseurs. Malgré un carnet de commandes bien rempli, ces derniers temps, dans l’atelier, l’activité s’est un peu ralentie. A quoi bon fabriquer des fenêtres, s’il n’y a personne pour les installer dans les maisons ? 

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On recrute, on embauche, on cherche des talents… depuis quelques mois, le long des routes, on voit fleurir banderoles et pancartes. Nous avons décidé de prendre la Nationale 12 et de partir à la rencontre de ces entreprises qui peinent à recruter ©S. Breton, T. Bouilly /FTV

"Dans les années 1950, chaque petit bourg avait son menuisier qui allait de maison en maison en fonction des demandes, raconte Cécile Vitel. Il faisait tantôt un escalier, tantôt une cuisine, un parquet ou des fenêtres. Un petit groupe d’artisans briochins a alors eu l’idée de se répartir les tâches pour se spécialiser. Yves Vitel a choisi les portes et les fenêtres. L’entreprise a grandi, elle emploie aujourd’hui une quarantaine de salariés. Elle cherche quatre ou cinq poseurs supplémentaires. "

"Nos commerciaux signent des commandes mais si on dit au client qu’on ne pourra le livrer que dans plusieurs mois, cela n’a pas de sens. On ne peut pas non plus stocker leurs fenêtres mais du coup, on risque de perdre des affaires. On pourrait faire plus, c’est frustrant. "

Cet après-midi-là, Xavier Morin, poseur chez Vitel Menuiseries a garé son camion dans la cour d’une ancienne ferme en pleine rénovation. Ouvertures, volets, il faut tout changer. En 20 ans de métier, il a posé des milliers de portes et de fenêtres, mais "ce n’est jamais la même chose, se réjouit-il. Toutes les maisons sont différentes, parfois, les murs ne sont pas droits, il faut s’adapter en permanence. C’est un beau métier." 

Il faut des gens comme nous

Xavier Morin

Poseur Vitel menuiseries

Depuis le mois de septembre, chaque matin, il passe prendre Antoine Lesage. Le jeune homme a signé son contrat d’apprentissage le jour de son anniversaire le 25 aout dernier. Il a découvert la menuiserie au moment de son stage de 3ème. Il est rentré le soir en annonçant à ses parents que c’était ça qu’il voulait faire. 


Xavier lui apprend le métier. Sans lui raconter d’histoire. Il faut parfois porter, travailler dehors. "Mais en quelques heures, on change l’allure d’une maison et la vie de ses habitants", précise Xavier Morin. "Il faut des gens comme nous."

L’intelligence de la main

"Nos salariés ont de l’or dans les mains, mais la société ne le voit pas assez, regrette Cécile Vitel. On fait trop peu de cas du travail manuel. Ils ont pourtant un savoir-faire et un savoir-être. On pénètre dans l’intimité des gens quand on va changer une fenêtre dans une chambre ou une salle de bain. Il faut de vraies et belles compétences. "


Depuis 2021, dans le secteur de la construction, les besoins en main d’œuvre ont grimpé de 42 %. L’entreprise essaye de chouchouter ses salariés. Cet hiver, un coach sportif est même venu deux jours par semaine faire de l’éveil musculaire aux équipes. "On a de la chance, nos poseurs restent avec nous" se félicite Cécile Vitel. 


Elle sait que parfois, lorsque les camionnettes sont garées devant les chantiers, on vient voir les poseurs, les maçons, les peintres pour tenter de les débaucher. "On en est là", conclut-elle. "Ca en dit long."

Des métiers en déficit d’image

"Aujourd’hui, pour les gens, travailler en usine c’est ringard". Bruno Chevance n’est pas du genre à tourner autour du pot. Il a repris l’entreprise de fabrication de remorques agricoles fondée par son père en 1965. Il façonne des remorques pour le ramassage des légumes, des bétaillères, des épandeurs, du matériel pour les travaux publics ou les collectivités. 

Sous son casque de soudeur, Sébastien Le Pennec ne partage pas du tout le constat. Après des années dans l’entreprise, il est toujours impressionné par la magie qui s’opère sous la force des plieuses et la chaleur des postes de soudure.

Pour fabriquer une remorque, il faut un peu d’acier et beaucoup d’hommes et de savoir-faire. "On part d’une feuille de métal plate et à la fin, on a une remorque entière et finie" s’émerveille-t-il. 

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On recrute, on embauche, on cherche des talents… depuis quelques mois, le long des routes, on voit fleurir banderoles et pancartes. Nous avons décidé de prendre la Nationale 12 et de partir à la rencontre de ces entreprises qui peinent à recruter ©S. Breton, T. Bouilly /FTV

Bac pro à peine en poche, Sébastien Le Pennec a enfilé son casque de soudeur pour travailler dans l’entreprise. C’est là qu’il a appris le métier. Auprès des anciens de l’atelier. "J’ai commencé à la perceuse, se souvient-il, et puis j’ai avancé". Aujourd’hui, les anciens sont partis, c’est lui qui prend le relais. 
Car dans l’atelier, nombre de ses collègues n’ont pas de formation dans la chaudronnerie ou la métallerie. 

"Face à la pénurie de main d’œuvre, on a changé de stratégie, reconnaît Bruno Chevance. Pour fabriquer nos remorques, on recrute des électriciens, des carreleurs, des cuisiniers et les forme pour leur donner le goût de l’acier. "
 

Chacun arrive avec son histoire, son expérience et enrichit l’atelier. Brian Da Rocha travaillait dans les élevages avicoles quand une mission en intérim l’a conduit dans l’entreprise. Il y est resté. Un jour, à son tour, Brian formera peut être les jeunes qui entreront dans l’entreprise. Il espère qu’ils seront nombreux. En Bretagne, 3 400 postes seraient à pourvoir dans l’industrie

Un monde qui change

L’an dernier, Pôle emploi a mené son enquête sur les besoins en main d’œuvre en Bretagne en 2022. Les entreprises ont déclaré souhaiter embaucher 162 000 personnes. 17% de plus que l’année précédente. 

Une petite révolution a commencé. Les entreprises doivent s'adapter. Elles changent leurs méthodes, leurs pratiques. "Jamais je ne parlerai à un salarié comme mon père pouvait le faire avant, témoigne Bruno Chevance. J’aurais sa lettre de démission sur mon bureau dans les cinq minutes.

Dans l'atelier; il a modifié les horaires de travail pour que les salariés aient davantage de temps libre. Choux Toiture expérimente aussi un nouvel aménagement pour libérer des vendredis. 

Tous expérimentent des solutions pour attirer de nouveaux candidats. Le rapport au travail a changé. 

Pendant des années, on parlait de chercheurs d’emploi, on va peut être désormais évoquer les chercheurs d’employés. 

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